Aujourd’hui référence du punk rock en France et en Europe (voire plus ?), c’est en 1988 que les Burning Heads démarrent sous l’influence de formations US comme Dag Nasty, Government Issue, Descendents, Naked Raygun… Emmené par Pierre Mestrinaro, le chanteur gratteux, Phil, l’autre guitare, JAL, bassiste (qui s’en ira après le premier album, self titled), et Thomas Viallefond, le batteur (qui fait de la double pédale sans double pédale !) ; le groupe se jette sans tarder sur scène et multiplie les concerts, d’abord dans son fief (Orléans) puis dans la France entière.
Le premier EP "Love & Hate" (Black&Noir, 1991) est déjà une cinglante réponse au hardcore mélodique américain déferlant sur l’Europe (Bad Religion, Nofx, Down By Law, Big Drill Car, All...). Les amateurs ne s’y trompent pas. Burning Heads devient très vite le groupe de l’après alternatif français. La naissance d’une identité punk-rock mélodique française. Si bien que lorsque sort le premier album, éponyme (S/T, Semetery Records (division de FNAC Music), 1992), les fans connaissent déjà les morceaux par cœur. D’autant plus que le disque bénéficie d’une production calibrée de Donnel Cameron, partenaire de Brett Gurewitz (boss de Epitaph Records) qui donne à des titres comme "No Excuse", "Falling", "Place For Me" ou "Making Plans For Nigel" (reprise de XTC) une merveilleuse saveur qui mélange rapidité et subtilité, mélodie et rage.
Durant cette période, les Burning Heads joueront partout où l’on voudra bien d’eux (avec le nouveau bassiste JYB, "Jibé" pour Jean "Young Blood" son ex-groupe, de son vrai nom Jean Benoît Thauvin, ouais c’est vrai c’est moins rock n’roll !), écumant cafés-concerts comme MJC, assurant les premières parties avec la même verve que lors de ses participations aux festivals de tous poils. C’est comme ça qu’un groupe s’impose, par la scène.
Dive (Pias France, 1994) bénéficie une fois de plus du savoir-faire d’un grand de la production américaine Jack Endino (faiseur de son pour Nirvana, Mudhoney et autres cadors de l’ère grunge) qui se déplace en France pour l’occasion. L’album recèle de vraies pépites punk-rock mélodique. Il faut voir le public devenir dingue lors de l’exécution de "Piece Of Cake", "Sitting In My Room" ou "Dance Of The Ghosts", quand il ne se jette pas dans la fosse sur "Don’t Wait For Me" ou "Mr White". Car plus que de communiquer son énergie à travers une musique toujours plus incisive, le groupe partage aussi sa bonne humeur et sa chaleur humaine.
Burning Heads n’est plus seulement un phénomène local. Nos voisins teutons, suisses, belges, italiens et espagnols commencent à subir les élans fougueux des Têtes Brûlées grâce aussi à la distribution PIAS. Super Modern World (Pias France, 1996) viendra confirmer le talent des punk-rockers orléanais, désormais chef de files d’une vague hardcore mélodique française plus seulement inspirée des productions américaines (celles d’Epitaph, Fat Wreck Chords ou Revelation) mais aussi par le style décontracté mais néanmoins soutenu des Burning Heads. Produit par Fred Norguet et Jacques Garnavault, ce troisième disque aligne des titres survoltés ("Break Me Down", "Angry Sometimes", "Swindle") et revendicateurs ("No", "Homeless") laissant percer de plus en plus la personnalité musicale du groupe. Comme chaque année qui passe, la liste des concerts s’allonge.
Durant ces premières années, le groupe enregistre quelques EP (Reds/Beggars chez Flying Charentaise / Booooo Hoooo, PIAS France) ou MCD (Piece Of Cake, Pias France ; Wise Guy chez Epitaph Europe), des splits EP (partagés avec Thompson Rollets, NRA, The Marshes) tout en participant à un nombre incroyable de compilations d’envergure confidentielle, nationale ou internationale (Fachons Les Fachos, Pandemonium, Petite Panik, Holiday In Mururoa, à l’époque de la reprise des essais nucléaires français). Généreux, le groupe distribue ses titres à la scène indépendante française, imposant un respect mutuel à toute une génération d’activiste (fanzines, associations, radios locales, labels underground). La compilation The Weightless Hits (sur Filox en 1996, label crée par Didier Filloux, le cinquième "membre" de Burning Heads qui les lâchera pourtant dans la période de l’album reggea…) viendra au secours des fans transis, leur apportant quelques-uns de ses titres rares, faces B et autres sur une seule et même rondelle.
Be One With The Flames (Epitaph, avril 1998) est un disque important et le quatrième vrai album du groupe. D’abord, parce que le groupe signe sur le label majeur du punk-rock mélodique. Une consécration méritée de l’avis de tous, même si ce n’est que sur la succursale européenne d’Epitaph. Ensuite, parce que le disque est diffusé dans toute l’Europe grossissant ainsi l’impact international du groupe.
Les tournées avec Down By Law, NoFX et NRA permettent de vérifier la très haute tenue du groupe face aux pointures du même style. On en a vu se sentir bien mal après le set des petits frenchies. Une fois encore, Fred Norguet et Jacques Garnavault retrouvent l’intensité du live et la transmettent dans des morceaux comme "Wise Guy", "Wrong", "Make Believe" ou "Time’s Up". Le son se durcit. Les compositions aussi. Drôle d’évolution diront certains, habitués à ce que leurs groupes fétiches s’essoufflent un jour ou l’autre.
En 1999, le groupe rejoint Jack Endino à Seattle pour un Escape (Epitaph, 1999) d’un punk-rock plus brut que jamais mais pourtant mieux maîtrisé ("SOS", "Thinking Of The Time", "No Way" en attestent). Chaque nouvelle livraison discographique s’avère être la meilleure. Ce faisant, le groupe continue son engagement, citant Propagandhi et leur site activiste, Mickael Moore, l’asso ATTAC, le collectif de journalisme indépendant "IndyMedia" (www.indymedia.org) ou l’asso pour le Tibet Libre dans les liens de leur site (http://www.multimania.comnagual/tibet - le morceau "Judy" apparaît d’ailleurs sur la compil Free Tibet en 2000). Et comme Epitaph refuse toujours de distribuer le disque aux States, c’est Victory Records (autre référence en matière de hardcore US) qui l’édite et le distribue aux States, Canada et Japon. Le tableau est quand même incroyable. Nos chers Burning Heads sur deux des plus gros labels du genre. Chapeau les gars !
En automne 2000, le groupe entame une longue tournée européenne (Epitaph Euro Attack Tour) en compagnie de ses camarades de label Terrorgrüppe et De Heideroosjes, ce qui les amène en Allemagne, Italie, Hollande, Angleterre… À leur retour, les Burning Heads commencent à travailler sur leur "album reggae" tout en cherchant un nouveau label (le contrat avec Epitaph s’enlise).
2001, et voilà Opposite sur Yelen Musique (label-filiale de Columbia, division de Sony Music, gros vendeur avec Tryo, Marcel & Son Orchestre entre autres et dont le rêve secret était d’avoir les Burning dans ses rangs !…). Une nouvelle étape pour le groupe désormais en autogestion totale et plus décidé que jamais à contrôler son parcours. Bientôt quinze ans de punk-rock endiablé. Quoi de mieux que de fêter ça avec un nouvel album différent. Car n’oublions pas qu’avant d’être un disque de reggae, Opposite est avant tout un nouvel album des Burning Heads (remodelé en début d’année après le départ du guitariste Philippe, remplacé par l’ami de longue date Eric Fontaine dit "Fonfon"), ce qui en fait forcément quelque chose d’excitant. Mais à quoi bon argumenter. Le punk-rock a toujours été lié au reggae. Souvenez-vous : The Clash, The Ruts, Stiff Little Fingers, Basement 5, The Slits, Bad Brains… On ne compte plus les sémillants combos énervés qui ont su imposer leurs idées avec des rythmes jamaïcains plutôt que par leur excès de colère. Les Burning Heads explorent simplement et pleinement leur culture.
Opposite n’est pas un caprice. Rien qu’une extension d’un univers musical. Il permettra au groupe de participer, entre autres, à des festivals dub ou electros (on les voit d’ailleurs parfois arborer des sweats de High Tone etc…), de proposer un plateau de 3 groupes en France pendant un mois (Le Punky Reggae Tour 2001) au succès remarquable. L’avant Taranto se traduit aussi par une série de concerts dans les Alpes avec deux groupes monstres du punk suédois : Satanic Sufers et Adhesive, une tournée de 15 jours en Italie, Sardaigne et Sicile, ainsi qu’un concert en juillet 2002 aux Deux Alpes, par 3400 mètres d’altitude, à midi, en plein été !
Avec le septième album, Taranto, sorti le 03/03/03, les Burning Heads continuent d’explorer le punk rock de leurs origines, sans se répéter mais en peaufinant un style qu’ils connaissent bien. Résultat, 17 titres tantôt énergiques, mélodiques ou corrosifs. Des textes qui reflètent le monde d’aujourd’hui ou directement inspirés de films, articles, reportages, livres, etc... avec un clin d’œil à leur escapade reggae : "Babylon’s Burning" reprise des Ruts. Avec tout ce bagage accumulé, les expérimentés Burning Heads sont aujourd’hui un des rares groupes français à pouvoir présenter sur scène une telle diversité et démontrer une telle maîtrise.
Avec Taranto (Yelen musiques, 2003), les Burning Heads, très proches de leur public, invitent au voyage, à la réflexion, à une observation et une critique de notre monde en décomposition. "Nous ne voulons pas être les stars académiques de demain, fades et insipides, mais juste garder les yeux ouverts et les pieds sur terre. Burning Heads n’est pas un chemin de croix, le punk rock n’est pas que du bruit. On n’est pas des messies. Nous sommes juste là pour vous rappeler qu’on n’est pas dupes ! Sur cet album, il y a une plage CD-rom et 4 vidéos, qui ne passeront jamais à la télé, car elles ne sont pas formatées, et n’auront jamais "droit de citer". Qu’importe, de toutes façons, MARKETING IS KILLING ART".
S’en suivent une tournée au Canada où le groupe tisse des liens avec les Vulgaires Machins. C’est en compagnie des Québecois et de Tagada Jones que le groupe effectuera le Punky Rock Tour 2003 à travers toute la France. Cette aventure donnera naissance à Cross The Bridge, un split avec les canadiens sur le label des Tagada, Enragés Prod. Suivra une tournée mémorable avec le groupe Alif Sound System (hip-hop punk hxc drum & bass) qui leur permet de poursuivre les expérimentations artistiques et d’envisager une nouvelle tournée du genre en mars 2004 (vingt dates environ). Cette série de concerts donnera naissance au CD BHASS, sorte d’OVNI musical mélangeant punk-rock et drum’n’bass.
En 2005, Sony sacrifie sa filiale Yelen au nom de la crise qui touche les majors. Pierre et sa bande se retrouvent sans label et décident de créer leur propre structure, Opposite Records. C’est aussi à cette époque que Fonfon quitte le combo. Il sera remplacé par Mike, un roadie du groupe. La première production d’Opposite sortira en octobre, sous la forme d’un split BH / Uncommonmenfrommars nommé Incredible Rock Machine, suivi quelques mois plus tard du huitième album, Bad Time For Human Kind. Cet opus marque un retour aux sources avec un punk-rock plus brut, servi par une production DIY effectué par Pierre lui-même. En mars 2006, une tournée de cinquante dates en compagnie d’UMFM est organisée pour accompagner le split. Une tournée en solo est déjà prévue, car les Burning n’ont décidément pas encore envie de s’arrêter.
La meilleure preuve de la vitalité du groupe est d’ailleurs l’annonce pour 2007 de la parution d’un nouveau projet reggae/punk/dub, évidemment nommé Opposite 2.
Et ce n’est pas le cap des 20 ans qui va calmer les ardeurs de nos quatre gars ni leurs envies de nouvelles expériences. 2009 verra donc la sortie de Spread The Fire, un concentrés de titres punk-hardcore à la sauce BH, prétexte à une longue tournée avec rien de moins que The Adolescents, pour une tripotée de dates mémorables dans l’Hexagone (avec à la clé un split vinyle 6 titres, Shut Up And Listen).
Bref tout est dit !… Et message à toutes les têtes brûlées : le groupe œuvre pour que ses skeuds ne dépassent pas les 12 euros chez les disquaires qui jouent le jeu ! Support Your Scene !
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