Le plus gros buzz de l’année 2002 ! Pendant que tout le monde attendait avec impatience la victoire facile des français au Mondial, les sites, forums, textos ou conversations consacrés au punk étaient en ébullition, et la polémique allait bon train sur la rencontre improbable de Tim Armstrong de Rancid, groupe phare de la scène punk américaine à l’intégrité jamais ébranlée, et Travis Barker de Blink-182 : le "boys band du punk", gagmen aux mélodies accrocheuses et grand public, menace aux valeurs du genre, selon ses détracteurs. Pourtant, Tim concoctait ce projet depuis bien longtemps...
Fondateur de deux groupes cultes, Rancid et Operation Ivy (il se faisait alors appeler Lint et sévissait déjà avec son ami d’enfance Matt Freeman), propriétaire de son propre label Hellcat Records, Armstrong est considéré par certains comme le fils spirituel de Joe Strummer, son ami et mentor, avec lequel il partage une voix au timbre unique, acquise grâce à une consommation sans modération d’alcool. Le succès de "Let’s Go" et surtout de l’extraordinaire "...And Out Come The Wolves" permirent à Rancid d’accéder à un statut de groupe phare pour toute une génération. En 1999, Tim Armstrong se fit construire son propre studio dans le sous-sol de sa maison, et se mit à composer des titres pour Rancid, mais aussi certains morceaux plus décalés, qui ne rentraient pas dans le cadre musical pourtant vaste du groupe. Pendant deux ans il mit ainsi sur bande une vingtaine de démos, dans le cadre d’un side-project qu’il mènerait à bien quand son emploi du temps le permettrait.
En 2001, au sortir de la tournée de Rancid pour son album éponyme de 2000, les quatre s’accordèrent une pause pour se consacrer à de nouveaux groupes. Lars Frederiksen fut le premier à dégainer avec "Lars Frederiksen And The Bastards" en 2001, qui démontrait que la rugosité de Rancid était bien de son fait. Un jour, en voiture avec son ami et roadie Rob Aston (qui fût aussi roadie pour AFI), Tim lui demanda s’il se sentait capable d’écrire des paroles sur certains morceaux qu’il avait composés. Bien que totalement inexpérimenté, le costaud chauve se prit au jeu et posa sur les démos. C’est ainsi que Tim lui confia le poste de chanteur, plutôt qu’à Lars comme il y avait pensé. Restait au groupe à trouver un batteur. Ils entreprirent de trouver le meilleur possible, et contactèrent Travis Barker de Blink - 182. Flatté, il passa au studio un après-midi, enregistra pendant 5 petites heures, et les percussions étaient bouclées !
Le nom Transplants a été choisi en référence aux origines des trois membres, venant de trois villes différentes. Certains se laissent dire que leurs univers bien opposés sont sans soute une autre raison... L’album éponyme déboule à la rentrée 2002 et chamboule les rédactions tout en balayant tous les clichés connus du genre. Un mix improbable de punk, hip-hop, dub, hardcore, mais le tout dans une grande cohésion, c’est un véritable OVNI qui vient d’atterrir dans les bacs, avec des morceaux ravageurs, portés par le single "Diamonds & Guns", véritable tube en puissance, qui fût utilisé dans bon nombre de séries américaines (Smallville, Fastlane) et surtout dans la pub des laboratoires Garnier®. Etonnant d’ailleurs que le groupe ait cédé les droits de sa chanson quand on connaît les principes d’Armstrong... Ce sont Aston et Barker qui s’expliquent : "Au début on a refusé, ils ont augmenté leur offre, alors on leur a juste vendu l’instrumental, et l’argent, on l’a fumé". Voilà donc le pourquoi du comment ce morceau devient le jingle de la marque capillaire, drôle d’ironie puisque deux des membres du groupe sont chauves et l’autre porte la crête...
Le groupe ne tourne qu’un peu aux Etats-Unis, sur le Warped Tour puis en première partie des Foo Fighters (!). Pendant cette tournée ils rencontrent Pink, et Armstrong décide de lui composer quelques titres pour son prochain album (dont le single "Trouble"). Ils jouèrent aussi live dans l’émission de Snoop Dog, devant un parterre de rappeurs dansant sur les beats punkoïdes de "Tall Can In The Air " comme en témoigne une vidéo disponible sur le net assez ahurissante. Rancid et Blink retournent ensuite en stuido puis en tournée, les Transplants sont mis de côté pendant deux ans, puis les trois se retrouvent pour continuer leurs aventures. Entre-temps Travis est devenu une star de la télé-réalité, avec son propre show sur MTV "Meet The Barkers", des tonnes d’apparitions pour des sponsors, un nouvel enfant avec sa playmate de femme ; et surtout a mis fin à Blink-182. Rob Aston, qui se fait désormais appeler "Skinhead Rob", voulait faire un album solo mais s’est fait virer par sa maison de disques, il est même apparu dans "The Osbournes", puisqu’il sortait avec Kelly Osbourne qu’il voulait même épouser, jusqu’à ce qu’elle le jette (oui j’ai fait un stage à Voici)… Les personnalités bien différentes du trio se sont donc davantage affirmées, et le second album,’Haunted Cities" va fortement s’en ressentir, Tim Arsmtrong n’étant plus le seul à composer. Même le label n’est plus le même, Barker en profitant pour sortir le disque sur son tout nouveau label quasiment sans signature : LaSalle Records. Les titres partent un peu dans tous les sens et perdent en cohésion, l’accueil est plus mitigé et le premier single " Gangsters & Thugs", aux paroles explicites, passe inaperçu, car bien en deçà d’un "Diamond & Guns" ou "D.J.D.J.". Une vidéo sera tournée pour le morceau R’N’B "What I Can’t Describe", mais ne sera jamais diffusée. Le groupe retourne sur le Warped Tour, planifie une tournée européenne pour la rentrée 2005, puis avec Pennywise en novembre aux Etats-Unis. Mais ces deux tournées sont annulées, officiellement pour une grosse fatigue de Tim Armstrong. On reste des mois sans nouvelles du groupe, puis sans grande surprise on apprend que les Transplants n’existent plus. Aucune raison n’est évoquée, Travis déclarant "chacun a des torts dans cette séparation", mais on en saura pas plus. Barker et "Skinhead" Rob s’associent au rappeur Paul Wall pour fonder un nouveau groupe de hip-hop, dont le nom, Expensive Taste, fait référence à leur amour des montres en or, Cadillacs et autres gadgets indispensables.
On ne peut que supposer les raisons de ce split, mais les objectifs musicaux et commerciaux très différents des trois peuvent être un début (et la fin ?) des explications. L’héritage des Transplants sur galette reste tout de même de première facture, surtout avec l’album éponyme, véritable bombe sans retardement à mettre sans lubrification dans tous les conduits auditifs.
Mais en 2010, le buzz repart comme en 2002, lorsque Travis Barker annonce le retour du groupe.
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