Festival Couvre Feu 2008 @ Corsept (44)

Date : 23 août 2008 par Punkachu

Le Festival Couvre Feu soufflait cette année sa 7ème bougie, la 10ème surtout pour l’asso Rue Tabaga et Couvre Feu qui l’organise chaque année à Corsept, sur les bords de Loire. Le genre de festivals de belle ampleur (plus de 23 000 personnes), diversifiés mais encore à taille humaine (nombre de ‘Pass 3 Jours’ limités à 4000), qui, avec l’été qui se termine, ont ce charme en plus, ce petit goût de fête qui se prolonge, le temps d’un week-end en cette fin août bien maussade… Avant le dur retour à la réalité…
Une réalité qui n’est pourtant pas loin : sur la rive, en face, de l’autre côté de l’impressionnant pont de St-Nazaire, s’alignent à perte de vue les grues de docks, les paquebots en construction et les cheminées d’usines pétrochimiques. Pénible vision industrielle et métallique, à la froideur figée et un peu surréaliste, au milieu de laquelle, dans sa démesure, s’écoule lourdement l’estuaire limoneux de la Loire…
Oui mais voilà, on tourne à droite en plein milieu de la départementale, un gars en gilet jaune lance un « bon festi ! », sourire aux lèvres, on entre dans le champ qui fait office de parking et nous voilà ailleurs, comme pénétrant dans une réalité parallèle. Les hostilités ont commencé sans nous, évidemment. Tout y est : les dreads roses, les sarouels et les canettes de bière cheap, l’odeur de friture qui flotte, comme ce vent d’insouciance, presque palpable, que l’on connaît si bien… Le festival peut commencer, ouvrez le coffre, sortez les munitions !

En 7 ans, et malgré sa taille modeste des débuts, le festival a accueilli une palanquée de groupes de la scène ska et punk rock nationale : Wampas, Uncommonmenfrommars, Burning Heads, Nevrotic Explosion, Tagada Jones, Brigada Florès Magon, Parabellum, The Pookies, et quelques grands noms étrangers : New-York Ska Jazz Ensemble, Gogol Bordello, Inner Terrestrials… La place réservée au punk rock dans la programmation très éclectique et généraliste du festival, a toujours été une constante et ce n’est pas cette édition qui me fera mentir. Pour autant le Couvre Feu marche bien, depuis un paquet d’années maintenant, parce qu’il a su grandir sans voir trop grand, parce qu’il propose une prog variée sans concession mainstream, et aussi parce qu’il a su se forger une identité.
On retrouve ainsi le travail du peintre Eric Fleury sur tout le festival : pancartes, indications, logos, tout le site, des chapiteaux jusqu’aux chiottes, est imprégné de l’univers graphique de l’artiste, sorte d’art naïf, difforme, bohème et bariolé, comme une invitation au mélange et au voyage. Et ça résume bien la programmation et l’ambiance générale du festival finalement, où se côtoient humour et éco-citoyenneté. Alors bien sûr faire pratiquer le tri sélectif à des milliers de boit-sans-soif à peine pubères, et le « caca propre » sur chiottes sèches (à la sciure) en face des usines de Donges, ça peut paraître illusoire et utopiste. Mais ça fait partie du folklore ! Ce petit côté néo-hippie ne se prend tout de même pas trop au sérieux, et partout, les leçons de « petits-riens-qui-font-beaucoup-pour-la-planète » sont toujours dispensées avec bonne humeur.
Côté public, le coup de vieux est garanti si vous êtes nés avant le Club Dorothée. Ici on atteint difficilement les 20 ans de moyenne d’âge, et il faut bien reconnaître que la dread au vent et le fringue en lin de chez Kiloshop sont plus en vogue que la crête et le cuir à l’effigie du RASH. Mais qu’importe, la régression ça a du bon, et puis un festival de hippies défoncés, c’est un peu comme une sortie au zoo par certain aspects : ça rigole, ça paie des cahuètes, c’est bon enfant, et à choisir, ça sera toujours mieux qu’un samedi après-midi à Chatelet (puisque qu’on parle de faune…) !

Alors venons-en à la musique. Le vendredi aura fait office de préchauffage. Les Svinkels, le gros son toujours agréable d’Asian Dub Foundation et les étonnants Rageous Gratoons, voilà l’essentiel du programme pour lubrifier les esgourdes (on a honteusement zappé les Kiemsa). Pour ce qui est du gosier, c’est fraises tagada distribuées à l’envie sous le chapiteau théâtre/art de rue, et Kronenbourg à deux euros. Signalons à ce sujet la belle initiative du joli verre consigné à 1 euro (moins belle initiative : le manque criant de choix côté bouffe !). On se couche donc tard avec les impondérables : mal de bide (steak avarié ?), mal de dos (camping dans un champ) et mal de crâne (tamtam sur poubelles, voisins qui beuglent « Apérooooo ! » à 5h du mat’), rien que de l’ultra classique…
Sam’di matin réveil compliqué / Quatre heures d’sommeil à tout casser / C’est sûr c’est la faute à l’oreiller / Surement pas à la bière éventée / On r’met bien vite dans le cornet / Avant la r’prise des hostilités… Tiens on dirait une chanson des Svinkels ! Tu déconnes ! Il en fait plus pour s’autoproclamer Beastie Boys français, t’as trop bu toi !… Bref…

Samedi, 18h30, arrivée sur le site. Il fait beau mais frais, on se réchauffe en faisant quelques rondes bras-dessus bras-dessous sur la musique balkanique des 17 Hippies, puis suit une écoute distraite de Moriarty (quelle voix quand même !) tout en rechargeant les accus au bar une dernière fois avant le grand moment du festival : la prestation des Gogol Bordello.
Hutz et sa bande investissent la scène du Couvre-Feu pour la deuxième fois en 3 ans (alors qu’un festival comme les Vieilles Charrues ne s’est réveillé que cette année pour les programmer !), une preuve encore du bon goût des programmateurs. Deuxième passage en deux mois dans l’Ouest de la France - après Carhaix et un show mémorable devant des dizaines de milliers de personnes - le chapiteau de cirque de ce soir ne pouvait mieux coller à l’ambiance : le son est bon (léger manque de volume sur les voix quand même), l’ambiance est chaude, le public dru comme la moustache d’Eugène Hutz... Depuis 2006, et un show au Couvre Feu que beaucoup des habitués du fest ont gardé en mémoire, Gogol Bordello a sorti Super Taranta ! (deuxième album chez Side One Dummy) et ça s’entend dans la setlist. « Wonderlust King », « Supertheory Of Supereverything », « Harem In Tuscany », « American Wedding », « Ultimate », « Zina Marina » (où le groupe fait mine de s’endormir en plein milieu du morceau) ; pendant près d’une heure le groupe régale de son jeu de scène complètement foutraque, autant qu’il impressionne par sa précision technique (notamment au niveau rythmique).
Dans le pogo aussi c’est le grand n’importe quoi. La musique du groupe est si communicative que beaucoup de néophytes en ‘gypsypunkologie’ adhèrent d’emblée. L’arrivée, après un premier tiers de set, des deux danseuses/choristes en mini-shorts n’y est certes sûrement pas étrangère, mais c’est comme à son habitude le charisme d’Eugène Hutz, bouteille de rouge à la main, qui prend toute la place. Les grands moments restent tous de même les hymnes du premier album, « Start Wearing Purple » (jump ! jump !), « Not A Crime », « 60 Revolutions » (formidable), « Think Locally, Fuck Globally » (énorme avec les percussions sur seau en plastique)…
Cette joyeuse communion aura tout de même une fin. Oui mais une fin en forme d’apothéose avec en rappel « Mala Vida », la fameuse reprise de la Mano Negra que le groupe nous ressort de sa compil East Infection parue en 2005. Evidemment le public est en transe ; nombreux sont ceux à avoir fait une belle découverte ce soir !

Un peu dur d’enchaîner après ça, mais c’est pourtant Jaya The Cat qui prend le relais dès la minute suivante sous le petit chapiteau. En Europe, le groupe est une révélation récente dans le milieu punk rock avec la sortie fin 2007 de l’album acclamé More Late Night Transmissions chez I Scream Rcds. L’histoire de cette formation n’est pas banale avec des débuts à Boston et au fil des changements de line up, une implantation de plus en plus permanente aux Pays-Bas, d’où sont originaires désormais la moitié des musiciens du groupe. Côté style ça saute d’emblée aux oreilles, c’est ‘Sublimien’ jusqu’au bout des ongles, sorte de « reggae à guitares », énergique, ultra mélodique (parfois un peu facile dans ses slogans taillés pour faire jumper un public), mais qui ne rechigne pas à passer la surmultipliée.
« Thank You Reggae », « Transistor Radio », « Government Center », « Hold My Beer And Watch This » etc… Jaya The Cat jalonne son set des titres les plus marquants de ses deux derniers albums studio et se révèle à l’aise dans toutes les facettes qu’il propose. Vraiment une confirmation de tout le bien qu’on avait pu lire/entendre sur les disques de ce groupe.

Les grosses basses du Peuple De l’Herbe accorderont ensuite une pause à pas mal de monde. Le son, même à distance du chapiteau, est à la limite du supportable, les morceaux les plus lourds ou les plus ragga du groupe étant vraiment loin d’égaler les influences drum ‘n’ bass, jazz et les titres les plus speed du groupe lyonnais (qui non, n’a rien pompé à Asian Dub Foundation, on nous l’assure !).

Après l’arrêt au stand règlementaire, c’est donc aux californiens de Voodoo Glow Skulls qu’il revient de planter le clou du spectacle. Quelques années qu’on n’avait pas vu la bande aux frères Casillas. Toujours empêtré dans son instabilité au niveau de la section cuivres, le groupe a sorti l’an dernier, toujours chez Victory (mais qu’est-ce qu’ils foutent encore chez eux ?), l’album Southern California Street Music. Plutôt décevant et poussif, cet album n’a pas eu le don de rassurer quant à la santé de nos vétérans skacoreux préférés... C’est donc bien décidé à prouver que son groupe est encore vert que Mr Potatoehead débarque avec son célèbre masque de catcheur.
Quinze ans après la sortie de Who Is, This Is ?, les Voodoo Glow Skulls ont un catalogue de tubes pouet pouet impressionnant à leur disposition. De l’antique « Insubordination » à la toute récente « Ballad Of Froggy Mc Nasty », en passant par les hymnes « El Coo Cooi », « Band Geek Mafia » ou « Say Goodnight » en fin de set, le groupe alterne moments groovy (« Left For Dead »), furia hardcore, cuivres épileptiques, comme personne. Quelques pains au niveau rythmique sont tout de même à déplorer mais le gang joue à une telle vitesse !... Jorge "Fingers", le bassiste, est plutôt phénoménal. Les deux compères aux cuivres ne sont pas en reste et vrombissent tout ce qu’ils peuvent. Chapeau à ce sujet au petit nouveau Eric Fazzini, au saxo, qui a su s’adapter au répertoire et à la vitesse d’exécution du groupe.
« Human Piñata », « Bulletproof », « Misunderstood », la période 97/98 est la plus représentée dans le set, le combo n’est pas là pour faire sa promo mais pour contenter les fans. Voodoo Glow Skulls était le groupe le plus hardcore de la journée (voire du festival) et ça en aura effrayé certains, mais bon sang que ce gros son oldschool fait du bien par où il passe ! Définitivement un groupe sans égal dans son style !

Dimanche matin. Ciel morveux, tête en mousse, foie pas droit. Un rat mort squatte derrière les molaires. Bilan des dégâts, check up : des neurones en moins, un dos qui craque… On démonte la tente, les voisins ont pris l’eau. Tant pis on verra pas PKRK ni La Chanson Du Dimanche... Partout des regards hagards, les yeux dans le zig, les pieds dans le zag, quelques zombies torse nu errent encore cubi en main sous le crachin tenace. Des airs de fin de rêve… Et soudain : Pneu ! Haha the cherry on the cake ! Le duo déjanté fan de Botch, The Bronx et autres déstructurés du bulbe aux convulsions Convergiennes ! Le binôme a pour particularité de refuser de jouer sur scène, il était donc convenu de jouer à « Où est Pneu ? » sur le site du festival pendant ces trois jours, le groupe se produisant à peu près n’importe quand, n’importe où.
Et ben ce dimanche ça n’aura pas été dur de les trouver : entre la tente à p’tits déj, l’abreuvoir à vaches/lavabo et les barrières du camping. Un ampli, un tapis, c’est parti : trois-quarts d’heure de son furieux, rythmes alambiqués, option master of the double pédale, riffs improbables, mâchoire serrée, cymbale démantibulée, trois jeux de baguettes explosés… Le point d’exclamation à la fin d’un week-end de festival comme on voudrait qu’il le soit tous : fraternel, fou, festif, foutrement alcoolisé, et plein d’autre trucs en « f ». Et le mot de la fin au gugus déjà bouilli à 10h du mat’ : « une autre ! une autre ! nul à chier ! nul à chier ! Pneeeeeeu vous êtes des dégonfléééééés ! »… Fallait bien la faire...



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