nov.
26
2010
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Punk 365 |
Contexte :
La collection « 365 series » des éditions Abrams, c’est une série de livres qui comportent tous 365 doubles pages, avec à droite une photo, et à gauche une notice. Les sujets abordés ont trait à la musique, à Star Trek et beaucoup aux voyages et à la géographie. L’auteure, Holly George-Warren, s’est spécialisée dans les livres sur le far-west et sur le rock’n’roll, avec notamment plusieurs ouvrages sur The Rolling Stones.
Chronique :
Point de Mick Jagger ici par contre. Mais des groupes destroy en veux-tu en voilà.
Le livre commence de façon chronologique. D’abord les groupes pré-punk aux USA dans la partie sobrement intitullée « In The Beginning » : Stooges, Velvet Underground, MC5, Television, Patti Smith... Ensuite les premiers groupes réellement punk, dans la partie « East Coast USA ». New York Dolls, toujours à la limite du glam rock, Ramones, évidemment, The Heartbreakers et leur charismatique Richard Hell, des Dead Boys débraillés, des Voidoids patibulaires et évidemment, un peu partout, quatre lettres aujourd’hui disparues à part sur les t-shirts de quelques branchés : CBGB. Car ce rade de New-York a vu émerger les plus grands, les plus beaux, les plus forts, et surtout les plus destroy, entre les bières éventées, les graffitis dans les chiottes et les coupes afro à la limite du hors jeu. Pour se remettre dans l’ambiance, je conseille le visionnage de l’excellent « Summer of Sam » de Spike qui situe l’action de ce faux film policier dans le New-York de ces années là.
Déjà, en marge des groupes qui frappent fort, on voit poindre les débuts de l’ère post punk/new wave, comme si les américains étaient en avance de plusieurs wagons : Blondie, Devo, Talking Heads… La bombasse Debbie Harry pause au pieu avec ce grand dadet de Joey Ramone, ou avec l’iguane Iggy, une main sur le nichon. Les photos, signées Stephanie Chernikowski, Godlis ou Bob Gruen, retracent à la perfection cette période de folie et de liberté qu’on regrette forcément de ne pas avoir connue.
Une petite centaine de doubles pages plus loin, on traverse l’Océan Atlantique, direction Londres, 1976. Ils sont quatre, font la gueule, effrayent les vielles et les bourgeois, portent des fringues pourries et ne savent pas jouer de la musique. Pas grave, avec l’aide de Malcolm Mc Laren, bien connu des New-York Dolls, ils vont ériger leur ignorance en concept sous le joli nom de Sex Pistols. Et marquer durablement l’histoire de la musique. Au même moment, à quelques encablures va émerger un autre quatuor, un peu moins provoc, un peu plus conscient. The Clash a été nourri au pub rock et au reggae et, emmené par l’incontournable Joe Strummer et le technicien Mick Jones, ils auront droit à leur carton mondial.
Dans leur sillon s’engouffrent quelques combo à peu près aussi cultes : Buzzcocks, X Ray Spex, Stranglers, Generation X, The Slits, The Damned, The Jam, Sham 69 et consorts… Ils sont tous dans « Punk 365 », et même plus. Car le bouquin regorge de combos inconnus : The Tourist, The Soft Boys, Th’ Cigaretz, Steel Tips…
Le temps passe, Sid Vicious meurt d’une overdose, et de nouvelles têtes apparaissent, parfois plus reggae, parfois plus street, parfois plus oi ! : Cockney Reject, Angelic Upstarts, Stiff Little Fingers… Alors que la new-wave anglaise pointe le bout de son nez avec Joy Division, PIL ou Cabaret Voltaire.
Le reste du livre nous emmène avec tous les groupes précités à la conquête de la côte Est des Etats-Unis : Les Dolls à Hollywood en 73, Patti Smith à San Francisco en 75, The Ramones au Roxy de L.A, The Cramps au Tropicana en 79, Sham 69 devant un public de skaters, et des groupes made in California qui émergent (Dickies, X, The Germs…).
L’histoire se poursuit à travers tout le pays et laisse apparaître à la marge, entre les puristes rock’n’roll Link Wray ou Robert Gordon, les premières machines à hit parades Cindy Lauper, Billy Idol, U2 et même vers la fin, une new-yorkaise qui se fait appeler Madonna.
Ensuite, de l’ouvrage creuse le sillon post punk avec Echo and The Bunnymen, Sonic Youth ou les folkeux de The Pogues, s’attarde sur la new-wave mélancolique de The Cure à Siouxsie Sioux et lorgne même vers la fusion de Living Colour ou des incontournables Red Hot Chilli Peppers ainsi que vers les grosses guitares barrées des Pixies ou les premières effusions hip-hop des Beastie Boys.
La fin du bouquin se consacre à l’émergence de la scène hardcore, la vraie, la pure : Black Flag, Circle Jerks, Dead Kennedys, Minor Threat, Cro-Mags, Agnostic Front en 84, Bad Brains en 82, DOA, ou Fugazi en 1993. C’est une des dernières photos de « Punk 365 ».
L’une des principales qualités du livre de Holly George-Warrren est de ne pas oublier ces personnages secondaires qui ont accompagné l’explosion de la scène punk, qu’il s’agisse d’Andy Wahrol, de Don Letts, de Vivienne Westwood, de Jean-Michel Basquiat, de Nico ou de Sue Catwoman. Avec « Punk 365 » en plus, on apprend des choses, comme par exemple la présence de Morrissey, chanteur de The Smiths, dans la première formation des très destroy Slaughter and the Dogs. On y voit aussi des photos assez magiques rarement vues ailleurs : Joe Strummer, stetson sur la tête, essayant de s’allumer une clope dans une large avenue de Manhattan, Debbie Harry habillée en rude girl devant un graff en 1980, au moment où le rap commence à émerger, David Johansen, chemise entrouverte, brushing impeccable devant une rame de métro, des Dictators le doigt en l’air, quatre Clash dans les coulisses, un Plastic Bertrand cravaté, « seul Belge à avoir sorti une hit punk-rock » comme le dit la notice, un attroupement façon cour des miracles devant le CBGB…
« Punk 365 » est un photobook, mais c’est aussi un livre d’histoires. Des histoires drôles, des histoires tragiques, des histoires de talents cachés ou d’impostures orchestrées, des histoires de stups et de faits divers, et même s’il se termine vers 1993, « Punk 365 » est une histoire sans fin…
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