[Bienvenue sur Punkfiction | Interview : Green Day]

Interview avec Green Day

Date de publication : 18 mai 2009

Conférence de presse Green Day 11-05-09

De passage à Paris pour un concert privé (lire le report) et un marathon promo, Green Day donnait le lundi 11 mai une conférence de presse devant un parterre de journalistes qui connaissait plus ou moins bien le groupe. On a donc jeté ce qu’il y avait à jeter (on vous épargne par exemple la question qui tue : « Comptez-vous venir tourner en Europe ? », alors que Bercy était d’ores et déjà complet au moment de la conf’...) pour vous livrer un compte-rendu de ce point presse auquel nous avons assisté.
En espérant pouvoir un jour avoir la chance de proposer une interview de l’un des groupes de ("punk") rock les plus importants de sa génération. Bonne lecture !


Est-ce que 21st Century Breakdown est la suite d’American Idiot, la seconde partie, la revanche, quelque chose comme ça ?...

  • Billie Joe Armstrong (chanteur-guitariste) : Non, je pense que nous étions allés dans une nouvelle direction avec American Idiot. Nous étions inspirés, nous cherchions à continuer d’avancer artistiquement, d’explorer des territoires musicaux plus profonds, jouer davantage avec les dynamiques, des trucs comme ça.

Sur cet album vous avez travaillé avec Butch Vig. C’est la première fois que vous ne collaborez pas avec Rob Cavallo. Pourquoi ?

  • BJ : Rob partait dans une autre direction, et je pense que nous avons travaillé avec la même personne depuis si longtemps qu’on se disait un peu : "On se fait vieux, il faut qu’on travaille avec d’autres personnes". Nous avions pensé à Linda Perry, et nous en avions parlé un peu avec elle, pour aller dans une direction complètement différente. Elle était vraiment cool, mais elle n’était pas la personne adaptée au projet (ndr : tu m’étonnes, elle a été productrice de Christina Aguilera, Britney Spears, James Blunt ou Kelly Osbourne).
    On savait que Butch était capable de réaliser un bon album. Il semblait être la seule personne qui n’était pas intimidé par le challenge, surtout après le succès du dernier album. On s’est tous rencontrés, et alors que toutes nos idées s’éparpillaient vers plein de directions, il nous a aidés à développer nos idées, il a apporté de la classe. C’est un mec vraiment super, et je pense qu’il nous a permis d’avoir le son le plus brillant que l’on ait jamais eu.

C’est la seconde fois que vous travaillez sur un concept album. American Idiot en était un, et celui-ci aussi avec ses trois actes. Pouvez-vous expliquer de quoi il parle ?

  • BJ : L’été dernier, j’étais en train d’écrire les paroles, et personne n’avait aucune idée de ce dont je parlais dans les chansons. Je veux dire, ces deux gars ne le savaient pas (ndr : en désignant Mike Dirnt et Tré Cool) (rires). Je me suis assis avec les paroles et leur ai lu. Il y avait beaucoup de chansons, mais toutes étaient tellement bonnes que nous ne voulions en mettre aucune de côté. On a commencé à trouver des sujets communs dans les paroles. L’un était "Heroes & Cons", puis "Charlatans & Saints" et "Horseshoes & Handgrenades". Cela nous donnait un thème créatif différent pour ces chansons particulières dans chaque section. Et je pense que c’était un moyen très créatif, plutôt que d’avoir "morceau 1", "morceau 2", quelque chose comme ça. On pouvait caser cela en 3 actes et en quelque sorte, quand on a un disque qui ressemble à ça (ndr : il forme un rond avec ses mains pour désigner l’aspect d’un disque) il faut être aussi créatif que possible.

Beaucoup de fans se demandent pourquoi est-ce que cela a pris autant de temps ?

  • Tré Cool (batteur) : Avec American Idiot nous avons été en tournée pendant environ 2 ans, et après ça nous sommes rentrés à la maison, on a recommencé à avoir une vie, sortir avec nos amis et nos familles. Mais aussi retourner en studio, écrire des chansons et jammer ensemble, des trucs comme ça. On voulait faire un album ambitieux, le meilleur de notre carrière, donc nous avons pris notre temps.

Et à propos de l’album de Foxboro Hot Tubs (ndr : side-project garage avec le même line-up que Green Day), est-ce que c’était pour vous reposer avant le travail sur le nouvel album de Green Day ?

  • Mike Dirnt (bassiste) : Durant le processus d’écriture, on aime être ensemble et juste jouer pour nous amuser. On était ensemble et on a bu pas mal de vin un soir. On a écrit quelques chansons plutôt garage et british, on s’est bien marré à faire ça. On n’en attendait rien à part nous amuser. Je pense que c’est bien d’avoir fait ça entre les deux, ça fait des sortes de vacances, puis on est retourné au travail pour 21st Century Breakdown.

L’album précédent était un opéra-rock, vous avez décrit celui-ci comme de la power pop. Pouvez-vous expliquer ?

  • BJ : J’ai utilisé ce terme parce que, je ne sais pas, je crois que les différentes influences d’où peuvent provenir la power pop sont des vieux groupes comme peut-être The Creation, The Who, The Cheap Trick, The Germs, The Undertones ou même les Ramones, Husker Dü... C’est comme essayer d’emmener tout ça dans une nouvelle direction, en faire quelque chose de frais avec des arrangements dans les chansons qui explorent différents territoires, des sonorités imprévisibles. Mais de faire tout ça avec la lourdeur des guitares et des percussions, c’est de là que vient le terme "power".

Quelle est votre relation avec le public français ?

  • BJ : Nous venons ici depuis 1994...
  • Mike : Oui. Nous ne sommes jamais restés ici suffisamment longtemps. En fait je suis venu ici en vacances et j’ai passé pas mal de temps à Paris il y a un an et demi, c’était très sympa. J’ai probablement dû marcher 500 miles, ce qui n’est rien comparé aux 5 miles que j’ai marchés hier (rires). Mais il n’y a pas de meilleur endroit au monde pour se perdre que la France.
  • Tré Cool : Ou on peut se perdre dans une bouteille de vin français, c’est bien aussi (rires).

Quel regard portez-vous sur le 21ème siècle ? Est-ce qu’il est pessimiste ?

  • Tré Cool : Il y a une lueur l’espoir, c’est sûr. Nous vivons des temps un peu dingues, il y a des tragédies et des crises tous les jours à travers le monde, et on regarde en avant, vers un meilleur futur. On essaie de faire abstraction de toutes ces conneries chaque jour.

Avec l’album d’avant, vous avez élargi votre public à une audience plus adolescente. Est-ce que c’est quelque chose de bien pour vous, d’être devenus des stars adolescentes ? (ndr : "teen idol" dans la question, à noter que les Green Day sont très amusés par l’accent un peu hasardeux des journalistes français)

  • BJ : Est-ce que c’est drôle d’être une star ado ?
  • Tré Cool : Elle pense que nous sommes des adolescents (rires).
  • Mike : Je me suis toujours vu comme une star ado, même quand j’étais adolescent (rires).
  • BJ : C’est génial de voir de nouvelles générations de jeunes gens qui viennent aux concerts. C’est très intéressant de voir que certains fans, qui viennent depuis Dookie, ont grandi et ont maintenant des enfants qu’ils emmènent en concert. Il y a ce couple qui avait amené son bébé à un concert en 1994, et maintenant cet enfant vient avec ses parents en concert.

Pour en revenir à la musique, cet album est très proche du précédent, mais certaines chansons, comme "Peacemaker" ou "Viva la Gloria (little girl)", avec un côté plus acoustique, rappellent un peu Warning. Est-ce que c’est quelque chose que vous vouliez apporter à cet album ?

  • Mike : Je pense que cet album est probablement le plus influencé par notre passé, plus que tous nos autres disques. On peut le voir si on regarde nos autres albums, on va y retrouver des similitudes, des trucs acoustiques, des arrangements de corde de nos albums précédents. On peut voir l’évolution, mais jusqu’ici cet album est l’album de Green Day le plus influencé par Green Day.

Comment décririez-vous les trois parties de l’album ? En terme d’influences et de styles ?

  • BJ : Je crois que musicalement, le premier acte part dans quelque chose de power rock puis dans quelque chose de plus diabolique, et finalement quelque chose de doux. Le suivant, "Charlatans & Saints", part plus dans quelque chose comme dans la chanson dont nous parlions juste avant, "Peacemaker". Il y a une influence du Moyen-Orient, quelque chose comme ça, il y a plus de diversité. Le troisième, c’est en quelque sorte dans celui-ci que la power pop prend forme, que ça sonne comme du pur Green Day.

Est-ce que vous avez ressenti de la pression pour cet album, en raison notamment du succès d’American Idiot ?

  • BJ : Oui il y a bien sûr une certaine pression, c’est indéniable. La seule chose à faire est de l’utiliser de façon positive, ce qui idéalement pourra te rendre encore meilleur qu’avant. Cela dépend de ce que tu vas en faire, mais le mieux à faire est de ne pas chercher à l’occulter.

American Idiot avait été écrit au milieu de l’ère Bush, celui-ci à sa fin, puis au début de l’ère Obama. Est-ce que ça a eu une influence sur votre moral ?

  • BJ : Je pense que nous essayons juste de trouver un sens au chaos qu’il y a avec toutes les différentes crises chaque semaine. Vous savez, il y a... celle-là, la grippe (ndr : il tousse). Désolé je vais mettre un masque. (rires)
  • Mike : Des catastrophes naturelles, des guerres...
  • BJ : Oui on est encore concerné par deux guerres. Pour moi, il faut trouver du sens à tous ces trucs, trouver du sens au chaos. C’est comme ça que tu découvres ta personnalité et comment affronter tout ça.

Tré Cool, tu as déclaré que si la discographie de Green Day était un musée, alors American Idiot en était le chef-d’œuvre. Quelle serait la place de 21st Century Breakdown ?

  • Tré Cool : On peut avoir plus d’un chef-d’œuvre (rires). Je suis allé au musée de Dali et il y avait au moins 5 chefs-d’œuvres, plus grands que ça (ndr : il désigne la grande affiche aux couleurs de 21st Century Breakdown derrière eux). Je pense que cet album serait juste à côté. Sur le mur des merveilles.

A quoi devons-nous nous attendre pour les concerts ? Comment vont être réparties les anciennes et les nouvelles chansons ?

  • Mike : Je pense qu’élaborer la set list va être très difficile. A chaque nouvel album c’est quelque chose de délicat. On adore les chansons de Dookie, on adore les chansons d’Insomniac et Nimrod, donc nous voulons jouer toutes ces chansons aussi, mais nous voulons aussi présenter 21st Century Breakdown dans les meilleures conditions possibles. Alors des fois, pour des occasions spéciales, on trouve une jolie salle et on le joue du début à la fin. Mais la plupart du temps on essaie de tout faire. Parce qu’on aime toutes nos chansons.

Et vous arrivez à rendre tout ça cohérent ? Les nouvelles chansons sont power pop, avant c’était une autre forme de pop, et encore avant c’était davantage punk...

  • Tré Cool : Tout est du Green Day en tout cas.
  • BJ : Oui c’est du Green Day. Elles vont bien ensemble. On a joué à Cologne la nuit dernière, on a joué beaucoup de vieilles chansons et on a joué des nouvelles et ça le faisait plutôt bien. Les gens dansaient, donc c’est plutôt bon signe !

American Idiot va être adapté en comédie musicale. Pouvez-vous nous en parler, est-ce que l’on pourra voir ce spectacle en France un jour ?

  • BJ : Nous avons été approchés par Michael Mayer, qui a fait Spring Awakening. Cela nous a étonnés, parce qu’on trouvait que c’était l’idée la plus dingue qui soit, mais on s’est aussi dit que ça pourrait marcher. On lui a dit de foncer, de trouver des acteurs et des chanteurs, et que l’on viendrait vérifier si tout cela collait bien. Nous sommes allés à New-York pour regarder ça, et on a trouvé le spectacle brillant. Ce qu’ils faisaient n’était aucunement conventionnel dans la manière de réaliser un spectacle de music-hall. Cela n’avait pas l’air vieux comme Cats ou quelque chose comme ça, c’était sexuel, dangereux, sans intermèdes, ça fonçait, c’était puissant, c’était fou ! Ils ont eu de bonnes idées, donc ça va commencer au Théâtre de Berkeley, et on verra ce qui peut se passer après ça.

Qu’est-ce que le punk rock pour vous aujourd’hui ? Vous-mêmes vous vous tournez vers de la power pop...

  • Mike : La scène d’où nous venons était très diverse. Il y avait beaucoup de différences. Il y a tellement de définitions différentes du punk-rock... Les groupes avec qui nous avons grandi étaient très ambitieux, il suffit de regarder un groupe comme Fugazi, ou les Dead kennedys, ou Operation Ivy. Ou tous ces groupes locaux que je ne peux pas nommer, ils étaient tous ambitieux et cool. Certains d’entre eux étaient marrants, d’autres très impliqués politiquement, beaucoup de choses différentes. Nous n’avons jamais pensé qu’il y avait une limite à ce que nous faisions. Nous avons toujours voulu être sans limite et ambitieux, et c’est de là que nous venons. Et on y sera toujours.

Après ces deux albums conceptuels, qu’est-ce que vous aimeriez faire maintenant ?

  • BJ : Je ne sais pas.
  • Tré Cool : Nous amuser.
  • BJ : Oui juste nous amuser et partir en tournée avec cet album. Et... Je ne sais pas, pourquoi tu me mets autant la pression ?

Désolé, vous pouvez faire tout ce que vous voulez.

  • BJ : Merci, c’est ce que je veux entendre. C’est une bonne réponse (rires). Je ne sais pas, je veux juste partir en tournée avec cet album. En fait j’aimerais que l’on parvienne à mélanger tout ça, que l’on joue dans de grandes salles mais aussi dans des endroits plus petits, plus intimistes. Et juste prendre du bon temps, boire des coups, et que tout le monde chante ensemble...

Pourquoi avoir choisi les noms de Christian et Gloria comme personnages ? Est-ce que ça a à voir avec la religion ?

  • BJ : Je pense que quelque part j’avais un espèce de fétichisme religieux derrière la tête. Je ne sais pas trop pourquoi. Il y avait juste deux personnages, et j’ai écrit leurs noms en pensant à ce qu’ils pouvaient représenter. Il y a Gloria, qui selon moi est le personnage principal de l’album. C’est quelqu’un qui va porter le flambeau, elle va tout faire pour défendre ce en quoi elle croit. C’est une attitude très punk-rock, elle a un sens de la rebellion. Christian, d’un autre autre côté, est quelqu’un de nihiliste et auto-destructeur, c’est un peu l’autre côté de l’album. Il n’y a pas d’histoires linéaires entre ces deux-là, beaucoup de personnes pensent qu’ils sont liés de façon romantique, mais ils pourraient très bien n’être même pas deux personnes différentes. Il pourrait s’agir d’une même personne avec deux personnalités.

Est-ce que la chanson "Last Night On Earth" est dédicacée à ta petite amie, ou ta femme ?

  • BJ : Heu... oui.
  • Mike : Aux deux. A sa petite amie et à sa femme (rires).

La chanson "Last Night On Earth" sonne assez Beatles, vous aviez repris la chanson "Working Class Hero" de John Lennon : comment définiriez-vous l’influence des Beatles sur votre musique ? Et quel est votre Beatles favori ?

  • BJ : Ringo.
  • Mike : George.
  • BJ : Les Beatles ont toujours été une influence. J’ai grandi avec eux. Ils ont été en quelque sorte nos professeurs pour de nombreuses choses. J’aime le sens de la mélodie de McCartney, et la sincérité de John Lennon. Ils ont toujours été une influence pour nous.
  • Tré Cool : Pete Best ! (batteur avant Ringo Star, ndr) (rires)

Billie Joe, tu as toujours aimé les ballades, comme "Times Of Your Life" ou "Wake Me Up When The September Ends", est-ce que c’est quelque chose que tu as essayé de mettre de côté pour cet album ?

  • BJ : De mettre ça de côté ?

D’en mettre moins ?

  • BJ : Ah d’en mettre moins ! Je ne sais pas, il y a des chansons comme "Last Night On Earth" ou "Restless Heart Syndrome", "21 Guns". Je veux dire, j’ai appris à jouer moi-même du piano, pour changer un petit peu ma façon d’écrire. Il y a toujours des moments de tendresse sur cet album.
  • Tré Cool : Je pense que beaucoup de briquets vont s’allumer sur ces chansons (rires)...


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