Justin(e) -
Accident Numéro 7
Date de publication : 10 décembre 2008 par Seb-O-Matic
Contexte :
Second album pour cette petite coquine de Justin(e). On ne sait pas ce qu’elle avale, mais en tout cas ça la bonifie ! Ses formes se sont affirmées et sa nouvelle parure est encore plus excitante qu’avant. Et cette excitation n’est pas prête de retomber, tant Accident Numéro 7 est une invitation au priapisme auditif.
Chronique :
Avant de se délecter ce cette petite bombe de punk rock français, il faudra passer outre une pochette horriblement kitch rendant hommage (ou pas) à l’opticien Joe Dassin. Mais on ne le dira jamais assez, un CD c’est un peu comme une fille : au début on est attiré par l’aspect extérieur, mais c’est bien ce qu’il y a à l’intérieur qui permettra d’établir une relation de longue durée. Et pour le coup Justin(e) risque bien se s’inviter très longtemps sur les platines, et ce en toutes circonstances : dîner aux chandelles, enterrements de hamster ou jeu de la biscotte…
Le line-up a été modifié depuis le prometteur Du Pareil Au Même. Le bassiste Mr. Jack est parti essayer d’amener Noël au village Halloween, du coup c’est la crête de Fab qui quitte la place de dauphin à la guitare pour devenir leader à la basse. Et à quelle place est-on quand on double le deuxième ? Hein ? hein ?
Un membre en moins, mais la musique et l’inspiration des BN (Beaugosses Nantais) n’en sont pas pour autant amputées, bien au contraire. Les lignes de basse sont pharaoniques, si tant est que cela veuille dire quelque chose, et les titres toujours très rapides sont ultra-efficaces en n’étant jamais simples ou simplistes du moins.
L’éponyme "Accident Numéro 7" vient annoncer la couleur avec une fougue musicale répondant à une prose déjà au top. Lutte des classes et rigidité de la société, deux thèmes récurrents dans l’écriture du chanteur Alexandre et qui sont ici parfaitement amenés : "Première police, premier état, voilà ton sexe, voilà ton âge, ta classe, ta race, duels à l’hommage / (...) / Finiras-tu en première ligne ou tranquille dans un beau quartier ? / Finiras-tu petit Staline ou porteur de centralité ?". Dans toutes ces lettres formant des mots formant des phrases faisant des chansons faisant un album, on retrouvera au détour d’une référence choisie, et moyennant quelques virgules, certains protagonistes connus comme ce fameux "fils de pauvre", qui a forcément un paquet de choses à exprimer.
La voix de Justin(e) a mué. Son débit est toujours aussi impressionnant, mais son grain est plus délectable qu’auparavant et donne toute sa personnalité à la donzelle. Son journal intime est bien agréable à lire. Certains parleront à raison de l’une des plus belles plumes du punk français, mais on a beau l’affirmer encore et encore, même en lisant le livret en même temps, il n’y a guère que l’auteur qui soit capable de comprendre toutes les paroles du début à la fin, tant les références, private jokes et métaphores pullulent. On imagine la tête des lycéens si leur épreuve de bac en français consistait en une analyse du texte de "Hors Sujet".
Morceau choisi : "Arnaque, hasard, classe, événement, quiconque toujours en pomme de terre / Toi tu t’appelles barquette de LU, muscadélectrique c’est plus cher / Olar, Fus, Alar, Jus et Djar, tronch’à cul dans le sandwich triangle / 3,4,5, Jean-Luc, guidon, accroché par la..."
Vous avez deux heures…
Artaud avait beau dire que "la langue, c’est dégueulasse", on lui préférera Céline pour qualifier la prose de Justin€ de "dégueulasse d’élégance", dans le très bon sens du terme bien sûr.
Heureusement les faux bretons ont pensé à tout le monde, en consacrant une autre partie de leurs écrits au football. Vibrant hommage au Arrigo Sacchi offensif qu’est "Jean-Claude Suadeau", entraîneur du champion de France nantais de la saison 96-97 (1 défaite en 38 matches), à la grande époque des Loko-Pedros-Ouedec-Ferri-Karembeu-N’Doram et tout ça. Une touche de balle, de la fluidité, le jeu à la nantaise pourrait également définir la musique de Justin(e). Et si le titre devenait le "You’ll Never Walk Alone " de la Beaujoire ?
De football il est encore question sur l’exceptionnelle "Affreux, Sales & Méchants", avec une voix parfaitement posée rendant hommage au fantasque anglais Chris Waddle qui fit tant rêver l’OM, ou à l’ange blond Tony Vairelles, idole lensoise de la race de ceux qui auraient pu mourir pour leurs couleurs. Espèce en voie de disparition.
Ce titre fait partie des hits potentiels dont regorge Accident Numéro 7, comme la bombe "Festen", la déferlante "Infaillible" aux chœurs enivrants ou la perle "Vie De Merde" référence à l’excellent site Internet du même nom. Un début à l’accordéon, un featuring de Batbat de Diego Pallavas, et encore un titre qui mériterait amplement d’inonder les ondes radios si seulement les radios rock françaises se découvraient la faculté de se sortir les doigts du cul.
Car le potentiel du punk rock français actuel n’est plus à prouver, et Justin(e) s’échappe de la masse et d’une place de challenger pour s’affirmer comme l’une des valeurs sûres à l’avenir radieux assuré avec ce second album. Ces titres tubesques à souhait répondent à la virulence d’autres comme "Circulez" ou "Che Vuoi ?", morceau rendant hommage au frère méconnu de Guevara. La production signée Neb Xort, clavier du groupe (préféré de Nicole Richie), Anorexia Nervosa, est absolument impeccable. Elle permet aux influences ricaines du groupe de partouzer allégrement avec les éléments français apportés aux compositions. La clairvoyance des Zabriskie Point répond à la fougue des riffs NoFXiens, comme sur les supersoniques "Plus De Cerveau / Plus d’Estomac" et "Des Ciseaux Et Une Photocopieuse". On guette un moment de faiblesse, de relâchement, mais comme dans les meilleurs films il n’arrive jamais. Chaque chanson est un climax final, et en guise de résolution on se délecte des "Quand le dernier des comédiens aura filmé sa propre mort / Peut-être pourra-t-on enfin renvoyer les dieux dans leurs cimetières" clamés sur "De l’Indirect & Des Maux d’Ordre".
Du début à la fin Justin(e) aura comblé son auditoire. Dans tous les états, toutes les positions. Enervée ou optimiste, révoltée ou rassasiée, elle est à couper le souffle. Et celui-ci à peine retrouvé, on en redemande. Jusqu’au bout de la nuit et de bien d’autres journées. Et mis de côté le romantisme, le désir et le sentiment, on ne peut que s’incliner devant tant de talent.
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