Dead Kennedys - Fresh Fruit For Rotting Vegetables

Publié le 25 février 2010 par Vince

Contexte :

En Angleterre, les Pistols sont morts depuis belle lurette, le Clash a viré reggae/rap/dub/funk et le mouvement punk n’en peut plus d’agoniser. Certains se laissent pousser la crête, radicalisent leur son et hurlent « punk’s not dead ! » à qui veut bien l’entendre. De l’autre côté de l’Atlantique, le mouvement, pourtant né cinq ans plus tôt à New-York, a laissé placé à la new-wave, mais sur la côte pacifique, du côté de la Californie, la révolte gronde. L’ère démocrate de Jimmy Carter touche à sa fin et on sent poindre le conservatisme d’un ancien acteur hollywoodien appelé Ronald Reagan...

Chronique :

Et ce président-là, Jello Biafra n’en veut pas. Pas plus qu’il ne veut des politiciens démocrates et de leur affairisme. Fresh Fruit For Rotting Vegetables sonne comme une incitation à l’émeute, à la sédition. La pochette du disque donne d’entrée le ton : une grosse américaine en feu, voilà qui fait désordre dans un pays qui ne se remet pas de son retour raté du bourbier vietnamien.

Et le groupe y va franco. Musicalement, c’est violent, certes, et les paroles, les titres, sont tout ce qu’il y a de plus vindicatifs. Et pour enfoncer le clou, le disque démarre avec un « Kill The Poor » de circonstance. Avec ce titre, Biafra propose en avant-première un aperçu de ce que seront les années Reagan. Mais, pas près de baisser les bras, le gars n’oublie pas un peu plus loin de réserver un sort pas très enviable à l’intelligentsia américaine avec « Let’s Lynch The Landlord », histoire de prévenir tout le monde qu’il sait ce que les français ont fait à leur noblesse en 1789. Mais Biafra et sa troupe sont surtout de gros provocateurs pleins de morgue. Quand le groupe reprend le « I Fought The Law » de Sonny Curtis (sur un autre album) il remplace le « law won » par « I won ». La bande n’a peur de rien, ni des censeurs, ni des évangélistes, ni des juges.

Pas avare de critique de son propre pays, un peu cynique sur les bords, Dead Kennedys nous gratifie même d’une version hystérique du « Viva Las Vegas » d’Elvis qui restera dans les annales.

Mais surtout, cet album reste célèbre pour deux des plus fameux morceaux du quatuor. D’abord ce « California Uber Alles » au titre on ne peut plus provocateur, qui s’en prend très clairement à Jerry Brown, le gouverneur d’alors. La voix nasillarde de Biafra perce les oreilles des mélomanes, et la composition du titre, martiale, qui monte crescendo portée par des musiciens incisifs, laisse l’impression d’avoir entendu tout, sauf une chanson calibrée pour MTV. En 1980, le punk made in USA savaient rester à la marge, plus proche du caniveau que des sunlights.

Et bien sûr, il y a ce chef-d’œuvre imparable : « Holiday In Cambodia ». Avec son riff de guitare strident et cet écho lugubre, East Bay Ray réussit à nous faire frémir et fait entrevoir un peu ce que pouvaient ressentir les villageois cambodgiens lorsque les khmers rouges du boucher Pol Pot pénétraient dans les rizières. Ça fait froid dans le dos, ça rappelle l’attaque wagnérienne des hélicos dans « Apocalypse Now », et ça confirme qu’une chanson punk, lorsqu’elle est parfaitement ciselée et qu’elle est déclamée au bon endroit au bon moment peut être incontestablement érigée au rang d’œuvre d’art.

Plusieurs dizaines d’années après sa publication, Fresh Fruit For Rotting Vegetables n’a rien perdu de sa vigueur et ressemble toujours à un mollard jaunâtre craché à la gueule de l’Amérique bien pensante.


Infos

Note : / 20

Année : 1980

Durée : 33 minutes

Labels : Alternative Tentacles Records / Faulty Products

Tracklist :

01. Kill the Poor
02. Forward to Death
03. When Ya Get Drafted
04. Let's Lynch the Landlord
05. Drug Me
06. Your Emotions
07. Chemical Warfare
08. Calfornia Über Alles
09. I Kill Children
10. Stealing People's Mail
11. Funland at the Beach
12. Ill in the Head
13. Holiday in Cambodia
14. Viva Las Vegas


Groupe associé
Dead Kennedys