Alkaline Trio - Agony & Irony

Date de publication : 10 août 2008 par Seb-O-Matic

Contexte :

Le fameux trio maquillé ressort ses cravates ensanglantées, 3 ans après Crimson. Comme semblait l’annoncer la couleur de leur dernière production, Alkaline Trio a bel et bien entrepris un important tournant dans son évolution musicale. Pour le meilleur, ou pour le pire ?

Chronique :

Et il est d’autant plus facile de constater ce changement que cette année (2008), Asian Man Records, le label de leurs débuts, ressort leur premier opus, Goddamnit, à l’occasion des 10 ans de ce petit bijou. Et en 10 ans, bien des choses ont changé ! Les titres dépassent désormais tous les 3 minutes, contre aucun avant, Skiba et Adriano se répartissent davantage le chant, et la musique du groupe est bien plus organique, et même ambitieuse.

Autant le préciser tout de suite, il faudra se remettre du choc de la première écoute pour appréhender comme il convient toute la richesse de cet album et toutes les trouvailles qu’il abrite. Les 3 dandys gothiques ont totalement délaissé le "punk mélancolique" de leurs débuts, qui s’exprimait en 4 accords et bien souvent par un riff de guitare laissant une corde sonner à vide pour donner une sonorité plus "dark" à l’ensemble.
D’emblée nos tympans sont titillés par la voix perchée d’un Skiba au top dès "Calling All Skeletons". Très efficace et donnant très envie de clapper des mains, le titre n’est pourtant qu’un préambule aux deux tubes instantanés que sont "Help Me" et "In Veins". Le premier, écrit par Skiba, rend hommage à Ian Curtis, le chanteur de Joy Division. C’est le visionnage du film No Control qui a inspiré le grand Matt, plaçant des paroles plutôt équivoques : "Save me from myself / Take me from this hell". Le second vient illustrer la facette plus pop que l’auditeur s’apprête à explorer sur Agony & Irony. Mid-tempo, rythmique scintillante, la voix suave du bassiste chauve emballe, et on se plaît à le retrouver davantage qu’autrefois derrière le micro.
Ainsi on l’entend sur la heavy et très entraînante "Do You Wanna Know ?", ou sur l’excellente "Ruin It", arrangée par Derek Grant. Le batteur ayant l’oreille absolue, il lui est très facile d’aider ses petits camarades à élaborer leurs chansons. Du coup pour celle-là, il s’est amusé à nous dégainer un riff de guitare très western spaghetti, du genre que n’aurait pas renié Matthew Bellamy de Muse, pour l’un des titres les plus ambitieux de l’album, et incontestablement l’un des plus réussis.

Car assurément le groupe n’en a pas manqué, d’ambition, au moment de se pencher sur ses nouvelles compositions. L’ami Derek ne s’entendant plus avec leur ancien producteur attitré, qui était quand même Jerry Finn (Rancid, Green Day, Blink...), ALK3 a voulu renouveler son énergie auprès de Josh Abraham. Un nom prophétique, qui a notamment contribué aux réussites de... Linkin Park et Slayer. Du coup on était en droit de flipper que la musique du groupe ne se mette à effrayer les hippies, mais cette rencontre est une grosse réussite. Alors que tant de groupes se sont fourvoyés cette année en voulant changer de style (bonjour Millencolin, bonjour Anti-Flag !), la bande à Skiba démontre qu’elle, en revanche, avait le potentiel pour franchir un nouveau palier.

Mais que les fans old school se rassurent, l’univers musical si particulier du combo est toujours présent, en attestent le refrain de "I Found Away" ou la cavalcade contre le temps sur "Lost & Rendered", sur laquelle Derek Grant prolonge son festival derrière les fûts.
Dans les paroles non plus, le groupe n’a en rien perdu son cynisme, un titre comme "Live Young Die Fast" étant en lui-même assez explicite. De même, sur "Love Love Kiss Kiss", un autre titre signé du bassiste Dan Adriano, l’anti-cupidon, les amoureux transis en prennent pour leur grade : "Love love kiss kiss, blah blah blah / You’re making me sick, I wish you’d just stop showing off / For the rest of us that no one wants to love / It’s hard enough trying to drink another winter all alone".

On se replonge aussi dans la sombritude qui a fait le succès du groupe le temps de "Over & Out", très proche dans l’atmosphère de ce qu’a pu faire Skiba dans Heavens, son side-project. Le morceau oscille entre la tristesse des couplets et l’énergie positive du refrain. Un contraste assez saisissant, mais qu’Alkaline Trio maîtrise parfaitement. C’est là toute la force de cet album, le pont systématique qu’il parvient à faire entre Agony et Irony, entre cette façon géniale de sublimer la tristesse et de laisser transparaître en même temps un sentiment d’espoir permanent, cette envie d’avaler tous les cachets qui tombent sous la main pour se laisser aller à un doux coma et celle de crier son amour à l’élu(e) de son coeur...

Très à cheval sur le design depuis leurs débuts, les membres d’Alkaline Trio ont encore pris un malin plaisir à nous offrir un artwork de toute beautée, notamment dans l’édition collector. Si c’est simplement le logo du groupe qui orne la jaquette, l’intérieur du livret, disposé comme la reproduction d’une symphonie, vaut le détour, de même que le CD bonus offrant un inédit, un ancien titre ("Maybe I’ll Catch Fire") en version acoustique, et 4 titres acoustiques permettant une autre approche de morceaux issus de cette petite perle d’album qu’est décidément Agony & Irony.



Copyright © 2003 - 2009, punkfiction.servhome.org. Tous droits réservés.
Cette création est mise à disposition sous un contrat Creative Commons.

BIOGRAPHIE DU GROUPE


Alkaline Trio


Note : 18 / 20

Année : 2008

Durée : 40 minutes

Label : Sony BMG

Du Son : SOUND

Tracklist :

01- Calling All Skeletons
02- Help Me
03- In Veins
04- Over & Out
05- I Found Away
06- Do You Wanna Know
07- Live Young, Die Fast
08- Love Love, Kiss Kiss
09- Lost & Rendered
10- Ruin It
11- Into The Night