Interview avec Billy Talent

Date de publication : 28 février 2007
Rencontre avec Jon, le sympathique bassiste de Billy Talent lors de leur passage à Paris avec Alexisonfire. Pour cause de balances dans l’Elysée Montmartre, l’interview se fait dans un bar à proximité, ce qui n’est pas pour me déplaire. Petite évocation de Pigalle et ses joies sur le chemin, on commande, on se pose et on enclenche le magnéto.

Vous jouez avec Alexisonfire ce soir, qui comme vous sont canadiens. Vous vous connaissez bien ?

  • Oh oui très bien. Ça fait plusieurs années déjà que nous sommes amis, qu’on se croise sur les routes ou qu’on partage des affiches avec eux, on aime bien leur musique et je pense que c’est réciproque... Enfin j’espère (rires). En plus ce sont vraiment des mecs extras, et se retrouver avec eux pour cette tournée européenne, c’est vraiment cool.

Ces dernières années la scène rock canadienne semble exploser, avec Simple Plan, Sum41, Billy Talent, Alexisonfire ou... Avril Lavigne....

  • C’est vrai. Il y avait déjà eu quelques groupes qui avaient percé à l’étranger mais en ce moment beaucoup de groupes sortent, c’est bien. La scène canadienne a vraiment beaucoup de ressources, il y a beaucoup de groupes, de salles où jouer. Vraiment, il y a de la qualité.

Tu es au courant que votre second album n’est sorti que cette semaine en France (il n’était alors disponible qu’en import) ?

  • Oui, c’est bizarre, parce qu’il est sorti il y a un petit moment déjà (ndr : exactement huit mois). Je ne sais pas trop pourquoi, mais je trouve ça cool parce que ça nous permet de revenir tourner ici.

Est-ce que ça peut expliquer pourquoi vous n’êtes pas venus en France lors de votre première tournée européenne ?

  • Peut-être. Je ne sais pas pourquoi on n’était pas venus la première fois, alors qu’on passait dans d’autres pays. On voyait des dates anglaises, allemandes, et pas de françaises au milieu. Mais maintenant on est là et on est très heureux. On a fait notre premier concert ici au Batofar (ndr : en français dans le texte), c’est comme ça qu’on dit ?

Oui. C’était la première fois que vous jouiez dans un bateau ?

  • Tout à fait. C’était vraiment cool, la salle était pleine à craquer, le public vraiment génial et l’endroit tellement spécial. C’était génial de faire notre premier show à Paris dans un endroit si particulier).

Et vous préférez jouer dans une petite salle comme le Batofar ou une plus grande comme ce soir ?

  • J’aime les deux, vraiment. Pour un premier concert le Batofar c’était vraiment parfait. Ce soir j’adore la salle également, c’est grand, le son est très bon, ça va être un super concert.

Histoire de comparer, quel genre de salles faites-vous au Canada et en Allemagne où vous êtes très populaires ?

  • Chez nous nous sommes vraiment très bien soutenus, on est vraiment gros là-bas, et on remplit des salles de 14 000-15 000 personnes. En Allemagne la dernière fois les salles faisaient à peu près 5 000 personnes il me semble.

Ah ouais quand même... Tu as l’impression que la France est un pays moins rock’n’roll ?

  • Non je ne dirais pas ça...Pour notre concert sur le bateau c’était vraiment rock, le public était très motivé. C’est sûr que les gens ici sont les plus fashion j’ai pu voir, par rapport à l’Allemagne où tout le monde joue les gros durs (rires). Mais cette fois, on fait d’autres dates que Paris... (ndr : il regarde son pass avec les dates de la tournée et essaie de prononcer Strasboug et Marseille. C’est pas gagné !).

Si vous jouez à Marseille il faut que tu ailles boire un pastis.

  • C’est quoi ? C’est alcoolisé ?

Oui, c’est une boisson jaune très populaire là-bas. Tu bois au moins ?

  • Oui oui. Là j’ai pris un café parce que je suis encore crevé avec le décalage horaire, mais je bois. J’irai essayer ce "postis".

Pourquoi avoir choisi comme titre d’album simplement "II" ?

  • On avait pensé à pas mal de noms, surtout venant de noms de chansons présentes sur le disque, mais quand l’un de nous a proposé "II", ça nous a semblé parfait. Ça montrait qu’on avait avancé, mais aussi que cet album était en quelque sorte la suite logique du premier.

Selon toi, en quoi est-il différent du premier ?

  • Musicalement il y a pas mal de points communs même si on sent une tournure plus... je dirais mélodique. On a appris à davantage se canaliser. C’est surtout au niveau des paroles et de l’état d’esprit qu’il y a du changement. Cet album reflète parfaitement qui nous sommes en ce moment.

Pourquoi avez-vous choisi de faire à nouveau appel à Gavin Brown ?

  • Gavin est un ami, ça fait longtemps qu’il nous suit. Mais son rôle pour le dernier album est vraiment infime, il avait pas mal de projets déjà en cours et n’a vraiment été que très peu impliqué.

On retrouve Chris Lord-Age aux manettes. Comment c’est passé l’enregistrement avec lui ?

  • Absolument génial ! Chris est un type adorable, qui s’est totalement investi dans nos morceaux. Il écoutait, n’arrêtait pas de dire qu’il aimait bien et n’hésitait pas à nous donner des idées pour améliorer les morceaux. Son apport a vraiment été considérable. En plus c’est le meilleur type au monde, tellement gentil. Il a même invité tout le groupe à venir manger chez lui.

Vous avez commencé à travailler sur le troisième opus ?

  • Non pas vraiment. Ian (guitare) a toujours quelques plans en réserve. Mais pour l’instant on a juste quelques trucs comme ça sur lesquels on s’amuse à jammer. Rien de bien sérieux.

Vous l’appelerez "III" le prochain ?

  • (Rires) Après tout pourquoi pas, ça serait logique !

Les riffs de Ian sont assez atypiques, quelles sont ses influences ?

  • C’est vrai il a vraiment son propre son. Il a tellement d’influences : Joe Strummer, Jane’s Addiction, Rage Against The Machine... Je pense vraiment qu’il brasse tout ça pour essayer de faire ressortir son propre style, et il y parvient je trouve.

C’est lui qui entame le processus de composition ?

  • Oui. Il compose sur sa guitare, nous montre ses idées, puis chacun vient se greffer autour de la guitare.

Justement à propos de Ian, vous avez déjà fait une interview sans qu’on vous parle de sa coupe de cheveux ?

  • (Rires) C’est vrai qu’on nous en parle très souvent....Ah ses cheveux, c’est un peu le cinquième membre du groupe (rires).

Vous avez fait une tournée américaine avec Rise Against et Thursday fin 2006, comment ça c’est passé ?

  • Vraiment bien. Ce sont deux groupes dont on aime la musique, et en plus les types sont extras. C’était un peu bizarre, parce qu’aux Etats-Unis c’est nous qui passions avant Rise Against, mais au Canada ce sont eux qui ouvraient pour nous.

Ici, ils passent dans de plus petites salles que vous ce soir...

  • (étonné) Vraiment ? Je n’aurais pas cru...

Leur discours est ouvertement politique, tandis que Billy Talent ne semble pas très impliqué alors que vous avez quelques racines punk...

  • C’est vrai, mais on considère un peu que les actions valent mieux que les paroles. C’est très bien d’avoir des groupes aussi impliqués que Rise Against ou Anti-Flag, qui sont très radicaux, mais pour notre part on préfère ne pas trop parler de politique dans nos chansons. Les sujets qu’on aborde ont plus à voir avec des sentiments personnels, des points de vue que l’on a sur le monde actuel, sans rien de trop politisé.

Vous avez quand même chosi avec "Red Flag" un titre qui passerait pour révolutionaire, mais la chanson est loin de parler de révolte...

  • Heu, en fait cette chanson parle de vivre sa vie comme on l’entend, de savoir saisir les opportunités qui se présentent. Et en fait "Red Flag" est une expression de chez nous, qui veut dire qu’on est à l’affût de quelque chose, que quelque chose attire notre attention, qu’il peut y avoir un danger.

En revanche vous êtes impliqués dans une association : Canadian Music Creators Coalition. Tu peux nous en dire plus sur ses actions ?

  • C’est une association où plusieurs artistes canadiens ont adhéré et dans laquelle on s’est retrouvés. Le but est de protéger les gens qui téléchargent de la musique des poursuites judiciaires. Pour nous, ce n’est pas un problème que des gens téléchargent nos albums, parce qu’une grande partie d’entre-eux viennent à nos concerts, et c’est ça qui fait vivre la scène.

En plus le téléchargement c’est bien pratique quand l’album sort très tard comme ici...

  • (Rires) Exactement !

Quels sont les différents modes de vie dans le groupe : vous fumez, buvez, êtes straight edge ?

  • Non, aucun de nous n’est straight edge. Certains fument et pas que des cigarettes, on boit, on aime ce genre de trucs, surtout quand on est en tournée. On est juste des gens normaux qui aimons nous amuser.

Vous êtes souvent qualifiés d’emo, tu comprends ça ? Et tu penses quoi du mouvement emo ?

  • Hum non je ne comprends pas trop qu’on nous appelle comme ça, mais c’est vrai que ça revient souvent... J’aime bien certains trucs emo, mais à la base l’emo n’a vraiment rien à voir avec ce que l’on appelle emo aujourd’hui. J’adore Dashboard Confessional par exemple, qui a vraiment des chansons géniales, mais aujourd’hui on a tendance à appeler un peu tout et n’importe quoi emo...

A vos débuts vous vous appeliez Pezz, mais vous avez dû changer parce qu’un autre groupe s’appelait comme ça. Vous savez ce qu’ils sont devenus aujourd’hui ?

  • Je crois bien qu’ils ont splitté ! Ils avaient sorti un album sur BYO mais je ne crois pas qu’ils existent encore. En tout cas au final on est très contents de notre nouveau nom.

Votre album de l’époque, "Watoosh" va être réedité. C’est votre idée ou une initiative de la maison de disques ?

  • C’est la maison de disques qui nous l’a proposé. Pas mal de gens étaient demandeurs apparemment, donc ça ne nous dérange pas, même si... Tu l’as écouté ?

Non, pas encore.

  • C’est assez bizarre. On cherche encore notre style et ça se barre un peu dans tous les sens. Il y a des trucs plus "méchant" que ce que l’on fait maintenant... C’est un premier album quoi, on entend bien qu’on ne sait pas trop où on va, ce que l’on va faire (rires).

Votre nom vient d’un film, "Hard Core Logo", et le titre de votre second album est similaire à bien des gros navets Hollywoodiens, à quel point êtes-vous influencés par le cinéma ?

  • (Rires) On l’est pas mal en effet. Ce sont surtout des scènes qui nous marquent, par exemple tu vois notre chanson "In A Perfect World", ça vient d’une sène de "The Big Lebowsky" des frères Coen, tu l’as vu ? (ndr Là je réponds que oui, et il se met à nous rejouer la sène. Loin de moi l’idée de dénigrer ses talents d’acteur, mais je n’ai absolument pas reconnu le passage...). Sinon personnellement j’adore les films avec des super-héros...

Tu suis la série "Heroes" alors ?

  • (Enthousiaste) Ouais ! C’est vraiment énorme au début, mais là c’est en train de retomber un peu j’ai l’impression, ils cassent un peu le rythme comme dans "Lost", c’est dommage. Mais je suis un énorme fan de "Lost" ! D’ailleurs il faut que je chope les prochains épisodes !

Allez un jeu de mot minable : quel est le meilleur "Jon Talent" ?

  • (Rires) Je pense que c’est de jouer de la basse.

Qui sont tes bassistes favoris ?

  • Oh je n’ai pas vraiment de bassistes fétiches. J’adore Flea des Red Hot Chili Peppers, mais en fait je n’ai jamais trop joué de chansons d’autres groupes, j’ai toujours préféré composer et esayer de trouver mon propre style.

Traditionnelle question débile de fin d’interview : la façon de bouger de Ben votre chanteur sur scène, c’est naturel ?

  • (Rires) Oui totalement. Par contre, avec lui c’est tout ou rien. Il peut être totalement à plat ou alors péter la forme.

Et dans quel état il est pour ce soir ?

  • Oh il va parfaitement bien, ça va être bon !

Merci beaucoup Jon.

  • Merci, c’était vraiment bien ! (ndr : Il parle juste de l’interview hein...)

“Un grand merci à Amaël et Jennyfer de Warner Music.”

Questions : PunkFiction Team / Interview et Traduction : Seb-O-Matic / Photos : Sabine



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