Créé à la toute fin des eighties, Guttermouth comprend des membres issus de différentes formations dont la réunion a été motivée par des influences communes, à savoir la crème de la crème : The Vandals, Social Distortion, The Adolescents... Autant de groupes qui ne sont autres que leurs voisins puisque les Guttermouth sont eux-mêmes originaires du fameux ’Comté d’Orange’, proche de Los Angeles, où naquirent moultes légendes du punk rock américain.
Non content de reprendre le rythme enjoué et l’énergie débordante de ses aïeux, le groupe va très vite se démarquer par un humour très gras, voire extrême à l’image de ses shows. Le nom du groupe lui-même retranscrit aisément ses arrière-pensées déviantes (trad : "bouche-gouttière" : on va pas vous faire un dessin !). De quoi faire passer Blink-182 et consorts pour une bande de joyeux mormons bien-pensants...
Lors de la formation concrète du groupe en 1989, celui-ci est alors composé de Mark Adkins au chant, Scott Sheldon à la guitare (deux amis d’enfance qui resteront les 2 irréductibles du line up), du second guitariste Eric Davis, du bassiste Clint Weinrich et du batteur James Nunn.
Début 90’s, le groupe commence par s’auto-produire et enchaîne les EP’s avant de mettre au monde son premier album, sobrement intitulé Full Lenght, puis d’être approché par le label local Dr Strange. Ce dernier va ressortir l’album pour une plus grande audience et même leur payer le luxe d’un clip pour la tubesque "1, 2, 3 ... slam". Une vidéo qui va assurer une certaine promotion pour le groupe dans le milieu skate, tout juste dépucelé musicalement par les VHS Thrasher du milieu des années 80...
Le groupe commence à se faire un nom et des amis comme les influents Vandals qui vont lui offrir de belles premières parties (notamment celle filmée du live Sweatin’ To The Oldies) et appuyer ainsi sa popularité grandissante.
C’est véritablement en 1994, lorsque le punk rock explose et qu’il devient le pain béni d’MTV, que le groupe va pouvoir élargir son public. En pleine conception de son nouvel album, 3 ans après le premier, une connaissance qui n’est autre que Dexter Holland (dont le groupe The Offspring est en bonne partie à l’origine de la dite "explosion" du punk rock nouvelle vague), propose un contrat sur son label tout beau tout neuf : Nitro Records.
Guttermouth va donc y sortir son Friendly People : le premier album, tout groupe confondu, sorti sur le label du blondinet Holland. Le groupe va alors enchaîner tournées et ouvertures pour les grosses pompes de la scène. Mais très vite, la réputation amorale et anarchique des concerts du groupe, qui était "acceptable" dans les petits bars d’OC va devenir un problème pour Guttermouth à une époque où le punk rock est complètement aseptisé par MTV.
Dès lors, le chanteur Mark Adkins va se faire des amis du côté des autorités pour des motifs plus ou moins justifiés ("attentat à la pudeur", "incitation à l’émeute"...) qui vont éjecter le groupe des différentes tournées auxquelles ils participaient, voire carrément l’interdire de concerts dans certaines villes et certains pays (et là je pense au Canada, pays qui leur sera cher dans l’écriture future des lyrics).
Toujours dans sa lancée de collaboration avec Nitro Records, le groupe sort très vite un troisième ’long-jeu’ : Teri Yakimoto, en 1995 . Un album qui marque à la fois un premier changement de line-up (le bassiste Clint Weinrich qui est parti fondé une famille, laisse sa place au jeune Steve Rapp) et une approche plus mélodique musicalement, mettant ainsi un (court) terme à celle plus hardcore qu’ils avaient eu jusqu’à présent. L’album va élargir le public du groupe, notamment grâce encore une fois à un vidéo-clip, celui illustrant le titre "Whiskey" qui restitue parfaitement l’humour sarcastique de Guttermouth. Le succès est tel que Nitro Records se voit dans l’obligation de ressortir une 3ème fois le premier album sous le nom non moins second degré de The Album Formerly Known as Full Length LP.
Deux ans plus tard, le groupe réitère avec Musical Monkey, l’album qui pose définitivement les bases du "son Guttermouth" : un son mélodique trop rapide et agressif pour être considéré comme de la pop-punk, le tout teinté d’un humour complètement amoral, parfaitement reflété par un titre comme "Lipstick", où le sentiment d’affection maternel est tellement mis à mal qu’il aurait de quoi réveiller Freud dans sa tombe.
En 1999, le groupe se sépare de son bassiste Steve Rapp, ce qui laisse le champ libre à James Nunn, qui cède sa place de batteur du groupe à William "Ty" Smith, pour récupérer la fameuse 4 cordes. Une année pour le moins mouvementée où le groupe va sortir son dernier album chez Nitro : Gorgeous, qui renoue avec le son punk-hardcore originel de Guttermouth.
L’année 2000 marque pour le groupe son arrivée chez le légendaire label de Brett Gurewitz : Epitaph Records. Après une apparition marquante dans le film de leurs Vandals d’amis : That Dam Punk, le groupe sort l’année suivante son 1er album sur le label du guitariste de Bad Religion. Covered With Ants ne transige pas avec le son Guttermouth, même s’il marque un retour à un son plus pop après le virulent Gorgeous. Il inclut d’ailleurs de nouveaux instruments plutôt folk et expérimentaux à la manière d’un Offspring, tel que le violon, l’orgue ou encore le banjo.
En 2002, le départ du bassiste James Nunn, anciennement batteur du groupe, à la veille d’un nouvel enregistrement va provoqué un léger électrochoc au sain du groupe, déstabilisant le line up, obligeant les deux guitaristes à écrire eux-mêmes les lignes de basse. Le résultat s’appelera Gusto, un album délibérément plus pop-punk, où la mélodie joue définitivement un rôle capital, participant ainsi à l’aspect tubesque des titres, dont la lenteur est sans équivalent dans la discographie du groupe. Néanmoins, des paroles comme celles de "Camp Fire Girl #62" (où Mark décrit son inexplicable attraction pour une hippy) montre que l’humour crasseux de Guttermouth est resté intacte.
Un an plus tard, le groupe continue les tournées avec le retour en intérim de son bassiste originel Clint Weinrich, et a même droit à son fameux Show Must Go Off ! (édité chez Kung Fu Records, label des Vandals) avec la sortie d’un DVD filmé à la House Of The Blues d’Anaheim. Le résultat est une parfaite illustration d’un show de Guttermouth où la sécurité est sans cesse débordée, où Mark avale à peu près tout ce qu’il est possible d’avaler et où l’atmosphère bordelique est telle que la fin du show manque au DVD (bien que présente à l’écoute sur l’album).
En 2004, le groupe sort son 8ème album Eat Your Face qui marque à la fois un retour à un son plus rapide proche de celui de Gorgeous et un certain dégoût de l’atmosphère générale : à la fois dans leur pays mais aussi dans la scène punk rock. Cet album présente aussi un nouveau membre avec l’arrivée d’un bassiste à plein temps : Kevin Clark. Ce disque marque aussi le début de la fin dans la collaboration du groupe et avec Epitaph Records, puisque qu’il est aussi distribué par Volcom Entertainment, le label de la fameuse marque éponyme (ce qui témoigne néanmoins de la longue histoire d’amour qui unit Guttermouth et le milieu skateboard).
La même année, le groupe va se faire particulièrement remarqué lors du fameux Vans Warped Tour où Guttermouth n’hésitera pas gratifier d’insultes et à agresser en coulisse les autres groupes présents sur le Tour. A commencer par My Chemical Romance et Yellowcard, à qui Mark Adkins conseille de porter plus d’attention à la qualité de leur musique qu’à leur style vestimentaire.
De même, en pleine tournée Rock Against Bush, à la veille des élections présidentielles, d’autres groupes comme Anti-Flag et NOFX (groupe qui avait pourtant écrit le titre "Guttermouth Is A Really good Band" !) vont faire les frais des virulentes critiques du leader de Guttermouth, qui leur reproche de faire de la démagogie et du punk rock un mouvement orienté politiquement. Le groupe ira même jusqu’à apporter publiquement son soutient à George W Bush, non pas sincèrement (comme l’avaient fait d’autres après le 11 septembre 2001), mais juste pour être en contradiction avec la pensée unique imposée par certains groupes.
Une attitude qui n’est elle-même pas en contradiction avec les positions du groupe, qui avait déjà reproché auparavant à certains de vouloir faire du punk une institution figée (cf : "Sober Vegans You All Suck !" sur l’excellente "Baker’s Dozen" de Musical Monkey). Le résultat est une nouvelle exclusion. Même si en partie due à une série de plaintes venant de Gerard Way (chanteur de My Chemical Romance), elle fut en fait volontaire de la part de Guttermouth, complètement dégoûté par l’atmosphère quasi-sectaire qu’avait pris le Warped Tour.
L’année 2006 marque pour le groupe la sortie de l’album Shave The Planet dans la lignée du précédent Eat Your Face, complètement chez Volcom Entertainement, qui est maintenant devenu véritablement le label du groupe. Guttermouth a retrouvé son bassiste originel Chris Weinrich, pour un job à plein temps et a changé de batteur pour Ryan Farell.
La bande enchaîne aujourd’hui les tournées en Amérique du Nord où il reste très populaire, contrairement à l’Europe où le groupe est carrément méconnu. Fort dommage...
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