At The Drive-In

At The Drive-In >> Relationship Of Command

Contexte :

Nous sommes en l’an 2000. Alors qu’Alizée fait un carton en France (« Moi Lolita » résonne encore dans nos têtes), les texans d’At The Drive-In ont la bonne idée de sortir ce qui sera leur dernier et meilleur album, Relationship Of Command. Issus de milieux défavorisés dans une des villes les plus pauvres des Etats-Unis (El Paso au Texas), ils se sont fait connaître par la scène, d’abord aux Texas, puis aux Etats-Unis et enfin partout dans le monde. Ils rencontrent un certain Ross Robinson au cours d’une tournée qui les verra jouer avec Fugazi et Rage Against The Machine (pour ne citer qu’eux) avant de signer sur Grand Royal (filiale de Virgin), le label de Mike D (Beastie Boys). En plus de ça, cet opus (mixé par Andy Wallace) rageur et explosif va apporter au rock un renouveau incisif grâce à un succès critique et public dépassant toutes les attentes (plus d’1 million d’albums vendus). Sans doute le meilleur album de l’année…

Chronique :

At The Drive-In est un groupe qui aura mis du temps à atteindre les hautes sphères du rock, malgré son immense talent. Il s’agit en effet du troisième album des texans qui ont alors à leur actif un nombre incalculable de concerts à travers le monde. La scène les a fait connaître mais il aura quand même fallu attendre l’intervention de Ross Robinson (producteur de pointures du métal dont Korn, Slipknot, etc.) et la signature sur une major pour parvenir aux sommets. Curieux… Tout ceci n’empêche pas le groupe d’exprimer toute sa rage et ses convictions dans un post punk/emo techniquement complexe, explosif et magistral. A noter que l’enregistrement s’est fait dans les conditions d’un live, les musiciens jouant dans la même pièce et en même temps les morceaux.

Difficile de ne pas aimer ce groupe à l’écoute de ce dernier album, le plus accessible de tous car le meilleur au niveau du son et le plus abouti d’un point de vue technique. Influencé par les grands que sont Fugazi, Drive Like Jehu et dans une moindre mesure Rage Against The Machine ; ATDI arrive à marquer sa différence par sa rage, un son détonant, une ambiance étrange, une voix des plus originales trouvant enfin son équilibre après des débuts difficiles, et des entrées en matière plus que directes.

« Acarsenal » en est la preuve immédiate et on sent d’entrée que ce disque va être explosif : batterie tribale, basse planante, guitares noisy répétant un petit riff étrange et c’est parti, n’essayez plus d’éteindre votre chaîne hi-fi, vous êtes scotché sur votre fauteuil. Arrive alors la bombe « Pattern Against User » qui caractérise ce que le groupe fait de mieux. A mon sens le meilleur morceau du CD, même si rien n’est à jeter au final. Trois coups bien sentis sur le tom basse, le petit cri de Cedric pour lancer le tout et en reprendre déjà dans la figure ! Une musique vive et violente, les riffs sont efficaces, les paroles vociférées à 100 à l’heure (rappelant un peu Zack de la Rocha au passage), le break joué au piano n’endort pas, et démontre au contraire la facilité des texans à intégrer dans des compostions si radicales des changements de rythme et de son. Tout cela en seulement 2 chansons, quelle classe !

La suite se déguste comme il se doit : « One Armed Scissor » est ce qu’on peut appeler une arme de destruction massive musicale tellement la violence atteint ici son paroxysme. Les chœurs terribles et bien placés de Jim Ward y sont sans doute pour quelque chose, apportant une vraie touche à l’ensemble. Plus précisément, cette chanson narre l’histoire d’un équipage dont le vaisseau spatial est perdu dans l’espace. Le protagoniste, « a million miles away », écrit sa dernière lettre à sa compagne alors qu’il va mourir de froid. Sur un plan métaphorique, ce titre est considéré comme le testament d’un groupe dont le glas est proche, le personnage « One Armed Scissor » traduit l’usure que connaît le groupe après 6 ans passés à tourner et enregistrer. Le terme peut d’ailleurs signifier l’idée d’automutilation : « cut away, send transmission from the one armed scissor » est lourd de sens. Les textes du groupe sont intelligents et bien écrits, difficilement accessibles à cause d’un langage très soutenu. Le mélodrame se termine sur un break à l’atmosphère étrange soutenu par un piano et un rythme électro binaire, avant d’enchaîner sur un hymne à la rébellion contre toute forme d’oppression. Un riff brutal bien emmené par un Omar Rodriguez qui se lâche complètement sur cet album pour notre plus grand plaisir. Les paroles sont sublimes et lourdes de sens, notamment sur le break magistralement senti (« Lazarus threw the party, lazarus threw the fight », Lazarus dans la bible se référant à tout ce qui est résurrection, on comprend alors vite le sens de cette phrase…) et les chœurs apportent encore une fois une touche supplémentaire à l’ensemble.

Fin du premier acte, si vous avez survécu, ATDI vous laisse un court répit avec le titre suivant « Invalid Litter Dept. » évoquant avec habileté la responsabilité de la police quant à une série de meurtres et de viols de femmes (plus de 500 crimes non élucidés) dans Juarez, la ville frontalière mexicaine jumelle de El Paso. Le schéma utilisé est plus classique, avec couplets, refrains et un pont au milieu, mais fonctionne à merveille grâce à des textes tantôt lus, tantôt chantés. Sauf que le groupe nous réserve une surprise de taille au bout de 4 min 40 : après un « dancing on the cops’ ashes » (non reporté dans la jaquette) il nous assène un énorme passage de fin qui marque la conclusion du break et le retour à un rock plus sauvage jusqu’à la fin du CD.
« Mannequin Republic » débute sur une intro métal, avec une basse très lourde et un riff puissant et précis sur lequel la voix aigue de Cedric s’impose presque naturellement. Suit « Enfilade », un monument rock-noisy-électro emprunt d’un soupçon d’accordéon (!), au refrain dévastateur, sur lequel on se rend compte que la voix de Cedric (que certains qualifient de criarde) est incontournable pour exprimer la rage du groupe. Dans le genre monument, la suivante n’est pas mal non plus, avec la présence en personne d’Iggy Pop pour un duo énergique avec Cedric Bixler qui prend la guitare rythmique et laisse à Jim Ward le soin du synthé. La fin du CD est à l’image de l’ensemble, un rock puissant, rapide et efficace servi par une voix énergique (« Cosmonaut », « Quarantined » avec un sample d’orage en guise d’intro et une basse digne de RATM).

At The Drive In signe ici son chef-d’œuvre après des années à chercher LE son. La progression est visible après chaque album. Le plus fort chez ces texans, c’est d’arriver à communiquer leur rage à chaque note et à exprimer leurs émotions avec une brutalité vraiment jouissive. Une claque à prendre sans modération, et on leur aurait même encore tendu l’autre joue !

Connexion
Inscription
Informations de connexion
  •  

Copyright © 2003 - 2011, punkfiction.servhome.org. Tous droits réservés.
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.


SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
<>