Interview avec Time Bomb

Date de publication : 2 février 2008
Rencontre avec le chanteur du groupe Time Bomb, qui répond à quelques questions alors que sort le tout premier LP du groupe parisien, au titre équivoque : “Live Free Or Die Trying”.

- Salut Olivier !

  • Salut mec !

- Parlons d’abord de votre actu : votre premier album déboule en ce mois de janvier, très vite après la création du groupe. Comment expliquer cette rapidité d’exécution ?

  • En effet, Time Bomb existe depuis fin 2005, ce qui signifie que cet album sort un peu plus de deux ans après la création du groupe, sachant que nous avions déjà sorti un 5 titres intitulé "High Explosive" en Septembre 2006. Donc en effet on peut considérer ça comme rapide mais on vit ça à fond et on voulait tourner une nouvelle page. On a mis les moyens pour avancer et on a pas mal travaillé entre le début du groupe et maintenant. Juste avant de sortir ce disque, on était arrivé a un moment où quelque part on se devait de sortir un nouveau disque qui ne soit pas un 5 titres.
    On a passé l’année passée à défendre "High Explosive", on a fait une quarantaine de concerts en France et même en Europe (Belgique, Allemagne...) et là on ne se revoyait pas repartir sur les routes sans un nouveau support. De plus je pense qu’à partir du moment où tu commences un groupe et qu’il dure, ton son et ta musique en général évoluent perpétuellement, d’autant plus lorsque tu es jeune, donc il y avait le désir de sortir un disque qui représente la musique que nous faisons aujourd’hui.

- Au niveau musical quelles différences entre l’album et votre premier EP, "High Explosive" alors ?

  • Comme je t’ai dit, notre musique a pas mal évolué entre l’écriture d’ "High Explosive" et celle de "Live Free Or Die trying". "High Explosive" ne représente plus exactement ce que nous sommes aujourd’hui, les compos sont plus brutes, plus directes et relativement basiques dans leur exécution alors que les chansons de "Live Free Or Die Trying" sont à mon sens plus travaillées et surtout plus musicales, mais le message reste le même.

- "Live Free Or Die Trying" sort sur votre propre structure, Rockin’ Street Records. Cet aspect DIY vous tenait-il particulièrement à coeur ?

  • Déjà je souhaite préciser que Rockin Street Records n’est pas la structure de Time Bomb bien que l’amalgame soit régulièrement fait. Elle regroupe Léo (Batteur) et moi même Oliver ainsi que Ben et Guillaume du groupe Thump.
    On est très content de sortir ce disque sur Rockin Street en effet. Outre le fait de tout gérer de la composition jusqu’au pressage, cela nous permet de contrôler où le disque sera commercialisé et à quel prix, de quelle façon il sera « promotionné » et bien d’autres choses que nous tenions à maîtriser. Nous avons cherché à voir si des gens étaient intéressés pour faire une coproduction sur ce disque mais je pense que la musique que nous faisons n’intéresse pas vraiment les labels en France. On nous reproche souvent pas mal de choses (chant en anglais, musique trop agressive...) et je pense qu’on ne rentre pas vraiment dans une case bien qu’on soit clairement identifié punk rock.
    Des labels il y en a mais a chaque fois cela reste très segmenté : pop punk a roulette, punk français, anarcho, hardcore etc... et vu que je pense qu’au niveau du son, ou du groupe dans son ensemble, on ne rentre dans aucune case, ces gens ne sont pas intéressés. Après ça ne nous a pas empêchés d’écouler 500 copies d’"High Explosive" en un an sans distrib, 100% DIY, et quelque part ce n’est pas plus mal comme je l’expliquais plus haut. Le seul véritable inconvénient est celui de ne pas bénéficier d’une véritable distribution, peut-être pour le prochain ?

- Est-ce que vous avez galéré pour réunir les fonds nécessaires ?

  • Oui et non, disons que de toute manière (et les groupes qui tournent ne me contrediront pas) lorsque l’on fait de la musique, on y passe énormément d’argent. Donc galérer pour ce disque non, pas plus que toute l’année quoi !
    La musique coûte énormément d’argent et ça le public l’oublie trop souvent ou ne le sait pas. Tu sais il arrive que certains connards viennent me faire chier (le plus souvent sur internet) a propos d’un concert qui coûte plus de 5 euros, car nos tee-shirts ne sont pas faits avec un pochoir et une bombe aérosol ou car tu demandes un minimum d’argent pour te déplacer et les gens te traitent de "vendus". Ces gens sont totalement en dehors de la réalité et ça me fait chier de devoir sans cesse expliquer ce qu’est la réalité d’un groupe sur la route ou même au quotidien. Dans le groupe certains étudient, d’autres comme moi taffent comme des chiens pour un connard de patron qui me paye a peine le smic. Personnellement je ne suis pas né avec des parents cadres supérieurs dont le compte bancaire m’aurait peut-être permis de me la raconter plus punk que le voisin.

- Combien de temps au total a duré l’enregistrement ?

  • L’enregistrement s’est étalé sur une dizaine de jours entre Octobre et Novembre derniers.

- Comment s’est-il déroulé ?

  • C’était très fatiguant pour plusieurs raisons, d’abord car le studio c’est le lieu ou sont révélées toutes tes imperfections, quand tu enregistres il n’y a pas de mystère, si tu pêches à un endroit c’est mis en lumière directement. Plus généralement je n’aime pas le studio, c’est crevant, c’est beaucoup de prises de tête et c’est long. Ensuite on a tous des caractères de merde, ceux qui nous connaissent le savent bien, donc c’était la grosse embrouille perpétuelle, on en est presque arrivé a se taper dessus. Heureusement on a enregistré avec un ingé son qui nous connaît depuis le début du groupe ce qui nous a bien aidés.

- La moyenne d’âge du groupe est très jeune. Cela vous a-t-il déjà valu des commentaires dans le milieu ?

  • Ouais bien sûr mais je considère ça comme un atout et non une faiblesse, quand tu as un groupe avec 20 ans de moyenne d’age et que tu joues un peu partout en sortant ton deuxième disque en deux ans, les gens s’intéressent plus à toi j’ai l’impression. Après je pense pas que la moyenne d’âge influe spécialement sur un groupe, à part te faire appeler sans cesse "les ptits jeunes" ou "les ptits cons" même s’il peut arriver que certains plus agés le prennent un peu à la légère.

- Malgré cette jeunesse, les thèmes abordés sur le disque reprennent des combats propres au street punk, comme la working class, la politique ou le rejet de la société. Comment vous êtes-vous retrouvés impliqués dans ces combats ?

  • J’écris mes textes en fonction de que je vis, pas pour faire "punk". Je connais des punks qui ne sont pas franchement défavorisés et qui te parlent ou même te chantent l’exploitation et la misère. Lorsque je parle de classe ouvrière, je parle de ce que je vis comme la plupart des gens en France, d’un monde du travail sans pitié, d’oppression et d’exploitation patronale, car de toute manière lorsque tu n’es pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche tu y es vite confronté.
    Après je tiens à préciser que ces textes sont personnels, je retranscris ma colère, mes frustrations ou mes joies mais je refuse de faire du prosélitysme. Je préfère que les gens s’informent et se fassent leur avis quitte à ne pas penser comme moi plutôt que voir des gens chanter des textes auxquels ils ne croient pas.

- Comment se déroule le processus d’écriture ? Et de composition ?

  • On compose généralement tous ensemble, on pose un riff de base et les gens composent la musique là-dessus, rien de bien extraordinaire. Les textes je les écris de mon côté et ensuite je les soumets au groupe afin qu’on les corrige ensemble et qu’on les travaille. Après il nous faut généralement un mois pour mettre en place réellement la chanson.

- On sent dans les compos en plus du street punk une certaine influence metal, genre Avenged Se7enfold (blague !). D’où viennent ces riffs particuliers ?

  • Avenged Sevenfold ? Haha !... Alors le groupe est pas mal mais ça reste des gros cons de patriotes américains qui plagient un nombre incalculable de riffs de Maiden ou des Guns. Après moi ce n’est pas dans mes influences, mais Arthur (guitare) est un amateur de ce genre de musique.
    Et vu qu’il fait partie de ceux qui influent beaucoup sur notre son ça se ressent fatalement dans les compos. De toute manière on a tous pas mal d’influences diverses tu sais, on écoute beaucoup de hardcore et de hip hop, du métal, du punk77 donc c’est vaste.

- Thump fait un featuring sur une chanson. Ce groupe fait partie sur la structure Rockin’Street comme tu l’as dit plus haut. Comment les avez-vous rencontrés ?

  • Thump fait mieux qu’être sur Rockin Street, il y participent pour certains (Ben & Guillaume). On les a rencontrés lors d’un concert que j’ai organisé il y a un an et demi et on a sympathisé autour du constat qu’on faisait que la scène parisienne était « dead » et que ça craignait un max. Depuis on a organisé beaucoup de concerts avec Rockin Street Prod, on a monté Rockin Street Records pour sortir nos disques et on est devenu de très bons amis. Ca nous paraissait donc normal de faire une chanson avec eux sur cet album car en plus d’être des potes ce sont de très bons zicos ! Vous pouvez donc écouter ça sur notre album, ça s’appelle "Until The End We Stand" et vous pouvez aussi écouter les Thump sur www.myspace.com/thumprocks !

- Vous avez eu l’opportunité de jouer avec des groupes mondialement connus comme Leftöver Crack, The Unseen ou Time Again. Quels souvenirs en gardez-vous ?

  • Déjà que, contrairement aux idées reçues, les gros groupes américains sont généralement beaucoup plus humbles et sympas que beaucoup de groupes français qui se prennent pour des stars. Ensuite pour Time Again c’est différent, on a joué trois fois avec eux, en France et en Allemagne et c’est devenu de vrais potes qu’on a plaisir à revoir à chaque fois.
    On a pas mal discuté avec eux et même si je ne suis pas forcément sur la même longueur d’onde à tous les niveaux, tu sens que là-bas ils ne réfléchissent pas et ne calculent pas tous leurs faits et gestes, ils vivent leur trip à fond sans se soucier de ce qu’on pourra bien dire ou penser d’eux. C’est une approche assez différente de celle qu’on a ici en France. Là-bas c’est un mode de vie, ici t’as parfois l’impression que c’est un truc d’intellectuels.

- Le groupe a changé de line-up en août dernier, avec l’arrivée d’un nouveau bassiste. Que s’est-il passé avec l’ancien ?

  • Franck est arrivé au mois d’Août dans Time Bomb au moment de composer le nouvel album. Notre ancien bassiste a fait le choix de faire d’autres trucs qu’il estimait être plus importants. Chacun ses choix.

- Tu peux présenter le line-up actuel, et ce que chacun fait dans la vie à côté du groupe ?

  • Le groupe est composé d’Arthur et Damien aux guitares, Franck à la basse, Léo à la batterie et moi même Olivier au chant. Personnellement je fais de la manutention dans une chaîne de grande distribution, Franck fait de l’intérim dans la mécanique, Léo travaille aussi à droite à gauche, enfin Damien et Arthur font des études. Après Léo et moi-même passons énormément de temps à gérer Rockin’ Street et à faire plein de choses relatives à la musique, donc on a peu de temps libre.

- De par les poses sur les photos, typographies utilisées etc... vous n’hésitez pas à utiliser certains "clichés" du punk-rock. Est-ce conscient, et/ou une manière d’utiliser des codes visuels déjà établis qui correspondent à ce que vous êtes ?

  • Celui qui est responsable de notre artwork sur "Live Free Or Die Trying" est Benoit Galeron qui est déjà responsable de l’artwork des albums de groupes comme The Arrs, Brigada Flores Magon ou encore l’Esprit Du Clan. Il est dans le punk rock, et plus largement les musiques extrêmes, depuis bien longtemps. On lui a laissé une très grosse marge de manoeuvre pour réaliser tout cet artwork et on est très content du résultat.
    Pour répondre à ta question, c’est parfaitement conscient, je trouve ça intéressant de jouer avec les clichés, ce qu’il faut éviter c’est en abuser. Tu sais on est très attaché à notre musique, au punk rock, donc on aime la revendiquer, notamment à travers une imagerie traditionnelle.

- Allez franchement, on vous a jamais traité de poseurs ? (en face ou sur le net)

  • On nous traite tout le temps de poseurs, la plupart du temps en déconnant, après certains ne peuvent pas supporter ça, moi je pense que le plus important c’est plutôt de savoir faire preuve d’autodérision.

- De quels autres groupes vous sentez-vous proches ?

  • Des groupes qui n’abordent pas le punk rock comme une simple musique, de ceux qui le vivent et le revendiquent. En somme, de beaucoup de groupes en France et ailleurs...

- Quel est votre point de vue sur la scène punk française actuelle ?

  • La culture en France est sinistrée mais ça ce n’est pas nouveau, ce n’est même pas une question de punk rock, c’est une question de culture en général. Comme on dit, la culture et le savoir c’est l’émancipation, et nos gouvernants l’ont bien compris. Aujourd’hui comme hier on préfère augmenter les budgets de l’armement et de l’économie plutôt que de s’occuper de l’éducation et de la culture. A quoi bon prendre le risque que les gens se rendent compte à quel point ils sont manipulés ?
    Pour la scène punk française j’en sais rien, en fait cette question me fait assez chier car "la scène punk" ça ne veut rien dire. Cette scène est segmentée et divisée. Rare sont les gens à sortir de leur carcan et c’est dommage.
    J’aimerai que le punk rock soit une musique plus puissante et surtout plus dangereuse mais ça, seul l’avenir nous le dira. Ce qui est en tout cas dommage c’est que beaucoup de gens sont aujourd’hui spectateurs et les activistes sont peu nombreux et ont souvent plusieurs casquettes (orga de concerts, labels etc..).

- Et sur la situation politique actuelle ?

  • Actuellement je suis assez pessimiste, ce qui me désole le plus c’est de voir des gens modestes voter contre leurs intérêts uniquement par ignorance. Voir des collègues à moi trimer toute l’année, envoyer se faire foutre leur supérieur pour au final voter Sarkozy ça fait mal. C’est là que le capitalisme a le mieux réussi, faire voter les gens contre leurs intérêts en les privant d’information. Aujourd’hui d’un coté le pays est dirigé par un monarque tout puissant en business avec les grands patrons et les média, et de l’autre on a une gauche molle qui ne représente personne, dont une partie est entrée au gouvernement, une grande constance dans les convictions en somme. Le vrai combat est dans la rue, dans les syndicats, les associations de quartier, auprès des gens de terrain, je n’ai pas confiance dans les politiques qu’ils soient de droite ou prétendument de gauche.

- Un de vos titres s’intitule "Punk Rock Is Politics". Considérez-vous les groupes désirant faire abstraction de la politique dans leurs paroles comme totalement non-punk ou est-ce un autre aspect du punk qui ne vous attire pas ?

  • Comme je t’ai dit plus haut, mes textes sont personnels, il reflètent ma vision du punk rock et celle de Time Bomb en général. Quand je chante "Punk Rock Is Politics" je ne dis pas que le punk rock est une musique où tu te dois de disserter sur l’actualité politique, je dis que le simple fait d’écouter ou de faire du punk est politique. Politique a plein de niveaux. Je connais des groupes qui n’ont aucun texte empreint directement de politique mais qui sont complètement punk de part leur démarche ou leur attitude.

- L’année vient de commencer, paraît que la tradition c’est de prendre des résolutions : quelles seraient celles de Time Bomb pour 2008 ?

  • Je pense que notre bonne résolution principale serait de tourner un maximum, car on ne s’amuse jamais autant que lorsque l’on est sur la route. Apres je pense qu’on va passer l’année prochaine à défendre cet album et à composer de nouvelles chansons !

- Je sais qu’il y a un grec dans le groupe. Est-ce qu’il pense que son équipe nationale peut encore refaire le coup de 2004 pendant l’Euro ? Hein non mais franchement ?!...

  • Les grecs aiment relever des défis. Pour les JO de 2004 on nous a sorti qu’on ne serait jamais prêts, et c’était pas si mal que ça. Rendez-vous en Juin 2008 ! Malaka !


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