Loved Ones (The) - Distractions EP

Contexte :

C’est désormais à quatre que The Loved Ones évolue. Depuis le départ de "Spider" Cotterman et l’arrivée de deux ex-The Explosion, le groupe a pas mal changé, a connu un gros succès et pourrait bien entendre résonner de plus en plus fort les sirènes du mainstream. Cet EP sort un an après un album controversé, Build & Burn, à qui on a pas mal reproché d’en faire trop, de délaisser ce qui avait fait de Keep Your Heart un des meilleurs albums pop punk de la décennie en 2006. Cet EP vient un peu clôturer les comptes (toujours pas réglés) entre partisans des débuts du groupe et ceux qui acclament son évolution plus rock.

Chronique :

Avant même d’avoir un avis sur ce que contient le disque beaucoup affirmeront qu’une telle sortie n’a que peu d’utilité. Et ils n’auront pas vraiment tort. L’opportunisme et la volonté de ne pas laisser retomber le soufflet, semblent un peu (beaucoup) derrière la démarche de cet EP. Ressortir de vieux morceaux des sessions des deux derniers albums et communiquer sur une cover du Boss, évidemment c’est vendeur.

Pour autant The Loved Ones ne doit pas tout à la hype. Son succès, construit sur l’énorme album Keep Your Heart, relève aussi beaucoup d’un énorme talent mélodique.
Alors pourquoi ressortir des tiroirs des titres qui a l’époque n’avaient pas été jugés assez bons ? Parce qu’on peut se tromper mon bon monsieur ! "Distracted" en entrée de disque met ainsi tout le monde d’accord. Idem pour "Last Call", plus atypique avec cet écho sur la voix pendant le refrain. Deux morceaux bien punchy qui utilisent un clavier et/ou un piano, plutôt discrets et utilisés à bon escient, sans pour autant atteindre le degré de sur-raffinement rock souhaité pour Buil & Burn (et c’est heureux !).

Un peu à mi-chemin donc entre les aspirations récentes du groupe et la voie plus directe empreintée à ses débuts, ces trois morceaux originaux font office de charnière dans l’évolution de The Loved Ones. C’est tout de même avec délice qu’on retrouve la fougue pop punk du trio originel sur le morceau "Spy Diddley" enregistré lors des sessions de Keep Your Heart.
C’est toujours aussi classieux, ça n’a rien de mièvre, le background punk et folk du groupe reste toujours perceptible dans les intonations et dans les mélodies. Tout ça rentre en tête comme si les refrains du groupe étaient moulés sur mesure pour nos oreilles.

Mais le point d’orgue de ce disque de 16 minutes est pour moi la reprise de "Johnny 99" de Bruce Springsteen. Dave Hause raconte dans le livret s’être assis avec une guitare et une bouteille de whisky un soir après une journée d’enregistrement au Salad Days Studio de Brian McTernan, et avoir enregistré cette reprise sur un coup de tête. Le résultat est éminemment spontané, brut et foutrement émouvant. Le texte original sur les travailleurs pauvres aux Etats-Unis dans les années 80 n’y est évidemment pas pour rien (et toujours d’actualité), la mélodie du Boss non plus, mais la voix de Dave y est plus authentique que jamais et file des frissons.
La reprise de Billy Bragg, enregistrée pendant les sessions de B&B, est elle, plus quelconque ; tandis que l’hommage à Joe Strummer sur le titre culte "Coma Girl", même s’il est de bonne facture, n’égale pas son illustre prédécesseur.

Un disque, comme toujours avec ce groupe très agréable à l’écoute et pour le coup pas si accessoire qu’il n’y paraît de prime abord. Un chaînon manquant dans la carrière de The Loved Ones qu’on se repasse plusieurs fois avec délectation et qui se révèle plutôt intéressant. Il rappelle pourtant aussi que le groupe a pris depuis une direction plus périlleuse mais sans doute plus porteuse que l’humble pop punk des débuts... Souhaitons que ce tri des fonds de tiroirs ne signe pas la fin de la collaboration entre le groupe et Fat Wreck Chords. Etre happé par l’industrie du disques est sans doute ce qui pourrait arriver de pire au groupe de Dave Hause...