nov.
27
2007
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Bad Religion >> How Could Hell Be Any Worse ? |
Contexte :
Il est étonnant d’adorer des groupes formés avant même qu’on ne soit né. Il est encore plus surprenant d’assister à leurs concerts vingt-cinq ans plus tard. Pourtant, tel est le cas avec Bad Religion. Les Californiens ont commencé à jouer alors que je n’étais ni né, ni conçu, ni même encore désiré… Aujourd’hui, je suis un inconditionnel du groupe ! Et je ne dois pas être le seul dans ce cas-là. Greg Graffin et Brett Gurewitz, qui ont fondé le groupe en 1980, étaient sûrement à des années lumière de s’imaginer la renommée que Bad Religion obtiendrait au moment d’enregistrer ce premier album, en 1982, un an après la sortie d’un premier EP éponyme…
Notons que lors de l’enregistrement de How Could Hell Be Any Worse, Jay Ziskrout, batteur et fondateur de BR, quitte le groupe. C’est donc Pete Finestone qui le remplace au pied levé pour la fin de l’enregistrement. Réalisé en sept jours avec les moyens du bord, cette galette possède un son crade la différenciant des prochains efforts du combo.
Chronique :
Bientôt trente ans que Bad Religion sillonne les routes et distille son punk rock mélodique. Une mode dure-t-elle trois décennies ? Non. Bad Religion et toute la scène punk rock, au sens large, avancent à contre-courant, faisant fi des modes et des tendances. Et si certains voient les vagues « emo/screamo » ou encore « hardcore modern/oldschool » de ces dernières années comme des modes, je les voie plus comme des ramifications de la grande famille du punk rock, influencées par leurs aînées et influençant bientôt leurs descendances. Le hardcore a-t-il enterré le punk ? L’emo a-t-il enterré le pop-punk ? Le hardcore newschool a-t-il enterré le hardcore oldschool ? Tous ces styles naissent, évoluent, grandissent sans anéantir leurs prédécesseurs, puis donnent naissance à leur tour à de nouveaux genres, élargissant sans cesse le spectre musical punk-rockien. Il n’y a pas de raison pour que cela s’arrête, et j’ose espérer que des jeunes écouteront encore du Bad Religion dans trente ans ! Quand la calvitie et les rides trahiront mon âge…
Mais comme tout le monde, le groupe a évolué. Et vous imaginez bien que le cru Bad Religion 1982 ne ressemble pas vraiment au dernier opus en date du combo. D’abord, le groupe ne possède qu’une seule guitare (tenue par Mr. Brett), en lieu et place des trois guitaristes aujourd’hui (après 2002). De plus, les quatre Californiens, alors à peine âgés de 20 ans, n’ont pas la même maturité et la même approche vis à vis de la musique. Greg Graffin n’était pas encore double doctorant, et Epitaph (le label de Brett Gurewitz) n’était qu’un logo et une boîte postale ! Quant au son, il était beaucoup plus sale, saturé, avec de nombreux bruits parasites, donnant un aspect très brut, genre « enregistré dans la cave ». On ressent sur cet album une certaine urgence, une rage vomie à la face du monde avec beaucoup de virulence.
Car s’il y a bien une chose qui a toujours caractérisé Bad Religion, c’est bien son engagement politique. Et sortir un premier album s’intitulant « Comment l’enfer pourrait être pire ? » montre l’implication du quatuor. Critique de la société et de l’homme moderne (« We’re only gonna die »), des mensonges faits aux populations (« Latch key kids »), condamnation de la guerre (« Une démonstration d’avidité et d’ignorance, la quête de l’homme pour la domination », « Part III ») et, bien sûr, de la religion (« Faith in God », « Eat your dog »). Le groupe s’en prend également au Rêve américain (« American dream », « White Trash (second generation) »), le tout avec des textes vindicatifs, intelligents et empreints de métaphores.
Musicalement, on retrouve tout de même les prémices du son BR. Greg Graffin tout d’abord, dont on reconnaît le timbre de voix, même si cette dernière est plus poussée, éraillée. Les lignes de chant du vocaliste sont également moins propres et on relève quelques petites imprécisions. Autre point non négligeable, la voix de Graffin est beaucoup moins mise en avant que par la suite. De plus, la seule et unique guitare donne moins de puissance à l’ensemble. Mais on retrouve ça et là des petits soli qui ont forgé l’identité musicale du combo. La basse est assez forte, très présente, et Jay Bentley s’autorise quelques incartades rappelant (dans le futur) le premier album d’Anti-Flag. Autre originalité, le synthé, sur « We’re only gonna die », assez surprenant même si mis en retrait. Sinon, les ricains restent dans une formule basique couplet/refrain, avec des riffs simplistes eux aussi.
Les zicos ne sont pas des foudres de guerre non plus à cette époque, et l’efficacité prime sur la technicité. Enfin, cet album comporte peu de chœurs, marque de fabrique du groupe par la suite. En un mot, du Bad Religion en moins mélodique et en plus crade en raison d’une prod plus qu’approximative. Cependant, même si cet opus n’est pas à la hauteur des suivants, il contient quelques perles, comme le célèbre « Fuck Armageddon… This is Hell », que le groupe joue encore en live, ou encore « Along the way ». Enfin, les gaillards font preuve d’une certaine maturité, textuellement parlant, mais aussi musicalement, le groupe ayant déjà une identité assez marquée, et cela malgré le peu d’expérience des jeunes californiens lors de l’enregistrement.
Ajoutons que la version remasterisée contient les titres du premier EP (S/T), de l’EP sorti en 84 (Back To The Know), et trois morceaux sortis en 81 sur une compilation, mais figurant sur les EP précités. De quoi ravire les fans… Un premier album plus que prometteur (facile de dire cela aujourd’hui !). Conseillé aux fans inconditionnels du groupe mais aussi à tous ceux qui trouvent BR trop mélo, trop propre ou encore pas assez brut sur ses productions suivantes. Ou tout simplement pour découvrir les premiers pas d’un des plus grands groupes de punk rock du monde.
Punk’s not dead ! Punk will never die !
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