Hevy Music Festival - dimanche ( Port Lympne - Royaume-Uni) le 07/08/2011

Repasser à la journée du samedi

Après une nuit très silencieuse (chose incroyable pour un camping de festival ; soit ces Anglais sont civilisés après tout, soit tout le monde est straight-edge, soit tout le monde est HS à minuit), on découvre un beau soleil au réveil le dimanche matin : au moins ça motive ceux qui ont un peu mal aux cheveux. Bières et madeleines (le petit déj’ des champions), et nous voilà partis tuer le temps dans le parc animalier de Port Lympne, adjacent au festival, et dont on a en effet l’entrée gratuite avec nos pass. Autant dire que les animaux voient défiler un public assez inhabituel sur toute la durée du week-end. Et pour les visiteurs "normaux", le spectacle se situe des deux côtés des barrières...

Après deux heures à observer des rhinos, des lionnes, des gorilles, des singes en forme de plumeau et des enclos vides sous une pluie intermittente (ici, c’est comme à Nantes, il fait beau plusieurs fois par jour) ; il est plus que temps d’affronter la journée de concerts. Enfin un rayon de soleil, ça tombe bien, on attaque avec le pop-punk de Man Overboard. C’est mignon. Je suppose que les deux seuls thèmes autorisés pour les chansons, c’est l’histoire d’un loser à lunettes et appareil dentaire qui se fait rembarrer par la jolie fille du lycée ; et faire la fête au bord d’une piscine avec des gobelets en carton rouge. Très sincèrement, j’espère que les gens qui écoutent ce groupe ne se moquent pas du premier album de Simple Plan. Allez, tout le monde bouge son popotin sur "She’s Got Her Own Man Now" et claque des mains en rythme sur "Love Your Friends, Die Laughing". C’est bon les enfants, la récré est finie.

C’est que les choses sérieuses commencent. Polar Bear Club sur la Jägerstage, parfaitement. Et qui balance direct "Living Saints" en plus. Rien de mieux pour se mettre un public dans la poche que de commencer par un single. Et après, ça enchaîne sur des classiques du premier album, au pif "Hollow Place" et "Burned Out In A Jar". Sous les assauts du chanteur et du premier guitariste (le deuxième a l’air un peu neurasthénique), la mayonnaise monte vite ; tout le monde se prend à chanter les chœurs sur "Parked In The Parking Lot Of Your Heart" ou "Boxes". Le groupe génère une grosse énergie communicative et Jimmy Stadt joue très bien son rôle de frontman en transmettant une vraie émotion et une vitalité qui fait plaisir à voir. A chaque morceau, les New-Yorkais récoltent tous les suffrages, y compris sur la petite dernière "Screams In Caves", qui ne laisse présager que du bon pour le prochain album. Polar Bear Club garde cette ardeur sur ses 30 minutes de set, jusqu’à "Most Miserable Life", concluant avec des paroles qui résument nos vies (au moins pendant les festivals) : "We fucked our ears, we fucked our throats, screaming for the sake of what we love most".

Après ça, on tente d’aller voir Paige sur la Etnies Stage, mais finalement c’est vraiment trop nase, on choisit plutôt d’aller se ravitailler en bières à la tente, histoire de revenir tout frais pour le set de Touché Amore sur la Macbeth.
Et frais, il valait mieux l’être, quand on voit qu’ils envoient immédiatement la sauce avec " " ("Tilde"), sans même un café ou un ciné avant. C’est violent, et ça le reste tout le long du show. Ce groupe est décidément fait pour que tu craches toute ta haine à la personne qui t’as fait une grosse crasse, et apparemment tout le monde est dans ce cas sous le chapiteau. Et là, c’est l’un des côtés cool d’être en terre anglophone : ça chante pas du yaourt, mais les vraies paroles. C’est important vu le nombre de fois où on se fait tendre le micro, mais il n’y a pas que le public qui est invité à pousser la chansonnette. Jordan Dreyer de La Dispute rejoint ses collègues de split pour "I’ll Get My Just Deserve" et "And I’ll Deserve Just That" : c’est un peu la cerise sur le gâteau, ou le trèfle dessiné dans la mousse de ta Guinness. Mais Jeremy Bolm démontre après qu’il n’a besoin de personne pour déchaîner un public et se lance dans une démonstration impressionnante de performance vocale sur "Cadence" (véridique, ce mec chante sans micro plus fort que 800 personnes). Encore "Amends" et "Honest Sleep" ; et on ressort de là un peu sonné par l’intensité du show.

Mais ce n’est pas le moment de faiblir, direction la Etnies Stage, pour Living With Lions. Les canadiens envoient du pop-punk efficace, sans superflu, avec des mélodies entraînantes. Bien que le groupe ait changé de chanteur juste avant de sortir Holy Shit au printemps, ça ne l’empêche pas d’équilibrer la setlist entre les différents albums ("She’s A Hack", "My Dilemma", "Honesty, Honestly", "Maple Drive Is Still Alive") . En même temps, le chanteur a l’air de s’être fait casté pour sonner exactement pareil que le précédent. Par contre, ça a l’air d’un peu l’embêter de jouer des morceaux de l’EP. Les hits "Colors" et "Later Is Better" sont expédiés en vitesse, mais ça démonte des ours quand même. Tout le monde prend sa dose de sing along les bras levés ; un bon set punk-rock de teenagers à l’ancienne sans prise de tête, qui fait bien plaisir à l’heure où les groupes vétérans du genre (au hasard, Blink) font un peu n’importe quoi.

On passe quelques minutes devant la scène principale où joue Zebrahead qui a l’air de bien s’éclater avec des pistolets à eau, puis on repart sous la Etnies pour l’autre sensation hardcore du week-end, La Dispute. Les pauvres se tapent quasi immédiatement des soucis de matériel, le frontman se doit de meubler le vide. Il perd vite patience, et puis il faut dire qu’ils ont à peine 40 minutes de set et on perd un temps précieux. Le groupe choisit donc d’envoyer "Andria" sans la lead guitare. Qu’à ne cela tienne, c’est le public qui se chargera des solos : "palapapalapa..." enfin vous voyez quoi, comme "Seven Nation Army" dans les manifs de lycéens, sauf que là c’est pas ridicule. Le reste du set se déroule sans encombre. Les Michigannais dégagent une puissance assez incroyable, surtout quand on voit qu’ils sont tous taillés comme des rayons de bicyclette. Enfin il ne nous reste qu’à nous incliner devant le pouvoir de titres comme "Damaged Goods" ou de la petite dernière "Edit Your Hometown", à paraître sur le prochain album. Et un prêté pour un rendu, Jeremy Bolm vient prêter sa voix sur les deux autres morceaux de leur split commun. Décidément, une tournée gagnante pour ces deux groupes, comme on aimerait en voir plus souvent en Europe.

Tout s’enchaîne dans ce fest. On peut à peine voir 10 minutes de More Than Life qu’on doit partir direct devant Defeater. Oui, la vie est dure... Defeater donc, le groupe qui a insufflé un énorme renouveau au hardcore de dépressif il y a à peine trois ans, et qui déclenche à chaque nouvel opus une petite révolution. Comme l’EP acoustique dont est extrait "I Don’t Mind" qui ouvre le set. Une fois cette "formalité" accomplie, il n’y a plus aucune place pour une accalmie dans le reste du concert. Avec toute la fougue et la rage qui les caractérisent, les Bostoniens envoient les morceaux de choix de leur discographie : "Home Ain’t Never Home", "Cowardice", "Dear Father", pour ne citer qu’elles. A chaque titre le pit s’agite un peu plus, le public scande les paroles, s’époumonant au moins autant que le chanteur qui n’hésite pas à haranguer les fans pour obtenir des voix en plus sur les refrains. Le set s’achèvera sur "Red, White And Blues", dans un déchaînement de la dernière chance pour hurler la fin des paroles.

Après autant de passion, il est bon de s’octroyer un petit moment de détente et de retour en adolescence devant Funeral For A Friend. Avec Welcome Home Armageddon, les Gallois ont signé l’un des plus beaux revirements "retour aux sources" depuis The People Or The Gun d’Anti-Flag. Pour preuve, le groupe réserve une assez belle part de son set à ses anciens titres ("Rookie Of The Year", "Juneau", "Red Is The New Black"). Bénéficiant encore d’une jolie fanbase en Angleterre, tous les morceaux sont repris en chœur. FFAF se fait plaisir en jouant quasi à domicile, se moquant un peu de son public. Il faut dire que l’heure avance, les foies n’ont plus assez d’énergie pour éliminer tout ce qui a été absorbé pendant la journée et ça donne lieu à des comportements bizarres. Mention spéciale au mec qui a baissé son fut en plein mosh et s’est retrouvé ainsi avec un cinquième membre à faire tournoyer. Le "mosh bite" vient de naître sous mes yeux.

Bon, ce qui est dommage, c’est que du coup on rate Ceremony qui a l’air d’avoir foutu une énorme claque de violence scénique à ceux qui étaient devant. Tant pis, on se rattrape un peu avec quelques minutes de Your Demise sur la Etnies Stage. Le chanteur est tout simplement ridicule avec son bonnet péruvien, son anorak et son short, mais ce n’est certainement pas moi qui me risquerais à lui dire en face. Il a quand même l’air très belliqueux, et en plus il a une armée de fans pour le défendre. Musicalement, c’est très brut, on recherche pas la subtilité. En même temps, ça se saurait si on lançait des circle pits sur du jazz. "Nothing Left But Regret", c’est mieux pour ça.

Si on veut voir un peu plus de recherche technique en hardcore, on va voir The Bronx, la tête d’affiche sur la Macbeth Stage. Le hardcore’n’roll, c’est toujours une valeur sûre en live ; et les Californiens ont une réputation de bêtes de scène. Voici donc un concert de The Bronx en trois points. Primo : ça joue très fort. Quand on sent un souffle d’air dans ses cheveux à chaque coup de grosse caisse, on ne peut pas s’empêcher de se dire que ceux qui n’ont pas de bouchons ont les oreilles qui saignent. Secondo : The Bronx n’ont pas acquis leur réputation en brodant des points de croix. Déjà le chanteur a une carrure qui remplit la scène, mais en plus il n’hésite pas à aller titiller la foule là où elle se trouve et se paie le plaisir de quelques slams. Ses zikos ne sont pas en reste et dégagent une sacrée énergie aussi. Tertio : le public est tout simplement fou. Dès les premières notes, ça bouge dans tous les sens, et ça ne s’arrête plus. La sécurité a bien du mal à faire face à tous les surfeurs de foule, d’autant que ces derniers utilisent les poteaux du chapiteau (3 mètres de haut quand même) comme tremplins, et un requin gonflable sert de leurre. Un mec réussira même à déjouer les gorilles et à venir chanter quelques mots sur scène. Quant aux filles, c’est la fête pour elles aussi. Au programme : pole-dancing sur les tremplins à slam et tentative de corruption sexuelle de la sécu. Bref, pendant une heure, c’est un joyeux bordel ; vraiment un groupe qui mérite sa tête d’affiche.

Autant dire que quand on repasse devant la Jägerstage, les autres "stars" de la soirée, Four Year Strong, font pâle figure en comparaison. Enfin, ceux qui sont devant ont l’air de prendre leur pied ; et encore plus quand le groupe arrive à gratter un rappel, ayant ainsi l’honneur de clore musicalement cette magnifique édition du Hevy Fest. Coïncidence, mais juste au moment où ils s’arrêtent de jouer, la pluie recommence à tomber alors qu’on y avait échappé tout l’après-midi. A croire que le hardcore ramène le soleil à Port Lympne. Une théorie à tester l’année prochaine.

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