Have Heart - Songs To Scream At The Sun

Contexte :

Have Heart a sorti son premier album The Things We Carry en 2006 et a connu quasiment immédiatement un succès énorme dans la scène hardcore. Il faut dire que l’album était d’un niveau remarquable, le tout poussé par une éthique straight-edge fédératrice et un chanteur charismatique. Deux ans plus tard c’est le retour des bostoniens pour un deuxième album sur Bridge Nine. Mais attention, nouveau son, nouvel univers musical... Beaucoup de changements donc, ambitieux certainement, mais qui risquent d’en rebuter plus d’un.

Chronique :

J’attaquais l’une de mes précédentes chroniques en expliquant que parfois il fallait un temps considérable pour apprécier un album alors que d’autres fois la première écoute était suffisante. Et bien je pourrais démarrer ma review de Songs To Scream At The Sun par le même constat. Car tout commence sur la toile par une pochette très laide dévoilée peu avant la sortie, des extraits balancés sur internet on ne peut plus décevants... Pour être honnête c’était presque à contre-coeur que je m’étais retrouvé à commander ce deuxième album d’Have Heart.

Et il m’en aura fallu du temps pour trouver du positif dans cette galette. Je crois que les personnes ayant découvert Have Heart avec ce deuxième opus l’ont rapidement adoptés, mais lorsque l’on est un fan incontesté de The Things We Carry il y a de quoi être plus perplexe. Durant les premières écoutes, tout ce qui nous plaisait dans le petit premier opus est complétement absent : le son est loin d’être aussi vif et tranchant (on pourrait même parler de brouhaha au niveau des guitares), le chant est nettement moins puissant (allez savoir pourquoi Patrick Flynn a totalement changé sa façon de chanter), la batterie quasiment banale... Pour être clair pendant des semaines je me suis bien demandé ce qu’avait cherché à faire Have Heart.

Le temps passant, les écoutes s’enchaînaient petit à petit (je n’aime pas rester sur une première impression), et le positif prenait petit à petit le dessus. Je me laissais finalement charmé par les paroles de Patrick, moins viscérales, moins violentes que par le passé, mais beaucoup plus profondes, personnelles et intimes. Si bien que la pochette elle-même en devient agréable aujourd’hui, une sorte de retour en arrière, une manière de revivre l’enfance mouvementée du charismatique chanteur (décrite à travers les morceaux « Bostons » ou « Brotherly Love »).

Musicalement le brouhaha se transforme en quelque chose d’honnête et de profond. Comme s’il fallait creuser et creuser encore pour découvrir un esprit marqué par une vie difficile, un garçon qui tente de s’éloigner de son passé, sans forcément oublier, en tentant de prouver que l’on n’est pas forcément ce que les autres veulent que l’on soit. C’est ainsi que Songs To Scream At The Sun prend forme. On y découvre un album intéressant, au concept recherché, qui a été poussé à son paroxysme. L’artwork de l’album devient soudainement familier (les photos du livret qui paraissent au premier abord plutôt laides prennent une autre couleur), on cerne petit à petit le sens des paroles (sans pour autant les comprendre de bout en bout, tout cela semble bien trop personnel)...

Chaque morceau de l’album représente, du moins je pense, une partie de la vie de Patrick Flynn, plus que jamais leader incontesté du combo. Difficile de ne pas se laisser porter par l’émotion transmise par un « Pave Paradise » ou d’un « Hard Bark On The Family Tree » (le seul morceau rappelant plus ou moins The Things We Carry) jusqu’à ce que tout se termine en apothéose par un « The Same Sun », inévitablement le meilleur morceau de l’album.

Songs To Scream At The Sun est selon moi loin d’être du niveau de The Things We Carry, et je crois que cet avis est unanime tant le premier album d’Have Heart a été un électrochoc dans la scène modern hardcore. Mais à la longue on découvre un album intéressant, et pour peu qu’on cherche un tant soit peu à cerner les différentes facettes de ce deuxième opus on peut y découvrir de multiples visages et surtout une vraie identité. Si Have Heart n’avait pas splitté peu de temps après cet album j’aurais prédit que son troisième effort aurait à coup sûr été majestueux. Car j’ai bien l’impression que ce qu’avait entrepris le groupe ici manquait encore un peu de maturité, pas forcément dans la composition, mais de temps pour digérer l’avancé qu’offre ce disque à la scène hardcore mondiale. En somme cet opus sera peut-être considéré comme un album charnière dans l’évolution du hardcore moderne pour les années à venir, et qui sait, peut-être sera-t-il acclamé de façon posthume, comme bien d’autres avant lui. Mais au moment de vous écrire ces lignes, plusieurs mois après sa sortie, je le considère toujours comme une petite déception...

Have Heart