mai
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2010
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Groezrock 2010 - 1ère journée (Vendredi) (Meerhout - Belgique) le 23/04/2010 |
Passer tout de suite au samedi
Le ciel est tout bleu. L’horizon est dégagé vers la terre promise de Meerhout, et ce malgré un volcan islandais qui aura fait planer beaucoup de cendres et pas mal de doutes sur la venue de groupes américains. Certains ont dû rester au bercail (Hatebreed, Snapcase, Saves The Day et Sunny Day Real Estate notamment), mais les programmateurs du Groezrock ont carburé toute une nuit avec des perfusions de caféine (pas le temps d’ingurgiter) pour palier à ces forfaits. Et avec The Ghost Of A Thousand ou surtout Millencolin, on peut dire qu’elles ont de la gueule, ces roues de secours. Et de sacrés enjoliveurs même !
En fait cet imprévu aura non seulement permis de prouver que la nature pouvait encore être plus forte que l’être humain (et donc donner une érection à tous les Nicolas Hulot du dimanche midi), mais aussi d’instaurer une ambiance à la 24h Chrono assez propice à l’excitation. Le gros suspense quoi. Qui va annuler ? Qui va les remplacer ? Finalement seule cette première journée aura vraiment souffert des annulations, et tous les festivaliers convergent des quatre coins de l’Europe en connaissant le menu proposé. De toute l’Europe ? Non, car dans un petit coin d’Armorique, un groupe d’irréductibles membres de PunkFiction ont résisté, pour la première fois depuis longtemps, à l’appel du supermarché du punk.
C’est donc en effectif réduit que le crew se rend au Groez, et son nouveau parking. Bordel mais la Belgique a été touchée par le nuage alors ? Le parking n’est qu’un amas de terre, la poussière vole partout et recouvre tout sur son passage. Tu sors à peine le nez de la voiture que t’en as déjà dans le nez (un peu comme si tu passais une soirée avec Maradona). Pas top, surtout que l’emplacement est facturé 5 euros… Sans compter les frais de lavage, indispensables après 2 jours dans ce décor à la Mad Max.
Bon allez, direction le camping… enfin pas tout de suite hein. Les années se suivent et se ressemblent : 3 pauvres entrées pour plus de 10 000 campeurs, et un nouveau système où il faut aller choper son bracelet camping en montrant son billet à une dame derrière le grillage. Ca fait un peu vendeur à la sauvette, c’est le bordel, et il faut s’armer de patience, et/ou de boisson, comme tous les Homer Simpson en puissance, qui comme d’habitude ont empilé les packs de bières pour former des véritables World Trade Center avec. La tente aussitôt jetée / aussitôt montée, on remarque l’absence de poubelles sur le camping cette année. Le sol est d’ores et déjà jonché de détritus en tous genres. Comme si le cousin du Petit Poucet, un certain « Detritus », s’était frayé un chemin entre les tentes…
Pas facile de pénétrer avec cette grosse queue, comme dirait l’autre, aussi l’heure a déjà bien avancé. Les concerts ont commencé, et le temps de valider son entrée, The Swellers achèvent leur set sur la Main Stage. Leur punk mélo à la Much The Same est bien en place, et a l’air d’avoir fait son effet sur un public déjà conséquent mais un peu clairsemé. C’est que beaucoup essaient encore de rentrer dans le camping. D’autres y sont mais s’attaquent à leur stock de boisson/bouffe en mettant de l’emocore à fond avec des transistors 2W au son tout pourri. Et il y a ceux, déjà sur le site, qui profitent du soleil en prenant l’apéro sur la pelouse.
Et en parlant d’apéro, ce sont les Real McKenzies qui s’installent sur la grande scène. Ils sont bien entendu tous en kilt. Le chanteur, Paul McKenzie, doit lui, plutôt être en kit, tant il a l’air démonté. Bouteille à la main (elle durera quand même tout le concert), il entonne une chanson traditionnelle que sa « grand-mère lui chantait pour l’endormir ». Ça devait être aussi bon qu’un épisode de Confessions Intimes, une soirée dans cette famille d’origine écossaise. C’est d’ailleurs en réaction allergique à ses parents traditionnalistes que le monsieur a décidé de monter un groupe punk. On peut le comprendre, être obligé de porter le kilt dès son enfance, se faire chambrer dans les cours de récré et être poursuivi par un paquet de curés criant « reviens, je veux juste voir si Satan t’habite » : ça traumatise. Enfin là les canadiens (oui ils sont pas du pays d’Higlander en fait) livrent un set à l’image de leurs disques : convenable, mais sans vraiment de refrains aussi fédérateurs que peuvent en posséder leurs cousins celtiques (et non pas germains) des Dropkick Murphys ou de Flogging Molly. La scène et le chapiteau semblent du coup un peu grands pour le groupe. Peut-être que sur une plus petite scène et à un horaire (et donc un taux d’alcoolémie) plus avancé, leur prestation aurait été plus remarquée…
Ce qui a été remarqué en tout cas, c’est la présence de Millencolin ce soir. C’est que la moyenne d’âge des Groezrockeurs doit être de 23 ans et 8 mois, et plus d’un a dû passer des étés à faire semblant d’être un surfeur au rythme des tubes du groupe. Les suédois débarquent donc en terrain ultra-conquis, et comme il ne leur a été laissé que les 45 minutes, initialement prévues pour Sunny Day Real Estate, on sait déjà que l’on va avoir droit à un set aux allures de menu maxi best of, en espérant quelques vieilleries en guise de deuxième burger offert. C’est très vite la fête au village dans le pit, et ce concert marque le vrai bon gros début du festoche. Voilà la première tête d’affiche, même pas prévue à la base, qui rallie les troupes et motive les soldats de la fosse. La tente est bien remplie, et les exercices d’aérobic se succèdent. Jumping général sur « No Cigar », pogo et embryons de circle pits sur « Olympic » ou « Mr.Clean » (les anciens fans sont ravis) et slams sur « Black Eye ». Les gens s’amusent, malgré le son assez déplorable, qui rend certaines intros méconnaissables. Il faut de temps en temps prêter l’oreille en se disant « hum bon celle-là c’est un tube, mais c’est lequel déjà ? », pour reconnaître les « Fox », « Bullion », « Penguins & Polarbears » ou « Farewell My Hell » qui défilent à vitesse grand V.
Les premiers rangs s’amusent bien, et les pickpockets aussi. Car oui, c’est une nouveauté, mais des faiseurs de poche sévissaient bien sur le festival cette année, et plusieurs fêtards ont eu la douloureuse surprise de se faire palper les miches par autre chose que de la flamande à tâches de rousseur. Il faudra donc s’équiper en conséquence pour les prochaines éditions afin d’éviter pareil désagrément (note : prendre le mec en flagrant délit et lui taper dessus, ça marche aussi). Retour à la scène pour une version brouillonne de « 22 », chantée sans beaucoup de conviction (faut dire qu’ils sont loin maintenant, les 22 piges du Niko, le presque-homonyme du sex toy de Carla Bruni…). Une poignée d’autres chansons qui donnent l’impression d’être en Californie, et c’est très vite la fin d’un set très efficace, qui finalement n’aurait pas forcément gagné à se dérouler plus tard.
Avec ses 3 scènes, le Groezrock propose toujours des choix cornéliens. Là Glassjaw vient de commencer, mais les Banner Pilot ne vont pas tarder, et il faut se déplacer jusqu’à la Etnies Stage, à l’autre bout. On va quand même regarder le début du groupe qui avait la meilleure côte chez les bookmakers anglais quant à une annulation. Pas à cause du volcan islandais, mais plutôt à cause du volcan qu’abrite le tube digestif du chanteur Daryl Palumbo. Atteint de la maladie de Crohn, le pauvre a souvent des « épisodes stromboliens » qui le privent de toute tournée. Espérons qu’il n’ait pas eu la mauvaise idée de goûter à la bouffe locale, à base de bains de friture...
Le combo se donne bien, mais les gens semblent avoir du mal à rentrer dans les compos post-hardcore-truc de Glassjaw, qui privilégie les titres de ses deux uniques (et très bons) albums Everything You Ever Wanted To Know About Silence et Worship Tribute, sans oublier de présenter des titres de leur nouvel opus à paraître cette année.
Aller, il est temps de braver le nuage de poussière et les beuglements d’Alesana sur la Eastpack Stage pour se retrouver sur la Etnies Stage, sous-baptisée « Back To Basics ». Ah c’est que là oui, on revient aux fondamentaux. Déjà parce que c’est Banner Pilot, groupe nullement maniéré, qui est en train de jouer, et parce qu’il s’agit de la seule tente où la scène n’est pas reléguée à 10 mètres du pit par une barrière de sécurité. Du coup, c’est un défilé de kids qui montent sur scène pour s’adonner au stage diving, parfois à contre temps entre les morceaux façon « Coucou mon copain, tu m’as vu sur scène ? Cool maintenant je saute, rattrape-moi stp ou ma maman va me gronder parce que j’aurai mon Levi’s troué aux genoux ». Enfin l’ambiance est cool, les sourires sont partout, et en premier lieu sur les visages des jeunes américains, fraîchement signés sur Fat Wreck Chords, et qui balancent pendant 45 minutes leurs tubes pop/punk. Mais attention, pas à la Mest ou autres niaiseries hein. Là on est à l’école Jawbreaker option Lawrence Arms. On s’est plus caressée la nouille sur le catalogue de vente No Idea Records que sur les pages lingerie de la Redoute. Et ça s’entend aussi bien dans la voix du chanteur, au physique de bon vivant, que dans les riffs à la gratte (« Pensacola », « Central Standard »). C’est efficace, et même si l’endroit paraît démesuré (2000 personnes) pour ce genre de musique et de groupe, c’est un foutrement bon moment à passer, et qui donne très envie de revoir Banner Pilot dans une configuration à taille plus humaine.
Pas loin de là, la tente Eastpack déborde autant de coreux que le caleçon de Guy Carlier de bourrelets. Les mythiques Agnostic Front sont dans la place. Il est un peu plus de 22h30 lorsque le noir se fait et que la brume artificielle apparaît sur scène au son d’une intro très martiale. Des ombres arrivent sur scène, alors que le public est déjà chaud comme une baraque à frites et scande " Gotta Gotta Go". C’est avec un « What’s up groezrock ? » que Roger Miret vient donner le coup d’envoi de 50 minutes de furie hardcore. Il ne tient pas en place et assure, mais si ce n’est rien comparé au bassiste qui enchaîne les jumps et les chœurs avec une facilité déconcertante. Vinnie Stigma joue sans faire trop de pains (il n’y a que Jésus qui les multiplie il paraît), et harangue le public comme à son habitude en en demandant toujours plus. Coté setlist on passe de « Victim In Pain » à « For My Family » sans faire l’impasse sur « Crucified » et « Gotta Go ». Classique. Dans le public c’est plus que viril, les vagins n’ont pas franchement leur place, et les coups de poing (pas vraiment volontaires, mais pas vraiment involontaires non plus hein) eux volent de temps en temps. Un peu moins violent, les circle pits s’enchaînent (au moins 5), et la bataille devient un peu rangée sur un braveheart qui vient soulever encore plus de poussière. Agnostic Front n’est peut être plus ce qu’il était sur album, mais sa prestation musclée de ce soir a permis de se rappeler qu’il reste un bulldozer capable de remettre pas mal de groupes à leur place… et de côtes en vrac.
Ceux qui n’étaient pas très chauds pour un carressage de côtes, justement, ont entretemps pris la direction de la Main Stage pour le meilleur concert de la soirée donné là-bas, avec des Face To Face visiblement bien échauffés par leur tournée anglaise avec les Dropkick Murphys. Ils alignent tube sur tube, avec des refrains taillés pour le sing along. Ils avaient déjà fait grosse impression il y a 2 ans, et l’information ne semble pas être tombée dans l’oreille d’un sourd ou dans l’œil de Gilbert Montagné. Les gens sont venus en masse, et le pit encaisse chaque refrain / coup de poing du groupe. Crochet du gauche avec « Disconnected », direct du droit avec « Struggle », uppercut dans ta face avec « Walk The Walk ». Et tiens, même une morsure d’oreille à la Mike Tyson sur « Big Choice ». Et pour mettre tout le monde K.O., un petit « It’s Not Over » mal nommé puisque joué à la fin. Les connaisseurs ont apprécié, tandis que les newbies cherchent à savoir qui c’est qui jouait là, parce que c’est trop bien comme groupe ! Et c’est vrai que du coup, on a beau se demander ce qu’il se fait de mieux en punk mélo actuellement, et bah on cherche encore… Grosse claque.
Cette première soirée est déjà une réussite. Malgré les absences de dernière minute, les trous ont été aussi bien comblés que l’aurait fait Tiger Woods, mais les pieds se mettent à traîner pour aller sur la Eastpack Stage. C’est qu’à cette heure, l’enthousiasme qu’aurait pu donner une prestation de Saves The Day a plus de mal à se manifester pour aller faire coucou aux compatriotes de Ryan Giggs, les Funeral For A Friend.
Ce sont donc les potes de Barney Stinson, the Mighty Mighty Bosstones, tous en costards, qui envahissent (ils sont huit) la Main Stage pour conclure en beauté cette première bataille. Le grand chapiteau est surblindé, et si l’air se rafraîchit, ce n’est pas le cas des esprits. Ça danse de partout, de l’avant à l’arrière de la salle, mais aussi sur scène, avec un chanteur qui fait des fois les chœurs, mais passe 97,3% de son temps à danser. Du coup on pense beaucoup à Madness, parce que les sapes, parce que le ska, parce que le second chanteur qui sert à rien. Mais ça a la classe et c’est efficace, même pour les néophytes. Le dernier album est mis en avant, avec des titres aussi cool que « Nah Nah Nah Nah Nah » (là comme ça, c’est vrai que ça fait un peu titre de Superbus), ou encore « I Wrote It ». En cadeau bonus, le « Rudie Can’t Fail » des Clash est revisité et vient faire secouer les boules, avant un rappel qui ne se fait vraiment pas attendre et sur lequel le saxophoniste descend taquiner les premiers rangs, sans doute pour voir si quelques-unes de ces blondes en mini-short qui pullulent serait prêtes à mettre l’embout de son instrument dans leur bouche... Placés en tête d’affiche au dernier moment, les Mighty Mighty Bosstones auront parfaitement assuré leur rôle, permettant de finir cette première soirée avec sourire et énergie.
Retour à l’Anarchy Camp, qui n’est pas qu’une chanson de NOFX mais bien une réalité dans le champ de patates de Meerhout. Les transistors qui beuglent, les bières qui défilent, les mecs qui pissent sur chaque centimètre carré d’herbe qui essaie de survivre, les cadavres (humains et objets) qui s’accumulent… La nuit est aussi froide que la journée a été chaude, et heureusement que la fatigue vient s’en mêler pour aider à tomber dans les bras de Morphée. Dehors la fête continue toute la nuit, avec des mecs bourrés qui crient, et au milieu du chaos un joli moment : une quinzaine de personnes, autour d’une guitare acoustique, qui chantent « Linoleum ». Putain, pourvu que derrière ils ne se mettent pas à jouer « The Decline »…
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