Against Me ! - White Crosses

Publié le 8 juin 2010 par Seb-O-Matic

Contexte :

Les floridiens auraient certainement pu trouver plus jolie pochette pour ce second album en major. Par contre, ils n’auraient pas pu trouver meilleur titre. En effet, la carcasse d’Against Me ! repose maintenant sous ces « croix blanches »

Chronique :

Vous entendez souvent la phrase « le monde tel qu’on le connaît est sur le point de changer / disparaître / être anéanti ». Elle revient dans chaque film catastrophe où le héros sauve ses enfants en faisant la course, voiture contre tremblement de terre pendant que tous les immeubles s’effondrent sur la route. On appelle ça un blockbuster. Moins enjolivé, on peut aussi appeler ça un navet hollywoodien. Voilà précisément ce qu’est White Crosses : une grosse production où émotion et sincérité passent à la trappe et laissent place à plein d’effets spéciaux racoleurs et sans saveur. Le Against Me ! tel qu’on l’a connu a disparu.

Pourtant l’éponyme titre d’ouverture ne laissait pas présager de l’ampleur de la catastrophe. Un riff efficace, peut-être imaginé pendant la tournée avec les Dropkick Murphys tant ils auraient aussi pu le pondre, et une bonne chanson, dans la lignée de New Wave, premier effort majorisé, qui en avait déjà fait fuir plus d’un. Non, le grand bouleversement, il intervient en deuxième piste, et Tom Gabel l’assume totalement. Le titre est équivoque : « I Was A Teenage Anarchist ». Voilà qui fait bien entendu écho au « Baby, I’m An Anarchist » de l’exceptionnel Reinventing Axl Rose (2002), et affirme autant dans les paroles que dans la musique la nouvelle direction empruntée par le groupe. Pop à outrance, avec un refrain cul-cul la praline et une voix noyée sous une production lui retirant son grain si particulier, le morceau est annonciateur de la catastrophe à venir. Et le message est clair : "Revolution was a lie" / "I had the style, I had the ambition". Voilà, Gabel fait table rase, le chien fou qui jetait des pierres dans les vitrines de Starbucks va désormais y boire son café, voire y agresser dans les toilettes un ancien fan qui se moque de sa nouvelle musique (true story). Il est revenu de sa crise d’adolescence, finis les boutons, maintenant c’est un adulte.

La preuve, il sait jouer du piano. Et mettre des « oh-oh » encore plus sucrés que ceux des Killers en guise de chœurs (« Because Of The Shame », plutôt prenante par ailleurs). On aurait pu croire que son EP solo lui avait servi de défouloir, mais Heart Burns s’avère avoir été finalement plus qu’une simple parenthèse, c’était bien une étape dans le processus de création du frontman.
Ainsi « Suffocation » aurait très bien pu y figurer, mais se retrouve en fait sur cet album, avec des paroles empruntant au thème de prédilection de Tommy : la crainte du futur, l’avenir du monde. Bien que toujours poignantes et personnelles, les paroles mises au service de bande-sons aussi crapuleuses deviennent risibles sur « We Are Breaking Up » (avec des nouvelles notes de piano ambiance « Starlight » de Muse, ou chanson de bande-originale pour l’attrappe-pucelles Twilight). La palme de l’horreur revient sans conteste à l’infâme « Ache With Me ». Pourtant sur le papier il y aurait de quoi souiller son caleçon : c’est une chanson acoustique. Ouais mais là, elle se tourne plus vers les radios que vers les racines du groupe, avec des chuchotements style « tchim-coum-ba » navrants sur l’intro, et une mélodie très (trop) proche des singles de Green Day. Beurk.

On se prend même à sourire sur la (trop tardive) déflagration « Rapid Decompression », tant elle semble placée ici pour regagner quelques points « crédibilité punk ». Ce morceau a d’ailleurs été choisi comme premier extrait diffusé, avec clip en noir et blanc basé sur des séquences live. Genre « on est toujours les mêmes, bien à l’arrache, on transpire, on fait le rock ! ». Mais non les gars, vous ne trompez personne, et cette chanson, simpliste, n’est de toute façon même pas digne de ce que fut Against Me !.
Alors autant assumer, chose que ne devait sans doute pas pouvoir faire le sympathique et très barbu Warren, batteur congédié et servant désormais de la bouffe mexicaine dans son bled de Floride. Une page est tournée, et c’est désormais du rock, à la rigueur du punk-rock FM, que le groupe de Gainesville offre à nos oreilles.

Et figurez-vous qu’ils le font bien. Les riffs sont toujours affûtés (« Spanish Moss », bien plaisante avec des fausses allures de The Who, sans doute le titre qui émerge le plus de l’album), certaines mélodies sont prenantes (la rythmée « High Pressure Low »), de bonnes ambiances sont instaurées (« Bamboo Bones », qui vient parfaitement conclure cet opus). Non, y’a pas à dire, c’est bien branlé, c’est efficace. C’est juste le Against Me ! saveur 2010, plus sucré, surproduit par Butch Vig (derrière le Nevermind de Nirvana, comme par hasard…), et tentant de faire des tubes.
Et « tenter » est bien le verbe approprié, tant ceux-ci manquent. Alors que sur New Wave les « Trash Unreal », « Stop » ou « Borne On The FM Waves » était aussitôt entendus, aussitôt retenus (et conservaient accessoirement une « sonorité Against Me ! » malgré leurs allures déjà très pop), aucun morceau ne ressort véritablement ici. On pourrait appeler ça de la cohésion, mais aussi de la platitude, de la fadasserie. C’est la nouvelle voie qu’ils ont choisie, et on ne peut pas y faire grand-chose, petits auditeurs que nous sommes. Après tout, si ça ne plaît pas, il n’y a pas obligation d’écouter… Non, le plus gros des points noirs, c’est de mobiliser George Rebello d’Hot Water Music pour lui faire jouer ça. Si j’étais un vrai militant de la scène geek-punkrock, je créerais de ce pas un groupe Facebook demandant à Against Me ! de le libérer…

Cet album est une déception aussi grande que l’espoir qui avait été placé sur ce groupe au fil des années. Et pourtant White Crosses est un très bon album de rock. C’est juste le plus mauvais disque d’Against Me !. Pour l’instant…

NB : à noter qu’une édition limitée ainsi que la version digitale comportent 4 morceaux supplémentaires : "One By One", "Bob Dylan Dream", "Lehigh Acres" et "Bitter Divisions". La version iTunes Deluxe va encore plus loin avec une version inédite d’"I Was A Teenage Anarchist" en acoustique (15 titres en tout donc).


Infos

Note : 13 / 20

Année : 2010

Durée : 38 minutes

Labels : Sire Records / WEA

Tracklist :

01. White Crosses
02. I Was A Teenage Anarchist
03. Because Of The Shame
04. Suffocation
05. We’re Breaking Up
06. High Pressure Low
07. Ache With Me
08. Spanish Moss
09. Rapid Decompression
10. Bamboo Bones

11. One By One (version digitale et éd. limitée)
12. Bob Dylan Dream (version digitale et éd. limitée)
13. Lehigh Acres (version digitale et éd. limitée)
14. Bitter Divisions (version digitale et éd. limitée)
15. I Was A Teeange Anarchist (acoustic) (version digitale iTunes Deluxe)


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