Groezrock Festival (Meerhout - Belgique) le 28-29/04/2006

Pour fêter les quinze ans du festival, les organisateurs ont vu les choses en grand : deux journées de concerts au lieu d’une et surtout une programmation énorme, marquant le coup d’envoi des festivals de printemps et d’été.
Après un périple de près de douze heures en voiture en provenance du Finistère, le bout du bout d’la France, l’arrivée sur le site se fait de nuit, pas le plus facile pour se repérer dans le patelin campagnard Meerhoutien à base de briques rouge et de panneaux uniquement en flamand. Un coup d’œil sur le programme de cette soirée placée sous le signe des mèches laquées et des lunettes carrées, on s’attend à voir Underoath. Le temps d’aller prendre une première bière et on perçoit vaguement venant du chapiteau qui abrite la Main Stage les notes de « 99 Red Balloons » de Goldfinger, le seul représentant punk-mélo de la soirée. On s’approche mais trop tard, John Feldman et ses acolytes quittent la scène.

Tant pis, l’honneur est sauf, la tente pas encore plantée, le timing fut serré mais on est en place pour le concert tant attendu de Thrice. L’attente est interminable, le froid glacial, comme la bière de moyenne gamme servie au bar. Les problèmes techniques s’accumulent autour de l’ampli basse d’Eddie puis autour de l’ampli guitare de Dustin. C’est finalement avec vingt minutes de retard que l’intro en morse d’ « Image Of The Invisible » résonne enfin. Visiblement énervés par ce retard, les quatre d’Orange County ont un peu de mal à rentrer dans leur set. Ça semble se décoincer un peu au fil des morceaux, la puissante « Silhouette », le chef-d’œuvre « Music Box », la désespérément radio style « The Artist In The Ambulance » et le dernier single « Red Sky », très émouvant. Puis Dustin annonce déjà le dernier morceau, "Deadbolt". La vitesse supérieure est enclenchée pour notre plus grand bonheur, Teppei Teranishi est vraiment un génie de la six cordes mais il faudra se faire une raison, le set s’achèvera au bout de 35 minutes, nous laissant une désagréable impression : vous savez la même que pour une gâterie pas terminée… Frustrant !
Tant pis pour les niaiseries de Taking Back Sunday, il faut trouver le camping pour monter la tente de nuit sous une température d’à peine quatre petits degrés, restons calmes… Six titres pour douze heures de voiture, c’est qu’on doit vraiment être fans !

Après une nuit glaciale et un réveil un peu difficile style mal aux cheveux et tronche en carton, on prend la direction du site. C’est Latterman qui a la lourde charge d’ouvrir les débats sur la Main Stage. Le punk rock de la bande à Matt Cannino a beau être des plus classieux, quelque chose de plus corsé s’impose à nos neurones encore en hibernation. Direction donc la deuxième scène avec The Banner qui a le mérite de réveiller le public avec son hardcore rapide. L’occasion de voir le premier circle pit et les premiers moulinets de mosh part du festival.
Mais le premier grand moment du week-end arrive sur la scène principale avec A Wilhelm Scream : la crampe au bas ventre guette ! Le groupe mené par Nuño Pereira n’est pas là pour compter fleurette et malgré l’heure matinale nous sort une prestation de très grande classe. Les titres, principalement extraits de Mute Print, s’enchaînent à une vitesse hallucinante : « The Rip », « Mute Print », « Famous Friend And Fashion Drunks », « Anchor End » avec son chœur de folie et la monstrueuse « William Blake Overdrive » et son double tapping effectué par les virtuoses Chris Levesque et Trevor Reilly. Le travail effectué aux chœurs par ce dernier et par le bassiste Brian Robinson (récemment arrivé dans le groupe en provenance de The Fullblast) ne fait pas que soutenir le chant lead mais donne un plus indéniable aux compos, 3 vrais chanteurs. On retrouvera également « Killing It », « The King Is Dead » extraits de Ruiner et "Diver" du 7" éponyme sorti dernièrement. Le groupe sort de scène après 35 minutes, sous les ovations d’un public qui en aurait volontiers pris plus.

Encore sous le coup de cette prestation monumentale, on délaisse The Spirit That Guides Us sur la petite scène. Sur la Main Stage, les hollandais de Peter Pan Speedrock montent sur scène avec la ferme intention d’en découdre. Batterie à deux grosses caisses comme dans les groupes metal des années 80, le trio assène un rock violent et rapide rappelant les grandes heures de Zeke et on sort un peu KO du chapiteau, un set d’une violence et d’une intensité rare pour un groupe punk rock.
Les belges d’Officer Jones And His Car Patrol Problems prennent le relais sous le deuxième chapiteau et voilà la première grosse surprise du festival. Inconnu au bataillon, le quatuor impressionne par la puissance que dégage son hardcore très technique, notamment un guitariste qui alterne ambiances savamment distillées, mosh parts et parties plus claires du meilleur effet. Pour sûr une performance qui donne envie de se pencher de plus près sur le premier album du groupe : Memorial.

C’est au tour de The Lawrence Arms de monter sur la scène principale. Le trio de Chicago délivre son punk-rock énergique, jouant plusieurs titres extraits de son troisième et remarqué album Oh ! Calcutta !, dont le premier single « The Devil’s Takin’ Names ». Le bassiste Brendan Kelly et le guitariste Chris McCaughan se partagent le chant lead, tout au long d’une prestation solide et efficace, sans plus. Un groupe difficile à cerner qui a pourtant ses fans inconditionnels mais auquel on a, pour notre part du mal à accrocher.

Suit The Maple Room qui joue à la maison cet après-midi et va le faire savoir. Entrée sur scène sur fond de musique electro, les belges entament un set composé d’extraits de leur premier album, Uncover Everyone sorti en 2005 (« Emily Can Be », « Anxiety Will Tell Us All », « Moments, Memories And Me », « Kill Your Beloved »…). L’alternance entre le chant mélo de Jef Van Doninck et les passages hurlés de Dries Mangelschots se fait sans encombres, multipliant les allers/retours sur une scène envahie par les slammeurs. On notera aussi la performance du batteur qui multiplie les roulements de grosse caisse, de vrais directs au foie. Un style que l’on rapproche facilement de From Autumn To Ashes mais que la bande n’est parfois pas loin de surpasser. Grande classe dans le genre. Quarante minutes plus tard, le groupe descend de scène et s’impose comme une des valeurs sûres de la scène émocore européenne et on attend la confirmation de leur talent sur leur deuxième album prévu en 2007.

On passera sur Death By Stereo, l’une des dernières signatures d’Epitaph, et les vieilles gloires de Bold avant de prendre position devant la Main Stage, c’est qu’il faut bien boire un coup ou deux quand même ! Car c’est Anti-Flag, le premier poids lourd de l’après-midi qui rentre sur scène sous les clameurs du public. Le bassiste Chris#2 incite déjà d’entrée de jeu tout le monde à mettre ses majeurs en l’air pour le titre d’ouverture, « Fuck Police Brutality ». Les quatre de Pittsburgh n’ont rien perdu de leur mordant avec l’arrivée sur la major RCA Records, et le démontrent dans une set-list imparable, laissant une large place aux titres extraits de leur dernier album For Blood And Empire (« I’d Tell You Butt… », « War Sucks, Let’s Party », « Cities Burn ») et des plus anciennes comme « Rawk’N’File » et « Mind The Gatt ». Comme à son habitude, A-F ne ménage pas ses efforts sur scène, avec une mention spéciale pour Chris#2. Le public suit comme un seul homme et répond à la moindre demande du combo. Justin Sane annonce « The Press Corpse » et trois accords plus tard, la sono lâche. Plus aucun son ne sort de la façade, on entend vaguement la batterie et les amplis. Une rafale de sifflets envahit le chapiteau, avant que les spectateurs ne reprennent en chœur le refrain en tapant dans ses mains en rythme pour accompagner le combo. A la fin du morceau, le groupe, ayant compris ce qui se passait, oriente les retours vers le public et lance un « Turncoat » chanté à gorge déployée. Pour un peu, on n’aurait pas entendu la sono repartir. « Die For Your Governement » achève cette prestation menée sur un train d’enfer. Toujours un plaisir de voir et revoir ce merveilleux groupe !

Himsa prend le relais sur la petite scène mais difficile de faire le poids et comme beaucoup on préfèrera rester sur l’autre chapiteau car No Use For A Name est le prochain sur la liste. Le set commence par un fédérateur « Not Your Savior ». Le groupe est toujours aussi à l’aise sur scène, même Scott Shiflett qui remplace Dave Nassie le temps de la tournée à la deuxième guitare, et les titres mous du genou de Keep Them Confused que sont « Part Two » et « For Fiona », prennent du muscle sur scène et tant mieux. Là encore, la set-list est faite pour les fans avec un paquet de vieux tubes, jugez plutôt : « Invicible », « Dumb Reminders », « International You Day », « Life Size Minor », « The Answer Is Still No », « Friends Of The Enemy »… Que du bonheur ! Même si Matt Riddle et les autres ne sautent plus aussi haut qu’à leurs 20 ans, on apprécie la qualité du chant, véritable marque de fabrique de No Use. « Justified Black Eyed » terminera cette prestation de grande classe, que même les allergiques au groupe sur CD auraient saluée.

Changement de chapiteau et d’ambiance avec le gros son de Raised Fist. Les suédois proposent un maximum de titres issus de leur dernier album Sound Of The Republic, dont l’énorme titre « You Ignore Them All ». Alle, le frontman occupe la scène à lui tout seul avec une énergie très positive et communicative. Marcel, biceps et tatouage, la voix du frontman est hallucinante en live tout comme la vitesse et le jeu du batteur Matt Modin devant laquelle on ne peut être qu’admiratif (même s’il faut être fan du son « baril de Bonux » pour vraiment apprécier).
Un petit tour vers la grande scène pour Less Than Jake. On a du mal à adhérer à leur ska-pop-punk où les cuivres ne jouent plus qu’un rôle secondaire, le groupe a décidément perdu de sa superbe. Un bon point néanmoins pour les voix impeccables de Chris le guitariste et Roger le bassiste.

Le générique de la Fox résonne dans le petit chapiteau et Comeback Kid monte sur scène. Dès « False Idols Fall », le groupe monte comme une défense italienne jouant le hors-jeu derrière son nouveau frontman Andrew Neufeld. Le groupe de Winnipeg, qui a donc récemment perdu Scott Wade derrière le micro, enchaîne les titres tel un rouleau compresseur : « Die Tonight », « Step Ahead », « The Trouble I Love », « Partners in Crime », « All In A Year », « Other Side », « Talk Is Cheap », « Final Goodbye », « Our Distance » et le fameux « Lorelei ». Même s’il est indéniable que la chant de Neufeld n’a pas le côté émotionnel (attention, j’ai pas dit emo) de Scott Wade, CBK reste une valeur montante de la scène hardcore, traînant dans son sillage bon nombre de fans. Fans qui ne semblent pas trop se formaliser du changement de line up et qui reprennent comme prévu en chœur le refrain de « Wake The Dead ».

Un autre groupe hardcore, et pas des moindres, prend le relais sur la grande scène en la personne de Sick Of It All. Vingt ans de carrière et pas une ride, les New-Yorkais débarquent avec un nouvel album tout frais sous le bras, Death To Tyrants. Le guitariste Pete Koller, tous muscles dehors, est monté sur ressort comme à son habitude. Pour leur traditionnel wall of death sur « Scratch The Surface », SOIA réussira même à séparer la foule en deux sur la moitié de la longueur du chapiteau. Une prestation intense de près d’une heure, difficilement supportable pour les non-initiés mais une présence scénique indéniable et toujours aussi vivace, n’en déplaise aux jeunes loups du genre qui sont encore loin d’égaler leurs maîtres.

Alors que les peu enthousiasmants Born From Pain jouent sous le petit chapiteau, le temps d’une bouffée d’air frais est venu et Me First And The Gimme Gimmes lance l’intro de sa première reprise, "Stairway To Heaven". Chemises de cow-boys, Stetsons sur la tête, Fat Mike et le reste de sa bande (Spike des Swiggin’ Utters, Joey Cape et Dave Raun de Lagwagon, Chris Shifflet des Foo Fighters) s’amusent sur scène et paraissent surtout passablement éméchés. La série de reprises continue avec « I Believe I Can Fly », « Over The Rainbow », « Wild World », « Blowin’ In The Wind »… C’est pas toujours parfaitement en place, pas toujours juste mais l’essentiel n’est pas là. Un concert fun et rafraîchissant qui fait du bien aux oreilles.
Me First vient à peine de quitter la scène que les premiers "Let’s Go Murphys !" sont scandés dans le public. Tant pis pour All Out War que les rumeurs annonçaient à tort comme annulé, ce sont les Dropkick Murphys qui raflent la mise. Le temps d’aller boire quelques bières pour se mettre dans l’ambiance, on revient vers le chapiteau aussi gonflé que la cornemuse sur scène. Les fûts de bières se sont vidés d’un coup aux bars et c’est de loin qu’on assistera à la prestation imparable du gang de Boston. Tous les tubes du groupe sont repris en chœur par un public tout acquis à leur cause, vu le nombre de T-Shirts et autres sweats à l’effigie du groupe présents ce soir. Comme d’habitude, la scène est envahie pour les derniers morceaux, une cinquantaine de personnes bras dessus bras dessous scandant les derniers refrains avec une énergie toujours aussi communicative.

On fait bien sûr l’impasse sur Path Of Resistance (les pauvres…) car c’est les tant attendus Bad Religion qui clôturent cette journée. Le changement de plateau prend son temps, un seul ampli gratte à droite c’est donc comme à son habitude, sans Brett Gurewitz que BR entre sur scène. On s’attendait à « Sinister Rouge » et c’est finalement « Recipe For Hate » qui ouvre le show, suivi par « 21st Century Digital Boy ». Chanson qui verra l’arrivée d’un perturbateur sur scène, en la personne de Fat Mike, qui s’empare du micro de Greg Graffin pour chanter le refrain de Jay Bentley trois fois trop fort. On suivra d’ailleurs tout au long d’un concert au son moyen, le fil rouge de la cuite du gros michel : pseudo KDS sur le côté de la scène, grimace et chamailleries le taux d’alcoolémie allant en augmentant. Bien tripant…
Viennent ensuite « All There Is », puis « Supersonic », « Prove It », « Stranger Than Fiction », « Epiphany », « I Want To Conquer The World » repris par des milliers de gosiers conquis, « Come Join Us », « Suffer », « Modern Man », « Sorrow » (avec des chœurs démultipliés par la foule, à donner des frissons !), « Defense », « The Gray Race », « Let Them Eat War » (la palme de la meilleure chanson parmi les dernières sorties par la bande, une tuerie live !), « Infected » et la désormais classique « Los Angeles Is Burning ». Le charisme de Graffin, la présence et les choeurs de Jay Bentley, les sauts de grenouille de Greg Hetson, tout y est. Seuls Brian Baker et Brooks Wackerman sont un ton en-dessous, la faute à quelques approximations. « American Jesus » achève cette première partie de set. Le groupe sera de retour pour un rappel de deux titres, « Along The Way » et un « Generator » d’anthologie, ralenti et intensifié sur l’introduction comme à leur habitude. Mémorable !

Un concert monumental pour qui n’avait jamais vu le groupe live, plus mitigé, la faute au son, pour ceux qui les avaient déjà vus ou qui espéraient « Punk Rock Song », « Ten In 2010 » ou « You » dans la setlist, mais le groupe a tellement de morceaux cultes à sa disposition… En tout cas preuve est faite par le charisme de Graffin et de ses compères quarantenaires, que le punk rock, le vrai, le sincère, n’a que peu à voir avec tout l’attirail de fringues et d’attitudes qui gangrènent depuis peu le milieu, une sacrée leçon de présence scénique.
Bref, un festival encore à taille humaine qui sera parvenu à jongler entre organisation au poil, sponsoring vital et état d’esprit très appréciable. Une programmation qui aura contrebalancé le temps merdique et les quasi engelures aux orteils pour nous autres campeurs éméchés. Le Groez, un rendez-vous annuel désormais incontournable. Allez fini le blabla c’est qu’il nous reste 1000 bornes à faire avant de pouvoir pioncer nous…

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