Sonic Boom Six - City Of Thieves



Contexte :

Pour son quatrième album, Sonic Boom Six se devait de frapper fort. Avant tout parce qu’il fallait donner une descendance digne de ce nom à « Arcade Perfect ». Les cinq mancuniens (Nick Horne n’est plus un musicien additionnel) ont donc bossé dur pendant deux ans en enchaînant les concerts, avant de signer de leur petits doigts le livret de mon cd dans sa version digipack numérotée qui a fini, après bien des soucis avec l’usine chargée de l’éditer, par atterrir dans ma boîte aux lettres par une belle matinée printanière.

Chronique :

Parlons d’abord de l’artwork avant de parler musique. On m’a demandé un jour s’il collait réellement à l’univers de SB6. J’ai répondu que oui, évidemment. Et pourtant, l’imagerie sombre, à base de bas-fonds, de violence, d’affairisme, de corbeaux et de zombies aurait pu nous signifier : « attention, groupe de métalcore ». D’autant que Dan Mumford, le talentueux illustrateur du disque, a souvent travaillé pour des combos franchement violents et hurleurs. Et c’est certainement pour cette raison que Sonic Boom Six l’a choisi. Parce qu’il aurait été trop facile de confier l’artwork à un illustrateur lambda, habitué de la scène ska-punk. Sonic Boom Six n’aime pas les sentiers battus. Et puis cet univers graphique inspiré à n’en pas douter par l’œuvre de George A. Romero, rappelle à l’évidence deux films : « 28 jours plus tard » et sa suite, « 28 semaines plus tard ». L’un de Danny Boyle (« Trainspotting »), l’autre avec Robert Carlyle (« Trainspotting » aussi), ou comment Sonic Boom Six se réapproprie une imagerie nocturne, urbaine, inquiétante et fantastique, pour la reconnecter à une réalité britannique tout ce qu’il y a de plus contemporaine. La City est en panne, la crise est partout dans les rues, les traders sont au bord de l’émeute, la jeunesse fait peur, mais heureusement, la police veille sous le regard narquois de businessmen qui regardent, impassibles, la déliquescence du monde qu’ils ont créé. On pense alors forcément au « Ghost Town » des cultissimes Specials.

Après quelques écoutes, on comprend que « City Of Thieves » est un concept album. Et le premier titre, justement intitulé « Welcome To The City Of Thieves » nous entraîne dans la ville du péché. « Sin City » aurait dit Frank Miller.

Ensuite, le disque embraye comme à l’accoutumée en passant d’un genre à l’autre. Du punk-rock, du ska, du hardcore, du hip-hop, de la jungle… Sonic Boom Six ne choisit toujours pas son style et c’est ce que fait son style. Sur « Back 2 Skool » par exemple, le punk-rock se fait rap.

Difficile de séparer des parties, l’une plus ska, l’autre plus punk, tant les mancuniens ont pris l’habitude de mélanger leurs musiques préférées dans un seul et même titre. Cependant, le ska, très présent ici, trouve ses meilleurs représentants avec par exemple « Bang Bang Bang Bang ! ». Mais il ne s’agit pas de ska pur, de ska 60’s à la Slackers, ni même de two tone à la Specials. Ici, le beat est ska, mais le phrasé emprunte au raggamuffin le plus sec et au hip hop le plus sautillant. Avec un gros travail sur la complémentarité des voix et les arrangements qui vont avec. Comme si Run DMC avait forniqué avec The Selecter. Sur « The Road To Hell Is Paved With Good Inventions », la violence est plus fortement marquée, avec de gros riffs de guitare et un beat syncopé contaminé par une folie jungle difficile à contenir. Avec « Rum Little Skallywag », Sonic Boom Six amène de la gaieté en allant puiser dans ses racines jamaïcaines et rend un hommage (très) appuyé au regretté Desmond Dekker, « The King Of Ska », avec en final une citation de son hit « 007 » enregistrée en mono, comme à l’époque de Studio One ou de Treasure Isle. Et au rayon contretemps, le groupe envoie un pur hit avec « Through The Eyes Of A Child », un titre revival à l’allemande, avec une énorme section cuivres en avant et un featuring ragga de Monsieur King Django, lui-même, qui fait plus que son petit effet. Chef d’œuvre !

« Strange Transformations », une chanson atypique, quasi théâtrale, avec un son de piano envoûtant, presque madnessien, et un sifflement lugubre vient se poser là où personne ne l’attend. C’est probablement le morceau le plus proche de l’univers hip-hop, toujours connecté cependant à une certaine tradition jamaïcaine revue et corrigée par le prisme britannique.

Mais « City Of Thieves » est aussi capable d’aller assez loin dans la violence musicale, agrémentée ou non de contretemps, mais toujours à l’orée d’une furie hardcore qu’on sent proche d’une urgence à la Refused. Les riffs de guitare peuvent même parfois virer heavy metal, juste ce qu’il faut, et jamais dans le sens parodique façon Sum 41, comme sur « A Bright Cold Day In April », qui démarre sur les chapeaux de roues (pour faire un euphémisme).
« Polished Chrome And Open Kitchens », est dans le même style. Des éléments en intro empruntés au métal, puis une phase saccadé et un rythme syncopé, avant un refrain finalement assez proche de Rage Against The Machine, le claquement des cuivres en plus, sans oublier l’inimitable voix nasillarde de Laila. Et ce final disco-funk-ska que le No Doubt du début des 90’s n’aurait pas renié.
Pas mal de folie aussi sur « Jericho », cette ville dont les remparts se seraient effondrés au son des trompettes des hébreux, qui est une belle métaphore du Londres de 2009.

Mais la palme de la furie revient à n’en pas douter à « The Concrete We’re Trapped Within (It’s Yours) ». Très punk, mais pleine de breaks rap, speed, mais jamais à la ramasse, la frappe métronomique de Neil y étant pour beaucoup. Et cette montée dans la dernière minute après quelques secondes d’accalmie, ce « breaks the locks, rig the box, rock the system » comme si Public Enemy criait « fight the power » sur un tempo de Fugazi… Enorme titre qu’on écoutera encore dans 30 ans en se disant « mais putain qu’est ce que c’est bon ! », comme une vieille galette des Dead Kennedys.

Le disque se conclut sur une note plus pop, plus mainstream, avec « Floating Away ». Jolis accords de guitare, jolie voix de la jolie chanteuse, joli refrain plus rock. Et retour à des mélodies simples et à une construction plus classique pour un groupe qui se sent chez lui sur des sentiers sinueux. Le résultat est là et Sonic Boom Six semble avoir chiadé son disque jusqu’à choisir méticuleusement la place de chaque titre dans la tracklist. Et « Floating Away », qui se termine par un son de vinyle en bout de course, fait office de parfaite conclusion.

La production de Peter Miles est absolument gigantesque et le type est à n’en pas douter, l’un des artisans majeurs de la réussite totale de ce disque. Le groupe a absolument assimilé toutes ses influences et a réussi plus que jamais à les utiliser de la meilleure façon qui soit, celle qui combine classicisme et modernité, mélange et cloisonnement, respect de la tradition et envie d’innover, masculin et féminin, punk-rock et jungle, ska et hip-hop, hardcore et reggae, fiction et réalité, plaisir d’offrir et joie de recevoir.

Sonic Boom Six vient d’accoucher d’un album colossal qui devrait, s’il existe une justice en ce bas monde, marquer durablement les esprits de ceux qui oseront s’aventurer dans cette mystérieuse et envoutante «  City of Thieves ».

Rédacteur : Vince
Infos

Note : 19 / 20

Année : 2009

Durée : 44 minutes

Labels : Rebel Alliance

Tracklist :

1. Welcome To The (City Of Thieves)
2. Back 2 Skool
3. The Road To Hell is Paved With Good Inventions
4. Bang Bang Bang Bang!
5. A Bright Cold Day In April
6. Rum Little Skallywag
7. The Concrete We're Trapped Within (It's Yours)
8. Strange Transformations
9. Through The Eyes of A Child
10. Polished Chrome And Open Kitchens
11. Jericho
12. Floating Away


Biographie du Groupe
Sonic Boom Six