Green Day - American Idiot

Date de publication : 24 octobre 2007 par Seb-O-Matic

Contexte :

L’album de la renaissance, tout simplement. Malgré une discographie parfaite du fait d’une évolution constante (la bombe Nimrod, le folk Warning), Green Day n’avait jamais pu renoué avec l’incroyable succès de Dookie et ses 14 millions d’exemplaires vendus. Et personne n’aurait misé un copeck sur eux encore quelques mois avant la sortie du premier punk-opéra de l’histoire. Après avoir failli splitter, sorti deux compiles, tourné avec Blink et s’être faits voler les premières bandes enregistrées pour cet album, Green Day décide de repartir à zéro pour ce lancer dans ce projet démentiel.

Chronique :

Rappelez-vous. Août 2004, le single "American Idiot" est lancé. Un riff tout con, des paroles engagées que l’on ne connaissait pas au songwriting de Billie Joe, plutôt habitué à parler de masturbation ou de sa femme, cette petite bombe était le digne successeur de "Basket Case", 10 ans après. Pourtant le buzz ne monte pas trop. Je me rappelle me rendre à la Fnac le jour de la sortie, ne pas trouver la galette, aller demander au vendeur, qui va me la chercher en stock. Interrogations. La demande en Green Day a baissé, personne n’a même encore réclamé le disque. Pourtant Warner ne s’y est pas trompé, puisque le sticker sur la pochette indique que pas moins de 4 singles seront diffusés... Et le second, la ballade FM "Boulevard Of Broken Dreams", lancera le raz-de-marée rouge & noir, en passant en heavy rotation sur toutes les chaînes, télés, au grand dam des fans old school voyant "leur" groupe (re)devenir un succès commercial. Les trois n’ont pas fait que se déguiser en Alkaline Trio, ils ont également versé davantage de pop dans leur punk, et le magicien Billie Joe va s’affirmer comme un songwriter de tout premier ordre à travers le périple American Idiot, aventure intérieure d’un américain moyen sur fond de pamphlet contre l’administration Bush.

"American Idiot" ouvre l’album et présente le lieu de l’action : les USA, époque actuelle. Le narrateur veut éviter de se fondre dans le moule de la consommation de masse et de la crétinisation par les médias à la botte du gouvernement. Il se présente plus en détails sur "Jesus Of Suburbia" (le Jésus de la banlieue), titre qu’il se donne lui-même. Une vie ordinaire qui l’étouffe, un petit boulot sans avenir, la métamorphose est amorcée. Musicalement on est proches du chef d’oeuvre, avec pourtant de simples outils : une poignée de power chords à la guitare servent à accompagner les différentes mélodies de ce titre aux allures de montagnes russes de 9 minutes, divisé en fait en 5 chapitres. Autant de mini-chansons qui au final n’en donnent qu’une, rythmiquement implacable avec un Tre Cool à la batterie au sommet de son art. C’est lui qui lance le titre suivant, "Holiday", où notre héros critique les actions guerrières intéressées de son gouvernement, avec une nouvelle fois un riff terriblement efficace. Sur le break, la comparaison entre Georges Bush et Adolf Hitler est même induite "Zieg heil to the president gasman". Ensuite "Boulevard Of Broken Dreams", single calibré pour les radios, offre un intermède acoustique pas forcément transcendant mais qui se fond bien au reste. Jesus of Suburbia est en fait en train de se parler à lui-même pendant qu’il remonte un boulevard, c’est le début du dédoublement de personnalité...

Le rythme reste en suspens sur "Are We The Waiting ?", où le héros semble vivre une de ces nuits agitées, seul dans la pénombre à se poser toutes les questions existentielles. De cette nuit d’interrogations naîtra son alter-ego : St.Jimmy. Un peu à la manière du duo Brad Pitt-Edward Norton, "St.Jimmy", un punk-rocker engagé va entreprendre tout ce que la nature de JOS n’a jamais osé. JOS et St.Jimmy sont donc la même personne, mais deux entités et identités différentes dans un même corps. Le morceau "St.Jimmy" est quant à lui une déferlante purement punk, aux intonations british et au rythme effréné. Une petite accalmie derrière est la bienvenue, St.Jimmy découvre la drogue durant la planante "Give Me Novocaine", alternant douceur acoustique sur les couplets, puis des refrains électriques qui font office de piqûres. Encore un titre à part, qui montre toutes les facettes jusque là insoupçonnées du combo, même si Nimrod et Warning en donnaient un aperçu, et on est loin d’avoir tout vu.

Notre héros un peu tordu du cerveau va rencontrer une fille. Il nous la présente dans "She’s A Rebel". Elle le suit dans ses nouveaux combats militants et tous les deux filent le parfait amour. C’est d’ailleurs dans cette chanson que l’on trouve la référence à la pochette de l’album, une grenade en forme de coeur sanguinolente et tenue dans un poing serré. Toujours amoureux, notre narrateur nous reparle de sa douce sur "Extraordinary Girl", avec en intro des percussions africanisantes pour un titre pop encore une fois ultra-efficace. On renoue juste derrière avec la pop/punk tubesque que Green Day maîtrise comme Rocco ses érections, sur "Letterbomb". Car sa copine le quitte, lui annonce qu’elle part, lui dit qu’il n’est pas le messie... A noter que l’album est sorti en trois éditions : la simple, celle avec les clips, et la collector avec le grand livret, en forme de journal de bord du héros schizophrène. Ainsi chaque morceau correspond à une date, et le texte de "Letterbomb" par exemple est imprimé comme une carte postale, avec le refrain griffoné à côté. Un objet absolument magnifique donnant une autre dimension à l’album. Comme elle est partie, bah il est tout triste notre héros ! Alors il va hiberner tout l’été, et il demande qu’on le réveille qu’en septembre ce fainéant ! En fait "Wake Me Up When September Ends" traite de la mort du père de Billie Joe, disparu alors qu’il n’avait que 10 ans, et qui lui a offert sa première guitare qu’il fait sans cesse reproduire depuis, la fameuse Fernandes appelée "Blue". Un nouveau single ravageur qui donnera lieu à un clip un brin démago disant en gros que "la guerre c’est mal", qui comble les nouveaux jeunes fans et fait grincer des dents les anciens.

Deuxième titre de 9 minutes, "Homecoming" est à "Jesus Of Suburbia" ce que "L’Illiade" est à "L’Odyssée". Moins pop/punk dans sa structure, le titre fait intervenir plusieurs choeurs, des marches militaires, et Tre Cool pousse même la chansonnette pendant la partie autobiographique "Rock’n’Roll Girlfriend". Un nouveau feu d’artifice qui annonce la mort de St.Jimmy et le retour de JOS chez lui. C’est finalement à l’époustouflante "Whatsername" - sur laquelle Billie Joe semble avoir volé le génie mélodique de Rivers Cuomo de Weezer - de conclure cette aventure. Notre héros se rappelle sa bien-aimée sans réussir à remettre un nom sur son visage. Il se demande ce qu’elle est devenue, avant de conclure qu’il a pu l’oublier elle, mais n’oubliera pas les moments passés ensemble dans un ultime refrain héroïque. Un titre de très haut niveau, comme le reste de l’album.

Green Day vient de livrer là son album le plus ambitieux, celui qui fait figure de pièce maîtresse, leur London Calling ou Sergent Pepper à eux. Avec American Idiot, le trio d’anciens gagmen gagne une crédibilité rock planétaire, renouant avec le succès gigantesque de Dookie. Certains fans de cette époque peuvent regretter le calibrage de quelques titres, mais en ne considérant que les faits musicaux on ne peut arriver qu’à un seul constat : American Idiot est un putain d’album indispensable dans sa discothèque, le genre que l’on se prend dans la face et que l’on redécouvre avec bonheur quelques temps après.



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Note : 19,5 / 20

Année : 2004

Durée : 57 minutes

Label : Warner Music Group / Reprise Records

Du Son : SOUND

Tracklist :

01. American Idiot
02. Jesus of suburbia
03. Holiday
04. Boulevard of broken dreams
05. Are we the waiting
06. St Jimmy
07. Give me novocaine
08. She's a rebel
09. Extraordinary girl
10. Letterbomb
11. Wake me up when september ends
12. Homecoming
13. Whatsername