Millencolin - Home From Home

Contexte :

C’est donc deux ans après l’album Pennybridge Pioneers, que le groupe sort Home From Home, un album qui, non seulement poursuit dans la même voix plus rock, mais creuse encore le fossé entre les débuts du groupe et ce vers quoi son futur musical semble se diriger définitivement. Après l’expérience réussie et enrichissante de la production Gurewitz sur l’album précédent, Millen décide de revenir au bercail pour produire cet opus avec Lou Giordano (qui a produit les Samiam dont le groupe est fan) et non avec leur producteur des débuts, Dan Swanö, qui a laissé tomber la production de disques et dont Mathias a d’ailleurs racheté les fameux studios Sound Lab.

Chronique :

D’après Nikola "des chansons comme "Otis" ou "Lights Out" sur For Monkeys et "No Cigar" ou "Penguins & Polarbears" sur Pennybridge Pioneers montraient déjà la direction qu’allait prendre le nouvel album mais le plus grand changement c’est fait entre "For Monkeys" et "Pennybridge". En effet après un ralentissement plus mélodique, puis un virage rock au tempo encore soutenu mais abandonnant définitivement le ska et les rythmes à 100 à l’heure, voila que Millencolin abandonne le son des skate-park pour une approche moitié punky-pop, moitié rock-emo.

Bien sûr comme le dit Niko "il y aura toujours plus punk que toi" mais il reconnaît aussi volontiers que le son actuel du groupe, est bien plus proche de l’emo que de Life On A Plate. Fini le softcore, presque plus de solos de gratte (ce qui était pourtant un grand plus de Pennybridge), plus de ska (même s’il n’est pas loin sur des tunes comme "Botanic Mistress" ou "Home From Home"), des rythmes rock à quatre temps, des riffs plus lourds, une voix plus poussée qui franchit encore un palier vers un chant presque éraillé, plus puissant, plus rock, avec beaucoup de reverbe, mixé d’une façon très différente de Pennybridge et qui à la longue peut lasser ou fatiguer ("Greener grass").

Assumant son envie de diversification, le groupe n’en renie pas encore tout à fait son passé. En témoignent des morceaux comme "Fingers Crossed" (la plus punk-rock de l’album, mélodie et choeurs très bons, riff accrocheur, rythmique entraînante), "Punk Rock Rebel" inspirée par Manu Chao (qui surprend presque tant elle sonne "à l’ancienne", presque ska avec son solo omniprésent en intro et entre les couplets, passage planant original, une des meilleures !), "Home From Home" en duo avec Marten l’excellent chanteur de Bombshell Rocks, joie comme au bon vieux temps, sonne presque ska).

D’autres tunes très bonnes rappellent le regretté style de Pennybridge avec une rythmique soutenue proche du mid-tempo, pleine d’énergie et très efficace comme "Fuel To The Flame" (joyeuse et très pop/punk), "Happiness For Dogs" ou "Afghan", qui sont les deux meilleures pour moi, mélangeant les ambiances, agressives, à la mélodie superbe et où les choeurs ont vraiment la place de s’exprimer. Pour le reste, le virage Pop-Rock-Emo est consommé ("Man Or Mouse" , "Montego", "Kemp"...) et même si cela ne représente que 5 morceaux, c’est bien l’impression générale qui ressort de l’ensemble : le son de Millencolin a changé, a mûri mais est-ce que tout cela a et aura, s’ils continuent dans cette voie, encore beaucoup à voir avec le son Punk Rock ? (un peu la même interrogation qu’après No Substance de Bad Religion).

Bien sûr, on se doit d’être ouvert (certaines tunes rock sont quand même excellentes : "Battery Check", "Kemp" ou "Black Eye"), mais ce n’est pas parce que Millencolin a été un des plus influants groupes de la scène punk, qu’il a apporté beaucoup en terme de popularisation du punk rock moderne, qu’on doit tout lui céder. Cet album, courageux mais finalement trop éloigné des origines ou même du très bon Pennybridge Pioneers, se révèle moins efficace que les précédents opus et moins accrocheur que ce qui se fait actuellement dans le punk, même si c’est un des meilleurs albums rock de l’année .... paradoxe ? entre diversité et évolution musicale, pour le bonheur des plus ouverts et fans inconditionnels du groupe ou au grand désarroi des skate-punkers, l’impression est tout de même pour moi assez mitigée au final.