Thrice - The Alchemy Index : Vols. III & IV - Air & Earth

Date de publication : 8 septembre 2008 par Punkachu

Contexte :

Avec le recul, le premier volume composé du dyptique Fire & Water, avait largement contenté les attentes. Pas forcément celles des oldschool fans, pas forcément non plus celles du public conquis par Vheissu, pas forcément là où on l’attendait, le groupe, avec tout le génie musical dont on le sait capable, avait fait forte impression. La deuxième partie du projet Alchemy Index était donc attendue avec ferveur et les six mois séparant les deux sorties via Vagrant Records parurent bien longs ! Peu de temps avant, en mars 2008, le groupe sortait le single de « Come All You Weary », plutôt remarqué et contenant également une superbe version acoustique de « The Whaler » ainsi qu’un remix de l’étonnante « Digital Sea » par le guitariste de The Dillinger Escape Plan, Ben Weinman.

Chronique :

Suite et fin de ce que l’on pourrait appeler le « Cycle des Eléments », appellation de roman S-F, qui colle plutôt bien au travail effectué sur ce thème classique par le groupe d’Orange County, tant on y ressent les influences philosophiques et littéraires à chaque mot, à chaque note. Quelques chose de la musique classique aussi, de l’essence même de la musique, de celle qui parle à l’âme en ce qu’elle a de viscéral et de propre à l’espèce humaine.

Ecouter à la suite les quatre volumes de The Alchemy Index est une vraie expérience pour tout mélomane, un aboutissement musical dont on se demande bien quelle pourrait en être la suite artistique… Là où Fire & Water magnifiaient leur élément respectif, parvenaient à faire ressortir musicalement le feu et l’eau autour d’une variation en six titres, Air & Earth peinent quelque peu à concrétiser deux éléments moins saisissables, moins antinomiques aussi (ce qui en fait un disque plus accessible). Ce deuxième double-EP s’attache ainsi plus au symbolique. A l’aspect éthéré, abstrait, impalpable presque divin de l’air, tandis que pour la terre c’est plus surprenant. Une vision plus prosaïque, moins mythologique qu’en Europe sans doute, plus terroir, attachée aux racines, à la condition humaine qui sont le propre de la terre, avec principalement une sonorité folk pas forcément ce qu’on aurait pu attendre pour illustrer musicalement le thème du 4ème élément.

Air commence ainsi sur le monument « Broken Lungs » et l’auditeur est d’emblée happé par la voix de Dustin Kensrue tout en retenue, soufflant le chaud et le froid, du chant susurré à la rage en fin de titre, l’intensité atteint le firmament dès ce premier morceau. Les arrangements eux, sont plus aériens que jamais, mâtinés de fugaces notes de guitares ou de xylophone, les rythmes alternent violemment tension et souplesse. L’auditeur est poussé vers des sommets sans pouvoir s’y maintenir, tel Sisyphe sur sa montagne. La thématique de l’Air, de la conquête d’une condition supérieure, est parfaitement illustrée. Il s’agit sans doute du titre de cet EP le plus facile à appréhender pour le fan de Thrice période Vheissu.

« The Sky Is Falling » est elle, beaucoup moins classique et surprend essentiellement par sa rythmique syncopée, Riley Breckenridge semble voler sur sa batterie, le débit du chant est élevé, Kensrue fait merveille sur les refrains avec un chant plus aigu qu’à l’accoutumée (la référence sur ce morceau aux évènements du 11 septembre est à peine voilée).
« A Song For Milly Michaelson » fait alors tout a fait contraste, notamment au niveau tempo. Beaucoup de gravité dans ce morceau rappelant largement Smashing Pumpkins et inspiré du film The Boy Who Could Fly, rencontre d’une fillette et d’un autiste orphelin…

Suit « Deadalus », la chanson phare de The Alchemy Index Vol. III & IV, la plus longue, la révélation dès la première écoute, la plus symbolique peut-être (référence à Icare qui s’évade du Labyrinthe avec ses ailes de cire avant de mourir pour avoir voulu trop s’approcher du Soleil), le point d’orgue d’un EP qui perd ensuite légèrement en densité alors que le crescendo des durées de morceaux avait jusque là conditionné l’adhésion de l’auditeur. « As The Crow Flies » fait ainsi figure de vague interlude, comme une aube sur un paysage dévasté, avant « Silver Wings » qui reprend la mélodie de « Digital Sea » dans une clé différente.

Évidemment à côté, Earth pourrait paraître plus quelconque, plus ‘facile’, mais il n’est surement pas moins bon dans son style, même s’il dénote face à la furie de Fire, à l’étonnant Water et à Air, sans doute l’EP le plus abouti musicalement dans sa globalité.
Le folk rock, les mélodies pleines d’amertume et de mélancolie, tout cela Kensrue et Teranishi maîtrisent parfaitement depuis les aventures solo de l’un et le side-project Black Unicorn de l’autre (« Moving Mountains »). Le son est d’emblée plus organique, plus épuré, Thrice plus proche que jamais de son auditeur, mais plus éloigné aussi de sa vraie nature. La voix de Kensrue est fabuleuse sur « I’m Digging My Own Grave » on croirait y entendre Denali au masculin. L’intensité n’est pas absente grâce à « The Earth Isn’t Humming », reprise de Frodus, groupe post-hardcore de Washington. Dans un tout autre style la valse macabre au piano « The Lion And The Wolf » prend vraiment aux tripes avant le tube du disque, « Come All You Weary », taillé de façon plus évidente que les autres pour promouvoir l’album (notamment via clip et single).

The Alchemy Index est tellement riche que l’on pourrait continuer à en parler et à en décortiquer tous les aspects pendants des heures. Et puisqu’il faut bien conclure, force est de constater que le pari est gagné pour Thrice. Le projet était ambitieux et laissera sans doute certains fans sur le bord du chemin, d’autres auront eu suffisamment de ténacité et de souplesse pour rentrer dans ce que le groupe proposait, peut-être une sensibilité plus large aussi, et la capacité d’occulter la comparaison avec le passé du groupe. Reste à savoir si parler de Thrice dans le milieu punk rock (même au sens large) continuera d’être d’actualité. Le groupe continue de tourner dans la scène dont il est issu, The Alchemy Index doit être un grand moment live tout comme il vient diversifier un peu plus encore le set du groupe, pour autant souhaitons que cette parenthèse post-rock/art-rock en soit bien une…



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BIOGRAPHIE DU GROUPE


Thrice


Note : 17.5 / 20

Année : 2008

Durée : 45 minutes

Label : Vagrant Records

Du Son : SOUND

Tracklist :

Air :

01. Broken Lungs
02. The Sky Is Falling
03. A Song For Milly Michaelson
04. Daedalus
05. As The Crow Flies
06. Silver Wings

Earth :

01. Moving Mountains
02. Digging My Own Grave
03. The Earth Isn't Humming
04. The Lion And The Wolf
05. Come All You Weary
06. Child Of Dust