Interview avec Dropkick Murphys

Date de publication : 19 avril 2008
Discussion à la terrasse du bar du Bataclan avec Matt Kelly, batteur des Dropkick Murphys. Ken Casey n’étant pas disponible et Al Baar ne souhaitant pas faire d’interview, c’est dont le second plus ancien membre du groupe que PunkFiction a pu rencontrer à l’occasion du passage parisien du groupe de Boston.

- Salut Matt. Comment se passe la tournée ?

  • Super bien. Toutes les dates sont complètes, alors qu’on passe dans les plus grandes salles que l’on n’ait jamais faites. En plus on joue avec ce groupe, Against Me !, qui devient de plus en plus populaire en Europe, et aussi avec nos amis de Deadly Sins, qui sont peut-être un nouveau groupe, mais qui assurent vraiment bien !

- Tu parlais d’Against Me !, que penses-tu d’eux, de leur musique ?

  • De ce que j’ai entendu j’aime assez. Mais le truc en fait c’est que je ne peux jamais voir les groupes qui jouent avant nous. Je ne vais pas les regarder, je reste dans les loges et je m’échauffe, en tapant sur mes cuisses avec mes baguettes les chansons qu’on va jouer. Mais en tout cas je pense que c’est un bon groupe, ce sont des gens charmants aussi.

- Comme vous ils ont une réputation de bons buveurs. Ça doit y aller non ?

  • On a cette réputation ? Pourtant je ne trouve pas... Quand je suis arrivé dans le groupe la première année c’est vrai que ça y allait un peu fort. Depuis on s’est calmé, on a grandi. Ça m’arrive de boire quelques bières, comme tout le monde. En tout cas je ne sais pas si ce sont de gros buveurs, mais ils sont sympas.

- Ce soir il y a donc aussi Deadly Sins qui jouent avec vous. La chanteuse Stephanie est une de vos roadies et chante sur "The Dirty Glass"... du coup vous allez la jouer celle-là ce soir ?

  • Oui carrément qu’on va la jouer (rires).

- On ne connaît pas trop Deadly Sins en France. En fait pas du tout. Tu peux nous en parler un peu ?

- Eh bien comme tu l’as dit Stephanie chante dedans, avec d’autres de nos amis. Ils font plutôt du... je sais pas, du rock’n’roll, du punk de Boston. Ils ont des morceaux très catchy, avec une bonne sensibilité pop. Mais pas dans le genre Green Day, juste des bonnes chansons pop. Je pense que les gens vont bien aimer. Moi j’aime bien en tout cas. Je les regarde jouer tous les soirs.

- Comment vous occupez-vous pendant la tournée ?

  • Personnellement je lis pas mal. J’essaie au maximum de visiter les villes dans lesquelles on joue, mais à chaque fois on n’a pas beaucoup de temps donc ça se résume au quartier autour de la salle. Il faut faire les balances, tout ça. Il y a quelques heures dans la journée où on n’a strictement rien à faire et où le temps passe moins vite. On a beaucoup de temps libre. Je ne bois pas de coups après le concert, mais certains le font. Donc c’est un peu d’attente pour beaucoup beaucoup de fun.

- The Meanest Of Times, votre dernier album, est sorti depuis un peu plus de 6 mois maintenant, comment le juges-tu dans la discographie des DKM ?

  • Hum tous les groupes disent toujours que leur dernier album en date est leur meilleur. Sans aller jusque-là je pense quand même qu’il s’agit de l’un des nos meilleurs. Je pense que certaines chansons font partie des meilleures que l’on ait écrites, et que l’album est un des meilleurs, parce qu’il créée une certaine atmosphère, tu vois ce que je veux dire ? C’est pas juste une liste de chansons qui se suivent. L’ensemble est super cohérent. D’habitude on écrit 14 chansons et on en met 14 sur l’album. Là on en avait peut-être 22, donc beaucoup plus sur lesquelles travailler. On a choisi seulement les meilleures, et du coup je trouve que cet album est le meilleur en tant que tel.

- Et comment réagissent les gens avec ces nouvelles chansons ?

  • Très bien, vraiment très bien. Je crois que ce sont les meilleures réactions que l’on ait jamais eues avec de nouvelles chansons.

- Sur lesquelles en particulier ?

  • Je dirais sur "The State Of Massachussetts" et "Johnny I Hardly Knew You". D’ailleurs ce sont deux chansons que l’on jouait avant que l’album ne sorte. On jouait "The State Of Massachussetts" quelque chose comme 8 mois avant que l’album ne soit dans les bacs, et les gens, à notre grande surprise, se mettaient à sauter de haut en bas dès qu’ils avaient chopé le rythme, c’était incroyable. Pareil sur "Famous For Nothing", le pit explose carrément quand elle part. Vraiment les réactions sont plus intenses que pour les autres albums. Avec les autres les gens réagissaient surtout sur les singles, là c’est carrément sur chacune, et c’est tout simplement génial.

- Du coup maintenant combien de chansons vous jouez ? Et combien sont issues du nouvel album ?

  • On en joue 28, ce qui fait quelque chose comme 1h30 de show. C’est vraiment super crevant. On en joue 5-6 du nouveau (ils en joueront rien que 11 ce soir, petit menteur, ndr). On essaie de faire un mélange à peu près équitable entre les albums, en jouant tous les singles.

- The Meanest Of Times est votre premier album à ne pas sortir sur Hellcat Records. Pourquoi avez-vous décidé de quitter la structure de Tim Armstrong, et comment l’a-t-il pris ?

  • Le contrat était fini, premièrement. Et ça faisait un bout de temps qu’on avait envie d’avoir notre propre label, et désormais on était en mesure de le faire.

- Le succès de "Shippin’ Up To Boston" (single écoulé à plus de 500 000 exemplaires ayant servi de générique au film The Departed, de Martin Scorcese) a-t-il été un accélérateur ?

  • Non parce qu’on avait envie bien avant de monter notre label. Mais en fait oui, indirectement, je pense que ça nous a aidés à devenir plus populaires et pouvoir fonder ce succès sur des bases solides. Sinon je ne pense pas que Tim nous en veuille. Mais en fait c’est surtout Lars Frederiksen avec qui on est amis. Il a produit nos premiers albums, venait souvent nous voir en concert. Il est bien plus sociable que Tim, qui est assez bizarre. Je pense que Lars est plutôt content que l’on aille de l’avant et qu’on rencontre du succès, il nous a toujours aidés dans ce sens.

- On parlait de "Shippin’ Up To Boston" : comment Scorcese vous a-t-il contactés ?

  • Heu... je crois que c’est Bobby Roberts, du groupe The Band, qui co-produisait le film et qui a suggéré à Martin Scorcese d’utiliser cette chanson. Scorcese a écouté, bien aimé, et voilà comment ça s’est passé il me semble.

- Un autre gros changement dans le groupe s’est passé il y a quelques mois, avec le départ de Marc Orell, alias The Kid. Pourquoi est-il parti ?

  • Je crois que ses envies musicales avaient trop changées. Il était arrivé très jeune dans le groupe, il devait avoir 17 ans. Alors du coup au fil des ans il se détachait un peu du punk-rock pour aller dans des trucs plus rock’n’roll. Ses goûts ont changé, naturellement. Il est plus dans des trucs comme les Rolling Stones, alors forcément ce qu’il nous proposait comme musique ne correspondait pas trop avec l’identité du groupe. Alors il a décidé il y a plus d’un an maintenant qu’il quitterait le groupe, mais il a continué à jouer en tournée avec nous. C’est vraiment un mec sympa, on est resté amis et il est même venu nous voir le jour de la Saint-Patrick. Il continue à jouer de la musique avec certains gars du groupe, à faire des jams et tout ça. On est content que ça se soit passé comme ça, il y a tellement de groupes qui se séparent et se mettent à balancer les uns sur les autres, à cause de leur colère ou leur frustration.

- Est-ce qu’il risque de vous manquer pour la composition du prochain album ?

  • Je ne pense pas. Dans le groupe tout le monde compose, amène ses idées, et chacun aide la machine à avancer. C’est sûr qu’il apportait quelques bonnes idées à la guitare et tout, mais il n’y a jamais quelqu’un qui compose seul dans le groupe. Chaque morceau a toujours été le résultat du travail de chacun, donc je ne m’en fais pas pour ça.

- Chaque année vous jouez à Boston pour la Saint-Patrick. Est-ce que vous avez déjà pensé à jouer à Dublin ce jour-là ?

  • Hum non. Parce que c’est devenu une tradition à Boston. Les gens planifient ça longtemps à l’avance et viennent de super loin, d’Europe ou du Japon. Il y a tellement de monde qui vient que maintenant on joue sur plusieurs jours. Ça ne pourrait pas être ailleurs.

- Et comment ça se passe quand vous jouez à Dublin ?

  • Oh vraiment bien. C’est fantastique même. En Irlande du Nord aussi, on est peut-être même plus important en Irlande du Nord, à Belfast.

- Dans quels pays préférez-vous jouer ?

  • Hum la Belgique, le Royaume-Uni aussi, et l’Allemagne. C’est vraiment les endroits où les gens sont le plus à bloc pendant les concerts. Ah et le Japon, là-bas aussi c’est assez dingue !

- C’est bien au moins t’es pas démago... Et vos souvenirs de vos concerts français ?

  • (rires) Mais si en France c’est bien aussi. Le dernier concert ici justement, c’était à... Lélizé (il essaie de prononcer Elysée Montmartre, pas vachard je lui souffle, ndr). Voilà c’est ça ! Que votre langue est compliquée (rires). Vraiment celui-là ça reste mon meilleur souvenir de concert ici. C’était pendant la tournée avec Less Than Jake, y avait du monde, c’était super cool. On avait joué là-bas quelques années avant aussi et c’était aussi très bien.

- Comment voyez-vous Flogging Molly ? Des amis, des rivaux...

  • Hum non pas des rivaux du tout, parce que je ne trouve pas que l’on fasse le même genre de musique. Ils ont davantage la fibre folklorique, nous on est clairement un groupe de punk. On n’est pas non plus amis, parce que l’on ne se voit pas assez pour ça. Mais on aime assez ce qu’ils font dans le groupe.

- Vous avez déjà envisagé de monter une tournée avec eux ?

  • Non, et je ne pense pas que ça serait une très bonne idée. Je veux dire, on a déjà joué avec eux sur des festivals, des trucs comme ça. Mais si on jouait ensemble en concert ça serait trop de folklore irlandais pour le public. Tu imagines 3 heures de concert comme ça ? (rires) Les gens finiraient par se lasser.

- Au début des Dropkick, le groupe sonnait résolument street punk. Au fil du temps les instruments traditionnels ont été de mieux en mieux incorporés dans les compos. Comment définirais-tu le son du groupe aujourd’hui ?

  • Punk, tout simplement. J’entends souvent parler de "irish punk" ou "celtic punk". Je ne sais même pas ce que c’est... On est juste un groupe de punk, qui utilise des instruments irlandais.

- Le premier chanteur, Mike McColgan, a quitté le groupe pour redevenir pompier. Est-ce que vous avez déjà reparlé de cette époque avec lui, a-t-il des regrets maintenant ?

  • En fait tout le monde pense que c’était pour être pompier, mais non. C’était pour être militaire. Il avait essayé d’être pompier mais l’examen d’entrée était super dur, donc il a fait l’armée avant de rejoindre les pompiers. Enfin je crois (rires). Peut-être qu’il a des regrets, ça expliquerait pourquoi il a monté Street Dogs, son nouveau groupe, qui est bien cool d’ailleurs. Mais bon au début on n’avait vraiment aucune idée de ce que le groupe allait devenir. On vivait un peu le jour, et ce n’était qu’un hobby. On n’aurait jamais cru qu’un jour on vendrait des albums, qu’on ferait le tour du monde pour jouer des concerts devant des milliers de personnes.

- Quelle est ta chanson préférée des Dropkick Murphys ?

  • Ah il y en a beaucoup que j’aime. Mais je dirais "Boys On The Dock", et "Wheels Of Misfortune", qui est sans doute celle que je préfère jouer. Mais on la joue quasiment jamais (rires).

- Cette année les USA vont élire leur nouveau président. Que penses-tu des 3 prétendants en lisse (Obama, Clinton et McCain) ?

  • Bof... Pour moi les 3 sont des catastrophes. Un est trop socialiste, l’autre est là grâce à son mari... Aucun d’eux n’a la carrure pour diriger un grand pays comme les Etats-Unis.

- Et quel bilan fais-tu des 8 ans passés sous Bush ?

  • Pfff. Beaucoup de conneries. Enfin on dit ça maintenant, mais je me demande comment quelqu’un d’autre aurait réagi après le 11 septembre. Lui en tout cas on le sait, et il a fait de la merde, avec son Patriot Act. Le gouvernement pouvait librement espionner les gens chez eux, mettre des écoutes téléphoniques et tout ça. Vraiment écœurant. Mais bon selon moi Bush n’est pas le vrai problème. Il n’est qu’une espèce de marionnette.

- Question un peu polémique maintenant. Vous êtes un groupe très apprécié par les kops de football des capitales européennes. Du moins c’est le cas à Paris...

  • Ah oui, c’est le « P…S...G… » c’est ça ?

- Exactement. Et parmi ces supporters il existe pas mal d’abrutis racistes. Qu’est-ce que tu penses de ce genre de personnes, venant à vos concerts ?

  • Hum. C’est compliqué. En fait qui je suis moi, pour dire à quelqu’un comment penser ? Moi tout ce qui m’importe c’est que les gens qui viennent en concert s’amusent et apprécient le show. Après par contre c’est sûr que s’ils arrivent pour foutre la merde en se réclamant d’être d’un putain de parti nazi, là ça va me gonfler. Mais tant que les concerts se déroulent bien et que les gens ne se foutent pas sur la gueule, ça me va.

- Pennywise vient juste de sortir son album en le mettant en libre téléchargement. Tu penses que la fin du disque est proche ?

  • Non pas vraiment. C’est sûr que maintenant de plus en plus de gens, surtout les jeunes, préfèrent rester devant leur ordinateur pour écouter de la musique, mais les passionnés continuent à rechercher le disque. C’est l’objet en lui-même qu’ils veulent avoir. Pas juste une liste de chansons dans un fichier informatique. Et puis regarde, il y a même de plus en plus d’albums qui ressortent en vinyle.

- D’ailleurs pourquoi avoir ressorti 6 mois après une version collector de The Meanest Of Times ?

  • Il nous restait encore quelques chansons qu’on ne voulait pas perdre, et les gens réclamaient quelque chose de nouveau. On a mis en place cette édition pour la St.Patrick à Boston et on l’emporte avec nous en tournée. C’est un truc en bonus quoi.

- Dans votre DVD, on découvrait les Angry Roadies, un groupe formé par vos roadies, qui chantaient sur leur haine envers les fans des Dropkick Murphys. Est-ce qu’on reverra ce groupe mythique un jour ?

  • (rires) Ah les Angry Roadies. C’était bien drôle. On a repris leur chanson quelquefois, on les a même faits venir sur scène pour la jouer, c’était il y a bien 3-4 ans maintenant. Mais l’équipe a changé, ce ne sont plus les mêmes qui nous accompagnent, donc je crois bien que l’on ne verra plus jamais les Angry Roadies…

- Pour finir je sais que vous êtes des gros fans des Red Sox. Leur victoire en coupe du monde de baseball était apparemment une énorme surprise. A tel point que dans un épisode de Lost, les "Autres" font voir à l’un des survivants le match où ils gagnent pour lui prouver qu’ils ont accès aux infos du monde extérieur. Mais le gars n’arrive pas à croire que les Red Sox aient gagné...

  • (rires) Vraiment ? Il faudra que je regarde cet épisode ! Je suis un gros fan de cette équipe, tout comme Ken (bassiste). Les autres aussi maintenant, depuis qu’on a enregistré leur hymne ("Tessie", sorti en single et présent sur The Warrior’s Code). C’est sûr que c’était incroyable, même inespéré. On y croyait plus, à force de malchance et d’autres trucs. C’était vraiment exceptionnel quand ils ont gagné, l’ambiance qu’il y avait, toutes les fêtes... On était des dizaines de milliers à fêter ça.

- Vous avez Guinness comme sponsor, pour en avoir gratos ?

  • (rires) On n’a pas de sponsors vraiment. Des fois on s’associe à quelques marques comme Vans mais c’est tout. Et je ne suis pas très Guinness. Mes bières préférées sont plutôt la Budweiser et la Stella Artois. Je sais, ça fait beaucoup plus américain qu’irlandais. (rires)


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BIOGRAPHIE DU GROUPE


Dropkick Murphys


CHRONIQUES DES ALBUMS


The Meanest Of Times

The Warrior’s Code

Singles Collection Volume 2 : 1998-2004

Blackout

Live At The St Patrick’s Day

Sing Loud, Sing Proud !

Gang’s All Here

Do Or Die


CHRONIQUES DES DVDS


On The Road With The Dropkick Murphys