oct.
15
2007
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Sainte Catherines (The) >> The Art Of Arrogance |
Contexte :
Avant de débarquer dans l’Église du Gros Michel, la soeur Sainte Catherine avait déjà fait ses preuves. Elle avait commencé en nous décrochant les étoiles avec Those Stars Are For You, mais comme cela ne lui suffisait pas, elle préparait quelque chose de bien plus ambitieux et de bien plus retentissant dans les couloirs sombres de l’abbaye de Dare-to-Care Records. En secret la religieuse pas très catholique cultivait en effet « l’art de l’arrogance »... Quoi de mieux pour un album arrogant qu’une chronique qui l’est tout autant ? Arrogante au point de se bourrer de références/clins d’œil/anecdotes/détails se rapportant au livret, aux paroles, groupes, à Montreal... Arrogante au point d’utiliser plusieurs rallonges et de revendiquer l’appellation de ’chronique’... J’aurais pu pousser le vice jusqu’à lui mettre un arrogant 20/20 mais finalement ne pas tomber dans ce cliché c’est peut être ça aussi, l’Art de l’Arrogance.
Chronique :
Après avoir « dansé pour la décadence » tout l’été 2006, il restait cependant une légère sensation d’inachevé, non pas que le dernier album en date de The Sainte Catherines m’ait laissé sur ma fin, loin de là ; non, il s’agissait plus d’une curiosité qui me titillait le cerveau, comme un gamin qui tirerait la manche de son père en demandant : « Dit papa c’est quoi l’Art de l’Arrogance ? »
Je me retrouve donc là, assis devant mon PC, sirotant une Fin du Monde tout en repensant à Montréal tandis que mes doigts effleurent la touche play… C’est tout d’abord la surprise qui s’empare de moi, surpris de me retrouver dans cette ville qui il y a quelques seconde me paraissait si lointaine, surpris de voir que ma bière est toujours là, accompagnée désormais d’une succulente poutine dont le parfum chatouille les narines. Il n’y a plus de doute : me voilà au Québec, à Montreal assis à une table de La Banquise. Ah oui ! Le but de ma visite. La première personne qui passe et cette question qui me brûle les lèvres : « Hey dis ! C’est quoi l’Art de l’Arrogance ? »…
En guise de réponse l’individu saisit soudain son couteau et se tranche net tous les doigts de la main droite en dessous de la dernière phalange. Le sang gicle de toute part sur la table jaunie dévoilant alors un étrange tableau. Impression de déjà vu. Derrière moi une voix s’élève, Marcel Duchamp me souffle : « Un tableau qui ne choque pas ne mérite pas d’être peint »… Pas le temps d’en savoir plus, l’inconnu se précipite à l’extérieur et saute dans son char. Les pneus crissent - produisant un calembour pour nos amis québécois - et un boucan de tous les diables qui couvre presque totalement ma voix lorsque je renouvelle ma question. L’autre bougre ne se prive pas pour me lâcher un « Va Donc Chier » magistral et énergique, de quoi réveiller tout le quartier. Le gars est un véritable chauffard et se fait traiter de con par plus d’un, il pousse même le vice sono bien à fond sur « Expensive Cars Chroming All-Star Teams ».
Au hasard de mon errance je retombe plus tard sur le véhicule. A l’arrêt, portière conducteur grande ouverte. A priori le chauffeur a pris la fuite. Et là un corps étendu à quelques mètres. Bien vite un attroupement se forme autour du blessé. Les secours ne sont pas encore là mais un homme qui ressemble plus à un mécano qu’à un médecin écarte la foule et se penche sur le corps avant de fouiller dans sa caisse à outils. Je lui demande s’il sait ce qu’il fait et il me répond : « Pas de problème, « D Is The Key To Open Heart Surgery » ». Ne préférant pas assister au spectacle je me prépare à partir, fixant une dernière fois l’accidenté sur le t-shirt duquel est inscrit en grande lettres « Suck la marde ». J’ai appris plus tard qu’il était mort. Personne autour de la voiture abandonnée, c’est avec un culot monstre que je m’en empare et m’enfuit à travers les rues de la ville.
Les voix se sont tues, seule la musique reste, l’auto-radio grésille et laisse s’écouler lentement la mélodie de « It’s All About Ja Rule Baby ». Seul à parcourir les rues étrangement désertes de Montreal, fini le rythme effréné et brutal, la ballade se veut mélancolique et douce. Je me laisse bercer par la musique, c’est alors que je me souvient d’Elle. Elle est comme là, assise sur le siège passager, les lumières urbaines brillent comme ses yeux. Je ne dis rien, je presse la touche repeat. Faire durer le plaisir, se demander à laquelle je tiens le plus : Elle ou Montreal ?... La question reste sans réponse, encore une fois, puis la voiture s’arrête : il n’y a plus de ‘gas’ dans le réservoir, tant pis il va falloir continuer à pied.
Je quitte l’habitacle, les rues désertes retrouvent en un clignement d’oeil leur affluence habituelle. Je croise Kurt Cobain, plus vivant que jamais : « Art is sacred, punk rock is freedom, expression and right to express is vital ». Le genre de certitudes qui guident une vie. Je courre désormais, vers la prochaine rencontre. Pas de chance c’est sur Simple Plan que je tombe. J’apprends alors que le véritable nom de leur premier album était « No Pads, No Helmets... Just A Bunch Of Dicks »... Hum attendez une minute... ces riffs, ces voix d’alcoolos... mais oui il s’agit bien des Sainte Catherines. Me voilà rassuré, je ne me suis pas perdu en route. Je continue la soirée ambiance locale à l’Eau Bénite, la discussion s’engage et s’éternise. On parle d’amitié surtout. J’évoque ma ville, mes potes, un sourire au coin des lèvres : dire que j’ai passé des soirées entières avec ces mêmes potes à leur parler de Montreal…
Sorti de ma rêverie, je suis de nouveau seul, au beau milieu de la rue Sainte Catherine. Coïncidence ? Je choisis une direction au hasard et remonte la rue quand le chant d’une guitare calme et mélodique charme mes oreilles, quelques mètres plus loin un individu dont j’ai du mal à percevoir le visage me fait une proposition des plus étranges : « Fuck Me With A Bag Over My Head ». S’agit-il d’une femme ou d’un homme ? Evitons les mauvaises surprises ! Je préfère prendre mes jambes à mon cou. J’ai réussi à distancer l’inconnu mais la musique elle, me rattrape, grimpe jusqu’à mon cerveau et souffle des idées folles à mon esprit lucide. A moins qu’il ne s’agisse d’idées lucides suggérées à mon esprit fou... Qu’importe je me mets alors en quête d’un Wal-Mart bien décidé à y foutre le feu…
Cocktail molotov à la main, geste incendiaire engagé et soudain… Voilà que débarque une bande de poseurs se dirigeant droit sur l’entrée. Le groupe me croise et l’un d’eux me déclare : « Euh, je crois que t’as fait une faute, c’est un E à la fin de DIY et pas un Y ». Le gamin à l’air le plus sérieux du monde, j’ai envie de rire. Les gars pénètrent à l’intérieur du magasin en sifflotant leur hymne, le « Faux-Marxist Anarcho-Punks Anthem ». Pas d’homicide ce soir, je vide la bouteille dans mon gosier, le mélange brûle ma gorge et mes idées sombres. Je retrouve mes esprits. Tant pis ils crèveront par leurs propres moyens.
Je me remets en route et tombe au détour d’une ruelle sur une vitrine. Derrière, une oeuvre d’art hors de prix, du genre de celles qu’apprécient les émotifs au coeur brisé. A moins que ce ne soit l’inverse encore une fois : « Broken Art For Expensive Heart ». Pas le temps de me retourner que mes poseurs du supermarché sont de retour. Cette fois-ci s’en est trop : « Fuck you face. You’re fucking fake ! ». Plus rien pour étancher ma soif et apaiser ma colère. Vite ! Trouver un bar en plein milieu de la nuit, ouvert ce n’est pas un problème, avec des places libres c’est autre chose... La chance me sourit. Une ravissante québécoise fait de même. Etait-elle blonde, rousse, brune ?... A moins que sa chevelure ne fût noire, cuivrée ou même dorée... Quelques minutes plus tard j’ai le même problème de couleur avec la Boréale qu’on m’a servie. Je me repaie pourtant une tournée. Le type à côté de moi engage la conversion en déclarant : « I Can’t Have Sex All The Time ». Je me marre et lui dis que pour moi c’est pareil et que c’est pas plus mal ! On passe alors la nuit à se payer des coups et à refaire le monde, décidant que nos paroles ne resteront pas en l’air, lui veut faire ça en musique et me dit : « Mais tu sais, le « Funk C’est Toujours Winner ! » ». A ce moment (pas si) précis, un groupe de connard entre dans le bar en déclarant : « South Central Family Reprezent... Fuckers ». Il s’avérera que le dernier mot ne provenait pas du groupe en question mais de mon interlocuteur qui me saisit alors par le bras pour m’entraîner par une porte dérobée.
La ruelle est glauque mais la discussion se poursuit, chaleureuse. Je resterais bien là éternellement mais soudain une sensation de froid mordant s’empare de moi. L’homme s’est arrêté de parler et me fixe tristement. Il m’apprend que je dois partir, que Montreal saigne, le pire dans tout ça c’est que quand je le reverrai trois ans plus tard pour « danser en l’honneur de la décadence », l’hémorragie n’aura pas stoppé. Seul, une dernière fois, l’estomac retourné plus par les événements récents que par la bière ingurgitée tout au long de la nuit. Quelque chose d’humide et de râpeux, je pense tout d’abord à la jeune fille de toute à l’heure, avant découvrir qu’il s’agit en fait de la langue de mon chat et que je ne suis pas à Montreal mais chez moi la tête enfoncée sur le clavier de mon PC…
Le CD tourne toujours mais aucune musique ne s’échappe des enceintes. Albert Schweitzer disait qu’ « Il existe deux refuges contre les malheurs de la vie : la musique et les chats ». Finalement je ne suis pas si malchanceux que ça : j’ai les deux à la maison. Le son est de retour mais ce n’est ni celui d’une guitare, d’une basse ou même d’une batterie, juste la voix d’un mec demandant une bière, cette voix ressemble à s’y méprendre à celle du gars que j’ai rencontré dans ce bar. J’avais pas une chronique à écrire déjà ? Je m’apprête déjà à effacer le texte apparu alors que j’appuyais au hasard avec mes oreilles sur le clavier quand finalement s’ouvre une page du site de The Sainte Catherines sur laquelle on peut lire : « C’est pas le paradis ça ? Si ça ne l’est pas, c’est que t’as rien compris à L’Art de l’Arrogance... »
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