The Last Brigade + Texas Mongols + Billy Gaz Station @ Trokson (Lyon)

Date : 17 avril 2008 par Fab

Fourbu et lessivé par une journée de boulot loin d’être épanouissante, je n’ai qu’une envie en rentrant chez moi : m’affaler dans mon canapé, bouffer ce qui me passe sous la main et rester là, prostré devant une quelconque émission abrutissante distillée par le plus grand ami de l’homme moderne, la sacro-sainte télévision. Cependant, dans un ultime soubresaut de conscience, je me souviens d’un concert se déroule à deux pas de mon chez-moi. Je me motive pour lever mon postérieur et me rendre au Trokson sous une fine pluie froide. En entrant dans le petit bar situé sur les pentes de la Croix-Rousse, je me sens soudain déjà mieux, retrouvant Tof, ancien de Tous En Tong et désormais rédacteur du fanzine I Hate People. Il est entouré d’énergumènes aux rouflaquettes fournies, arborant fièrement tatouages et badges épinglés sur le cuir. De quoi sortir la tête de l’eau et surtout d’un quotidien bien morne.

Arrivé trois-quarts d’heure après le début théorique de la soirée, je pensais rater le début du set du premier groupe jouant ce soir. Mais, si un tel retard m’a fait manquer le show de Deadly Sins et quasiment tout le set d’Against Me ! mardi dernier à Paris en première partie des Dropkick Murphys, ce soir, je dois encore attendre quinze bonnes minutes avant que les premiers riffs de gratte n’atteignent mes oreilles. Je descends alors dans le petit caveau humide en pierre et vois Nasty Sammy en train de molester sa basse. Ce n’est donc pas Billy Gaz Station qui ouvre les hostilités ce soir (comme le laissait penser le flyer) mais The Last Brigade, dernier groupe en date de l’infatigable Bisontin, qui a ici rejoint les Nîmois Ritchie Buzz (guitare/chant) et Fabien Tolosa (batterie). Le (très bon) premier album du trio, Silver And Gold, est sorti le 1er avril dernier sur l’excellent label Kicking Records. Les gaillards combattent dans la catégorie poids lourds, avec une rythmique rapide et ultra lourde, des riffs outrageusement puissants et des soli rock’n’rollesques indécents. Je me prends en pleine face ce power rock sulfureux, lorgnant parfois vers un stoner pêchu à la Hermano. Le groupe n’en oublie pas pour autant les mélodies, taillées à la hache et plus percutantes que le pilon de Rocco Siffredi.

La cave voûtée et exiguë se remplie dès les premiers titres exécutés par The Last Brigade. Les têtes dodelinent et les guiboles s’agitent frénétiquement. Le batteur maltraite furieusement ses fûts comme si sa vie en dépendait. Le chanteur roule de gros yeux écarquillés, fixant son auditoire d’un regard hypnotique quand il ne s’échine pas à martyriser les pauvres cordes de sa gratte lors de soli toujours plus excitants. Le bassiste semble quant à lui complètement en transe, sautillant, s’agitant de droite à gauche, se balançant d’avant en arrière tel un zombie désarticulé, yeux révulsés, muscles contractés, joues gonflées. Le loustic en oublierait presque de respirer, continuant de gesticuler, la tête rougie et les veines enflées.
The Last Brigade enchaîne les morceaux et balancent ses parpaings sans s’attarder de futiles manières, jusqu’à une chanson moins endiablée, au tempo légèrement ralenti. La voix de Ritchie Buzz me rappelant alors étrangement celle de Billy Corgan (oui, oui des Smashing Pumpkins), et ce n’est pas pour me déplaire. Puis le combo relance la machine à gros riffs et revisite entièrement son album, dont « Mote », la reprise de Sonic Youth. Un trio impressionnant et imposant, à ne pas rater et à suivre de près, surtout lorsque l’on sait que ce concert n’était que le deuxième du groupe, le premier ayant eu lieu la veille à Besançon ! Une telle maîtrise après deux shows est tout simplement exceptionnelle. Mais doit-on s’en étonner avec un Nasty Sammy au CV long comme le bras et deux membres du backing band de Kevin K ?

Place désormais à Billy Gaz Station, groupe formé en 2006 par Billy The Kill (ex-Second Rate, Lost Cowboys Heroes et Waterguns, rien que ça !) et Mat Gaz (Headcases, Glasnot). Cela fait déjà quelques temps que BGS s’évertue à sillonner les routes de France et de Navarre pour défendre le récent split 45T partagé avec The Black Zombie Procession. Et, après un court intermède non alcoolisé (une fois n’est pas coutume), Billy, un blondinet rachitique flottant dans son jean taille 38, s’empare d’une magnifique guitare rose à paillettes et se plante devant le micro, tandis que Mat, son compère aux faux airs de métalleux, s’installe derrière les fûts, et que JJ Station, le troisième larron, s’avance la basse en bandoulière. Les affaires peuvent commencer et les trois garçons ne se feront d’ailleurs pas prier.
Le groupe, emmené par le remuant guitariste-chanteur, assène avec virulence des mélodies entraînantes appuyées d’une rythmique bien lourde. Seulement, après la gifle infligée par The Last Brigade, j’avoue avoir un peu plus de mal à rentrer dans le set. Pas que le groupe soit mauvais, loin de là même, mais sa power pop, bien que gonflée aux hormones, ne me prend pas aux tripes comme la musique de TLB. Néanmoins, après quelques morceaux, le trio parvient petit à petit à m’accrocher, comme tout le public d’ailleurs, qui semble grandement apprécier la performance du combo. Le batteur est impressionnant de puissance et de justesse tandis que le gratteux s’active comme un chien en cage. Le bassiste semble par contre un peu effacé, dommage. Au fil du set, les riffs sont de plus en plus pesants, les soli de plus en plus nombreux et la musique du groupe augmente clairement en intensité. Une impression ressentie par tout le monde amassé dans la petite pièce.
La prestation du groupe finira d’ailleurs en apothéose avec deux morceaux poussant au cul, plus bourrins et plus rapides, se rapprochant une nouvelle fois d’un stoner puissant au rythme élevé. Une montée en puissance parfaitement maîtrisée et exécutée. Le groupe a finalement parfaitement mené sa barque, nous infligeant la baffe retour qu’on mérite, peut-être moins cinglant que The Last Brigade, mais tout de même bien douloureux.

Pas trop le temps de traîner au bar et les Montbéliardais de Texas Mongols prennent place. J’avoue ne pas vraiment connaître le groupe avant ce concert, ayant juste entendu parler de lui je ne sais trop où et je ne sais trop quand (peut-être la chronique de la compil Mighty Worms Strike Vol. II...). Une seule certitude, ce nom loufoque et la description du style du quatuor, country’n’roll, laissent présager une bonne ambiance et un degré d’humour prononcé. Et lorsque le guitariste enlève en souriant son sweat pour faire apparaître les magnifiques bretelles d’une salopette digne de la petite maison dans la prairie, on ne doute plus une seule seconde sur la bonne humeur des Doubistes. Puis, un gringalet au cheveux de paille et à la barbe mal taillée débarque sur scène, affublé d’une grosse chemise à carreaux, une casquette de redneck vissée sur le crâne. Le batteur n’est pas en reste avec son chapeau de paille bien en place sur sa tête. Ces trois là semblent tout droit sortis d’un champ de maïs, sentant bon le graillon et la sueur d’une journée de travail en plein cagnard. Seul le bassiste ne semble pas du même monde, avec ses Converse et son sweat capuche.

Les quatre garçons attaquent leur set le sourire aux lèvres, un sourire qu’ils ne décrocheront plus jusqu’à la fin de la soirée. Un concert débuté d’ailleurs par une chanson beaucoup plus country que "n’roll". Le chanteur traverse la salle de long en large d’une démarche singulière, bat la cadence du pied et invite le public à l’accompagner. Et c’est sur un rythme effréné que le groupe enchaîne les titres issus d’un premier album, le bien nommé Designated Drinker. Toujours cette country tout droit venue du fin fond du Texas en fond sonore, et des arrangements plus ou moins rock’n’roll et rockabilly pour enrober le tout. Le mélange est plutôt réussi, festif, rigolard et sans prise de tête. On pense à Th’Legendary Shack Shakers période Cockadoodledon’t, notamment à cause de la voix de Swine Face, ressemblant à certains égards à celle du leader de TLSS.
Texas Mongols balance ses morceaux avec énergie, se souciant peu des personnes quittant la salle discrètement. Le guitariste n’hésite pas à jouer au milieu d’un public de plus en plus maigre, tandis que le déjanté chanteur lance une nouvelle danse de fermiers à coup de « Yyyaaah ! » entraînants. Malheureusement, le groupe s’enferme un peu dans un style dont les limites se font assez vite sentir. La musique du quatuor est originale mais les morceaux finissent par un peu se ressembler. À peine ai-je le temps de penser cela que Swine Face sort son harmonica pour me contredire et jouer un titre fort sympathique. Une reprise d’Elvis et quelques chansons plus tard voilà les Texas Mongols qui déposent les pelles, les fourches… euh, la guitare, la basse et les baguettes. Un court rappel exécuté dans la joie et la bonne humeur et les quatre gaillards quittent cette fois-ci définitivement les lieux, laissant une bonne trace d’huile de tracteur derrière eux. Pas de claque avec Texas Mongols mais plutôt une bonne dose d’antidépresseur !

Finalement, en lieu et place d’une attristante soirée télé, j’ai assisté à un excellent concert, découvrant en live deux groupes (Billy Gaz Station et The Last Brigade) à surveiller de très près, deux groupes prouvant une nouvelle fois la vigueur de la scène française. Sans oublier les distilleurs de bonne humeur et extravagants Texas Mongols, qui devraient peut-être creuser un peu plus loin et plus profond leur sillon. Merci à ces trois groupes, au punk rock et à la musique en général pour le bienfait qu’ils procurent. Et je plains ce soir toutes les personnes qui ont subi l’abêtissant diptyque télévisé du jeudi : Julie Lescaut - Méthode Cauet… Alors, disparition ou non du cd dans quelques années ? Bah ! Tant qu’il y aura des concerts !



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