Contexte :

Après un passage du côté d’Alternative Tentacles (label de Jello Biafra) pour son second album, voici le collectif new-yorkais Star Fucking Hipsters de retour au sein de l’écurie Fat Wreck Chords, pour treize titres rugueux et vingt-neuf minutes de son destroy. Le format est punk, à l’instar de l’artwork impeccable signé du célèbre illustrateur Drooker, dont le coup de crayon n’a pas grand-chose à voir avec celui de Peyo ou de Zep.

Chronique :

Star Fucking Hipsters, pour son troisième opus, annonce pas moins de huit musicos. Parce que plus qu’un groupe, la formation Crass-euse a l’allure d’un collectif fait de bric et de broc, aggloméré autour de Stza, frontman emblématique des non moins emblématiques Leftöver Crack. Et avec au chant Yula Beeri, Kill-C et Nico de Gallo (pour sa dernière apparition au sein du combo), de la mandoline, du banjo, de l’accordéon, du clavier, un chouïa de cuivres et deux tonnes de guitare, la troupe prend des airs de Grand Orchestre du Splendid no future, adulé par les punks à chiens, les indignés d’Occupy Wall Street, et les derniers squatteurs de l’East Village.

Côté musique, le groupe nous sert toujours sa tambouille à base de punk-rock vindicatif, de ska percutant, de furie hardcore débordante, avec çà et là, une touche de folklore campagnard voire même de hip-hop à casquette, sans oublier une dégueulure crust à la limite du grindcore (« Rapture, Rinse, Repeat »). Normalement je devrais partir en courant, mais compte tenu du talent des huit, le titre réussit à se faire accepter après une poignée d’écoutes et un œil attentif jeté sur des paroles léchées. Parce même le meilleur connaisseur de la langue de Shakespeare d’entre vous ne pourrait comprendre un traître mot du texte, tant ça beugle, ça hurle, ça vocifère et ça aboie comme une meute de chiens affamés pendant trois semaines enchaînée à deux mètres d’une assiette de Smoked Meat de Montreal. Ça parle de l’Amérique profonde, de la bible et de l’impérialisme de l’Oncle Sam, comme si Obama n’avait jamais accédé au pouvoir, et ça se termine par une phrase courte qui en dit long sur ce que Stza et sa bande pensent des Etats-Unis d’aujourd’hui : ">« Rape and kill, but save your soul ».

Bien sûr, si on aime Star Fucking Hipsters, c’est parce que le groupe à des opinions, que ça change pas mal de certains de leurs voisins de label, et que la troupe sait allier paroles concernées et véritables réussites musicales : « War Widows Vietnam » et son break peinard, « 9/11 ‘Til Infinity », son phrasé rap et son mur de guitares stridentes, « The Spoils Of War », sa concision et sa brutalité hardcore ; comme autant de punk songs incisives et précises, en enfilade sur le chapelet plombé d’un monde à la dérive.

Mais "From The Dumpster To The Grave", c’est aussi la preuve que Star Fucking Hipsters joue dans la Ligue 1 du ska-punk qui bute, avec une série de pures réussites taillées pour le skank et pour le pogo, de « Death Is Never Out Of Fashion », à « Ana Ng », qu’on croirait sortie d’un album de Sonic Boom Six (la tessiture de la voix), en passant par « Otra Vez ! », indispensable hit chanté en anglais et en espagnol pour mieux piétiner les frontières, superbement arrangé, parfaitement interprété par deux voix qui se répondent et par des chœurs à l’unisson qui donnent du volume, de la puissance et du coffre à une production impeccable (qu’on imaginerait presque enregistrée dans un studio de Fort Collins, Colorado).

Pas le groupe le plus facile à aborder du paysage punk-rock US d’aujourd’hui, Star Fucking Hipsters se fout de plaire au plus grand nombre et montre néanmoins, avec cet excellent album, qu’il fait partie de ceux qui comptent en 2011 et que même s’il vend nettement moins, il a bien plus de choses à dire que Simple Plan.