Tiger Army - Music From Regions Beyond

Contexte

Music From Regions Beyond est le quatrième album de la bande à Nick 13. Il fait suite à III : Ghost Tigers Rise, sorti trois ans auparavant. Le trio est resté fidèle à Hellcat Records, le label de Tim Armstrong, lui et le frontman de Tiger Army étant amis de longue date. La galette obtiendra un franc succès, commercialement parlant, et permettra à Nick 13 (car le line-up change incessamment autour de lui) d’augmenter encore un peu plus son aura sur la scène internationale. On retrouve sur cet album Jeff Robredo à la contrebasse et James Meza derrière les fûts pour accompagner le charismatique frontman.

Chronique

Tiger Army s’éloigne donc nettement du heavy-psychobilly (comprenez ici un mélange de punk et de psycho) de ses débuts sur cet album. En effet, Music From Regions Beyond poursuit dans la droite ligne de III : Ghost Tigers Rise, arpentant non sans danger les pentes escarpées de la complainte langoureuse et mélancolique. Un album dans la continuité en somme.

Pourtant, après la traditionnelle intro chère à notre ami Nick 13, le groupe envoie un bon psycho punk assez rapide, aux chœurs énergiques avec même quelques cris gutturaux en fin de morceau (« Hotprowl »). On espère alors que la passade mélo du trio est terminée, qu’il va envoyer la sauce comme au bon vieux temps. Peine perdue. Tiger Army enchaîne ensuite avec des morceaux beaucoup plus mélodiques, au rythme posé et au chant incroyablement juste et… beau ! Merde, c’est vrai ça. Il faut bien l’avouer. Ce gars possède vraiment une superbe voix, donnant la chair de poule. Même si parfois les effets sont un peu trop présents, la voix de Nick 13 nous emporte dans une autre dimension. Un chant d’ailleurs parfaitement mis en valeur par des mélodies doucereuses mais enivrantes, le tout souligné par une production au poil.

« Forever Fades Away » ou « Ghosts Of Memory » révéleront sans difficulté le côté le plus romantique des plus durs d’entre vous. Des titres fins et plutôt tristes, emplis de mélancolie. Des morceaux difficiles à assumer pour de virils punk rockers buveurs de bière. Point de cris, de riffs acérés, de passages violents sur cet opus. Pourtant, il faut bien le reconnaître, on ne s’ennuie pas à l’écoute de ce début d’album. Mieux, la musique du trio nous emporte gentiment dans nos rêves. Une galette qu’on n’appréhendera pas de la même manière que le dernier Verse, c’est sûr, mais qui propose cependant son lot d’émotions, tout en mélodies bien ficelées et en refrains entraînants. Si Nick 13 s’était légèrement cassé les dents sur le précédent effort, il revient donc ici avec beaucoup plus de réussite.

Un bon début d’album, comprenant de belles ballades plus ou moins psycho, plus ou moins punk et plus ou moins prenante. Mais, alors que les titres défilaient au doux rythme de la contrebasse ronronnante, le trio change radicalement de style sur « As The Cold Rain Falls », le huitième morceau. En voulant rompre une certaine monotonie dont on voyait poindre le bout du nez, Tiger Army s’embourbe dans une new wave fade, emmiellée, peu inspirée. Un titre terriblement mou du genou où synthétiseur et mélodies guimauves s’allient pour un résultat quasi insupportable. Ce n’est pas « Hechizo de Amor » avec son chant mièvre et sirupeux en espagnol qui arrangeront les choses… Heureusement, « Spring Forward » et la très bonne « Where The Moss Slowly Grows » aux relents folk redressent la barre sur cette fin d’album en demi-teinte.

Deux morceaux (sur onze) qui plombent donc un peu l’ensemble. Dommage, car Nick 13 montre de belles capacités de song writing sur la majeure partie de cette galette et prouve une nouvelle fois ses talents vocaux. Espérons que le groupe s’énerve davantage à l’avenir et ne s’enfonce pas plus dans une cold wave insipide.

Music From Regions Beyond s’avère finalement idéal pour un premier rencard lors duquel vous pourrez expliquer avec conviction « qu’il ne faut pas s’arrêter aux préjugés, que les rockeux ne sont pas qu’une bande de bourrins insensibles et qu’ils savent aussi faire des chansons d’amour ». Ce n’est que le lendemain (si tout se passe bien) que vous passerez votre collection de Sick Of It All, en expliquant toutes les valeurs se rattachant à cette musique…