Against Me ! - New Wave

Contexte :

Voilà un album qui aura suscité beaucoup d’attentes, mais également un sacré lot de craintes. C’est que des dents ont grincé dans les sphères du punkrock bien-pensant et bedonnant en apprenant la signature d’Against Me ! chez une major. Les mêmes qui commençaient à s’esquinter l’émail lors de leur passage chez l’ogre Fat Wreck sont désormais passés au dentier avec l’arrivée des floridiens chez la sanguinaire Warner. Reste désormais à savoir si les Against Me ! sont des loups dans la bergerie, ou des chiens fous devenus agneaux… (les deux mon général !)

Chronique :

C’est une histoire qui revient souvent en ce moment. On était habitué à voir des groupes étiquetés « punk » sur des majors, après les énormes succès de Green Day ou Offspring. Avaient suivis Blink et tous leurs clones ratés avides de blagues pipi-caca ou de mascara sur chaque millimètre carré de paupière. Mais la tendance depuis quelques mois est à l’arrivée de groupes ouvertement politisés sur les catalogues de grandes maisons de disques. Rise Against puis Anti-Flag ont franchi le pas, désireux de faire entendre leurs idées et leur musique au plus grand nombre possible. Ces signatures n’ont en aucun cas changé leur combat. Certains diront que leur musique est devenue plus « accessible », mais faites le test : passez un morceau du dernier Rise Against à n’importe quel fan de Mariah Carey (si si, il en reste) et vous aurez le droit à quelque chose comme « Aaaah mais c’est quoi ce truc, c’est du gros bourrin satanique hein ? ». Signature sur major ne va pas forcément de paire avec compromission et succès commercial de toute manière... Et pour ce qui est d’Against Me !, ils ont décidé d’anticiper eux-mêmes, dès le morceau d’ouverture « New Wave », toutes les interrogations engendrées : « We want to be the bands we want to ear » ou « Are rou ready for brand new directions ? » sont deux phrases clefs qui indiquent la couleur.

Déjà la musique diffère totalement de ce que l’on connaît du groupe. Les guitares se font plus aériennes, et dès l’excellente « Up The Cuts » on comprend que travailler avec Butch Vig (Smashing Pumpkins, Nirvana, AFI, Garbage…), ça donne du lourd ! Et on le vérifie sur « Trash Unreal », LE tube du disque, imparable. Des harmonies sont distillées en fin de phrase sur les couplets pour installer une ambiance inhabituelle chez Against Me !, tous les ingrédients du tube indie-pop sont disposés pendant plus de trois minutes, avec des chœurs sur les refrains qui lorgnent du côté non pas de chez Swan mais de REM… Les radios vont se régaler, ça pourrait même passer sur RTL2 qu’on ne serait pas étonnés ! Et les surprises continuent, avec « Stop », à la rythmique so british qui fait énormément penser à du Franz Ferdinand, et encore avec « Borne On The FM Waves », nouveau morceau très pop-rock mais au refrain absolument accrocheur. Le riff de gratte posé dessus est incroyablement efficace, et le duo Tom Gabel / Sarah Steven absolument sublime au chant. On meurt d’envie de continuer à écouter ce dialogue, surtout s’il continue dans la chambre à coucher… On retrouve aussi la merveilleuse « Americans Abroad », déjà présente sur le live, fustigeant l’américanisation du monde.

Mais même si l’on ne s’ennuie pas une seule minute, un constat s’impose et dérange : Against Me ! a totalement perdu sa verve alcoolisée ! Alors que les chansons des deux premiers albums sentaient bon la bière et les cordes vocales prêtes à rompre, où chaque refrain se reprenait en chœur et en levant le poing, ici tout semble trop lisse, trop propre. Vous me direz, ce changement était déjà perceptible sur Searching For A Former Clarity, et au bout de quelques années c’est normal qu’en enfant devienne propre, mais quand même, on y perd un peu… Tom Gabel semble s’évertuer à écrire ’la chanson pop parfaite’, délaissant presque totalement ses racines punk et folk. Attention on est encore loin de niaiseries à la James Blunt, le niveau ici est absolument énorme. En fait, on se serait pris une grosse claque s’il s’agissait le leur premier ou second album. Mais Reinventing Axl Rose et As The Eternal Cowboy sont déjà passés par là, et on ne peut s’empêcher d’être nostalgiques (autant qu’un octogénaire mou du chibre devant les clips d’Alizée). Le côté à l’arrache est passé à la trappe au profit d’une production énorme et de chansons plus calibrées. La fin de l’album, avec « Animal » et « Ocean », est assez pénible, avec ces deux titres longs ne décollant jamais et n’apportant rien d’autre dans la discographie d’Against Me ! que de grosses craintes pour l’avenir …

Au préalable, on se sera quand même pris de sacrés claques dans la tronche avec le riff assassin de « Piss & Vinegar », morceau pouvant s’adresser à tous les « groupes du moment », et avec le premier single, l’énorme « White People For Peace » - à l’intro pas si loin que ça de celle de « From Her Lips To God’s Ear (the energizer) » - chanson presque défaitiste sur l’utilité des chansons contestataires face aux actions militaires, déjà devenue incontournable en concert. Au final, ce morceau est le pont idéal entre le Against Me ! « ancien » et le « nouveau ».

Car à n’en pas douter, cette « nouvelle vague » sert de transition entre deux rives. Plus matures, plus sûrs de leur songwriting, désireux d’explorer de nouveaux horizons musicaux et surtout voulant s’imposer, exister au milieu du marasme musical ambiant, les floridiens nous sortent un album rock de très haute volée (oui rock, pas punk, parce que qualifier un album de ‘punk’ quand la chronique m’a fait parler de Franz Ferdinand et REM, bon…). Alors même si les vieux fans (hum depuis 5 ans quoi hein…) peuvent nourrir pas mal de regrets, il n’empêche qu’on tient là un excellent album, qui devrait en ramener plus d’un à être présents aux shows de haute volée d’Against Me ! dans les prochains mois…