Sum 41 @ Luxembourg (Rockhal)

Publié le 6 mai 2010 par Vince

A bientôt 36 piges je m’suis dis « mon gars, à un concert de Sum 41 tu va avoir l’air d’un vieux daron ». Et ben même pas. Des vieux comme moi y’en avait quelques-uns ! Il faut dire que les membres du groupe sont tous quasi-trentenaires, mais c’est quand même (de loin), les kids qui dominaient ce soir.

Le concert est sold-out dans la « petite salle » (plus de 1200 personnes quand même) de la Rockhal. « Evidemment » vous allez me dire, c’est quand même l’un des plus mastodontes des groupes punk-rock d’aujourd’hui. Je dis bien punk-rock, parce que pour moi c’est bien de ça qu’il s’agit. Blink 182, c’est des beaux gosses sapés comme des fashion victims, ultra mainstream et parfois même franchement relous. Sum 41 c’est des branleurs, avec un putain de sens du hit, qui en plus n’ont pas oublié de mettre une bonne dose de violence dans leur musique, ce qu’ignorent ceux qui ne les connaissent que par leurs titres MTVisés pas toujours représentatifs de ce qu’ils sont vraiment (même si c’est clair que Sum 41 n’est pas GBH).

Il est 22h25, la foule commence à s’impatienter, et les 3 ou 4 seuls connards à fumer dans la salle sont évidemment français. La lumière s’éteint et la sono envoie « Carmina Burana », histoire de faire une entrée en scène grandiloquente. La bande son est terminée, les baguettes font tac tac tac et boum c’est parti. Sauf qu’immédiatement, je comprends quelque-chose de fondamental. Les albums de Sum 41 sont surproduits, et ça transparait de façon évidente sur scène. Deryck a normalement une voix stridente, aigüe, et là, il chante au moins une octave en dessous. Surtout, je m’attendais à un show à l’américaine (ou à la canadienne) avec une joyeuse bande de fous fous, alors que là je vois des cadres du punk-rock qui assurent mais qui ne se cassent pas trop le cul non plus.

Autre constat, le bondissant Dave Baksh manque. Il a été remplacé par Tom Thacker, certes efficace à la six cordes, mais un peu terne dirons-nous. Pour vous dire, le mec se pointe sur scène en bras de chemise, comme s’il sortait de l’immeuble voisin de la Dexia après une journée de boulot. Avec en prime une petite crête à la David Beckham. Mmmmh, pourquoi pas…
« No reason » direct dans ta face, le public est aux anges, les plus couilles-molles sautillent le bras tendu, l’index et l’auriculaire pointés vers le plafond, trop rebelles !... La voix est mise en avant et Stevo, le Travis Barker du Nord, va finir par massacrer sa batterie s’il continue de frapper si fort. Pour moi, tout ça n’est pas assez carré. Pas assez en place, contrairement à ce qu’on peut entendre sur leurs albums ou tout est absolument nickel, précis, millimétré. Pourtant, Deryck se donne pas mal, il grimpe sur les retours, harangue la foule et gueule dans son micro comme un dératé. Le quatuor envoie des titres issus de tous ses albums, le premier étant évidemment (et malheureusement) le moins représenté. « We’re all to blame », « Angels with dirty faces », « My direction », « Over my head », « Underclass hero », « Walking disaster », « Motivation », et bien entendu les tubes planétaires que sont « In too deep » ou « Still waiting ». Le groupe propose aussi des morceaux très violents, à la limite du punk-hardcore, comme « Welcome to hell » ou « The bitter end », et là le public se calme, comme si les kids avaient peur de se prendre une mandale. C’est peut-être pas ultra carré, mais ça reste plutôt plaisant. Le bassiste a l’air un brin fatigué et Stevo, trop caché au fond le la scène, est trop absent.

Sur un bon tiers des titres, Sum 41 a la sale manie de faire des breaks pour que Deryck chauffe le public, en jouant en boucle, des dizaines de fois, la même mesure. Mon dieu que c’est chiant ! Mon dieu que ça casse le rythme ! C’est notamment ce qu’ils osent faire sur « Makes no difference », parangon de punk song avec des voix pop et des mélodies imparables, qui là est juste plombée par un groupe qui semble encore se chercher, un comble quand on a déjà publié cinq putains albums qui se sont vendus par wagons entiers. Les Canadiens s’essayent même à reprendre « Paint it black », standard absolu des Stones, avec le nouveau gratteux au chant. Et ce soir, malheureusement pour Deryck, Tom assure carrément mieux. La cover est certes vaine mais parfaitement réussie. Le groupe quitte la scène avant de revenir pour un petit (minuscule) rappel avec « Fat lip », sauf que le micro de Stevo est tellement mal placé à droite de sa batterie que le duo avec Deryck sur les passages rap est inaudible. Cela se termine (comme d’habitude paraît-il) par « Pain for pleasure », avec le batteur au chant et le chanteur derrière les fûts. Ces quelques déflagrations heavy font du bien aux écoutilles. Sum 41 quitte la scène après 1h15 de concert, le minimum syndical, sous les applaudissements nourris du public.

Moi, j’ai assisté à un concert sympathique à base de « peut mieux faire ». Je suis comme Fat Mike, j’adore Sum 41. J’avais peut-être des « horizons d’attente » trop élevés. Je pensais avoir droit au gros son, aux chœurs bien en place avec des hahaha et des hohoho, à des musiciens incisifs et percutants. Je pensais assister à une superproduction. J’ai eu droit à une série B pas dégueulasse mais pas vraiment transcendante. Y’a des jours avec et des jours sans. La faute à la fatigue, au vide qu’a laissé Dave, au « grand » âge du groupe. Le grand âge a bon dos à mon avis. Dans moins de deux mois, Bad Religion viendra jouer dans la même salle. Je parie mon premier slip que Greg Graffin et sa bande, qui approchent tous de la cinquantaine, trouveront assez d’énergie pour foutre le feu à la boutique et rappeler au petit monde du punk-rock que c’est eux les patrons.

En sortant, j’assiste à un spectacle assez inédit. Sur le parvis de la Rockhal, le monospace garé en double file, quelques dizaines de parents attendent que leur progéniture veuille bien quitter la salle pour rentrer à la maison après une soirée trop subversive. Je souris. Dans une dizaine d’années, je serai certainement parmi eux…


Groupe associé
Sum 41