mai
9
2011
|
Interview >> La Phaze |
Rencontre avec les hyperactifs de La Phaze, plus que jamais à la croisée des chemins entre activisme punk et gros son technoïde. Des convictions bien ancrées, un nouvel album et de nouveaux projets : y’avait de quoi papoter...
Salut et merci de répondre aux questions de PunkFiction.
Votre album vient de sortir, quel est votre sentiment là en ce moment ? Il est pile comme vous l’avez souhaité, y’a des choses que vous auriez préféré faire autrement ?
Au sujet de l’album, nous avons tout réalisé à la maison depuis un an et demi environ, et je dois avouer que le fait de s’être recentré sur nous-mêmes nous a permis d’aller dans la direction que l’on souhaitait.
Pourquoi cet album est-il beaucoup plus anglophone que le précédent ? C’est lié à votre tournée qui vous a faits jouer beaucoup à l’étranger ?
Oui en partie. Disons que la plupart des textes sont venus sur la route et nous avons beaucoup joué à l’étranger ces derniers mois donc c’est un peu lié. Cela tient aussi au fait que j’ai beaucoup écrit en français sur les derniers disques et mon envie était clairement de chanter en anglais… Il y a toujours eu ce mélange au sein du groupe, sauf que ce disque est plus majoritairement anglophone.
C’est toujours toi qui écris les textes ?
Oui, toujours.
On sent aussi un renforcement des machines sur "Psalms…". C’est parce que tu étais gavé de sons punk à force de fréquenter Schultz, Tagada Jones et toute la clique ?
C’est vrai qu’on a beaucoup joué très saturé même avec La Phaze sur la tournée "Miracle", l’énergie punk c’est aussi un truc qui s’inspire de pleins de choses et ça n’est pas forcément juste brailler et jouer vite. Si tu écoutes un album comme "Sandinista" des Clashs, on voit que le punk-rock n’est pas limité bien au contraire. C’est un peu dans ce sens-là que nous voyons l’évolution de la musique.
Ouais je trouve que le Clash c’est la bonne comparaison, "London Calling" aussi d’ailleurs, et moi je vois des similitudes, dans la façon de mélanger les styles, avec Transplants... Vous connaissez je suppose ?
Yes ! Transplants… on a un peu la même approche je suis d’accord.
Comment sont les échos de la presse et du public pour le nouveau skeud ?
Niveau presse ça démarre doucement, on est bien relayé sur le Net, les gros médias français, eux, ça doit pas être leur priorité... Niveau public, on marque un réel retour aux sources pour les gens par rapport à l’album "Miracle" qui était franchement plus rock contestataire à la Béru. Il y a un retour à la danse, pas uniquement le poing levé. C’est une très bonne perspective pour les dates à venir, on reprend le pouls de ce qui se passe en France et c’est tant mieux !
Du coup il faut s’attendre à quoi au niveau du show ? Pas mal de son pour le dancefloor ou alors un mélange de tout ce que vous avez fait ?
C’est pas mal dancefloor en effet, mais il y a aussi de vieux titres du groupe réactualisés pour s’intégrer au nouveau set. Désormais nous sommes sur scène donc une nouvelle énergie de groupe, il y a beaucoup de machines mais le rock’n’roll est là, aucun problème ! Le son est plus "ciselé" que sur la tournée précédente et il y a plus de relief à mon avis ; ça ne veut pas dire qu’on s’est assagi non plus, ça veut dire qu’on élargit le spectre sonore.
Vous avez un musicien en plus pour le live ?
En effet, c’est Cédric (qui est en solo avec le projet Undergang). Il assure machines-guitares et chœurs sur scène avec nous : ça fait du bien car on voulait pouvoir jouer un maximum de sonorités sur scène pour être libre vis à vis des séquences programmées.
Le texte de "Temps de chien" évoque le déni de grossesse. D’où est venue l’idée de parler de ce sujet ?
C’est venu tout d’abord d’une histoire d’accident qui a touché un membre de la famille d’Arnaud (guitariste de La Phaze). Peu après ça j’ai suivi une émission sur le déni de grossesse suite à l’affaire Courgeaud. Les gens qui ont une "enveloppe sociale" aux yeux des autres amis renferment des secrets forts m’intriguent. Je trouvais qu’être enceinte et réussir à le cacher à son entourage est quelque chose d’extrêmement fort et intriguant. Donc le texte est venu comme ça, avec l’histoire de deux personnes aux destins reliés par un événement, c’est quelque chose qui revient pas mal dans les textes de ce disque, l’idée qu’il faut foncer car tout peut basculer en un éclair.
La scène punk / alternative française de la fin des 80’s / début des 90’s c’est une référence pour vous ? J’avais vu une vidéo de toi avant le 1er concert du Bal des Enragés ou tu semblais tout joyeux de reprendre "Ilot Amsterdam" de Parabellum…
Bien sûr. J’ai passé mes pires années d’adolescent avec tous ces groupes à fond dans les oreilles. Il y a une vérité pour moi chez ces groupes parce que ça vient des paroles, du côté "j’attends rien d’en haut, je me démerde avec ce que je suis, mes potes, et je prends les initiatives pour moi et les miens". Et puis il y avait un côté franc-tireur, genre "on va secouer le pays endormi dans la guimauve-variété", et ça, ça me plaisait bien sûr, la contestation... C’est ce que je trouve dommage aujourd’hui : les jeunes générations semblent attendre un truc mais je ne crois pas que leur futur viendra du temps passé sur facebook ou twitter...
Nan ça c’est clair... d’ailleurs Rouzman il vient de cette scène nan ? Il n’a pas joué dans Infraktion ?
Carrément et dans les Dileurs aussi.
Dileurs ! "Mangeurs d’images" c’est un album que j’adore... respect ! Après Keny Arkana, Eugène de Gogol Bordello et là un Puppetmastaz, ça sera quoi le featuring du prochain album ? Johnny Rotten ?
Ce serait drôle. Pas sûr qu’il soit facile à approcher... ça va te surprendre mais mon rêve serait d’inviter Mike Ness de Social Distortion à venir chanter sur un titre. C’est assez loin musicalement de la musique du groupe mais c’est quelqu’un dont les textes et l’éthique sont pour moi très importants.
Mike Ness c’est une super idée ouais... ça va bien avec votre tendance au mélange des genres.
Décloisonner, casser les frontières ça a toujours été notre façon de voir la vie et la musique.
Tu peux nous parler de la pochette du disque ? Qui ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ?
Alors... il s’agit d’un jeune mec très doué qui s’appelle Hamzat Djena (aka H). Je l’ai connu par le biais du manager de Keny Arkana et j’ai flashé sur son travail, il est photographe à la base ; je l’ai présenté aux autres lors d’un concert et le courant est super bien passé. On lui a filé les démos avec les textes de certaines chansons et on lui a donné carte blanche. Nous voulions quelque chose à l’image de notre musique qui fasse la jonction avec le passé et avec des éléments type "fresque" et la modernité, avec l’idée des métamorphoses de l’humanité : d’où les âmes qui survolent par-dessus les êtres humains en pleine mutation (l’homme tête d’ours, têtes d’oiseaux, singe, etc...) confrontés à la violence de la société (CRS, barres d’immeuble). Il y a quelque chose de très fort dans son artwork avec l’œil au centre qui est synonyme de la force créatrice, bienveillante en quelque sorte.
Cela me fait penser à l’univers de Terry Guilliam, à "Brazil" notamment, et à la pochette du dernier Sonic Boom Six... Tu connais Sonic Boom Six ?
Oui je suis d’accord avec toi pour "Brazil", à fond ! Sonic Boom Six on les connait, ils ont joué au pied levé en remplacement d’un groupe sur un festival où nous étions il y a un an et demi. Grosse claque, pure énergie. Ces anglais-là, ils s’installent en 2 minutes et ils envoient à donf pendant 1 heure qu’il y ait 20 personnes ou 2000. La chanteuse a du caractère ! Je n’ai pas vu la pochette de leur dernier skeud que je n’ai pas encore écouté non plus.
Ouais enfin le dernier il date d’un an et demi je dirais... Le téléchargement illégal vous en pensez quoi ? Sérieux manque à gagner pour les artistes, ou moyen de faire découvrir sa musique à tout un tas de gens qui peut-être ensuite viendront à vos concerts ?
Vaste débat. Oui c’est clairement un manque à gagner pour nous car on dirait que notre public est définitivement appelé à télécharger illégalement dès qu’on sort un truc. Après c’est sûr que ça popularise le groupe on s’en rend compte chaque fois qu’on met les pieds à l’étranger. Lors de notre dernière venue en Grèce par exemple, les gens chantaient les paroles de "Rude boy" par cœur, c’était étonnant ! Après j’espère que les gens ont le réflexe de se bouger sur les dates car aujourd’hui faire un disque coûte toujours des ronds et rapporte que dalle, le but étant de continuer à pouvoir enregistrer et sortir des albums.
Vous avez une idée des ventes de "Miracle" ?
Je crois que c’est dans les 15000, ce qui n’est pas si mal compte tenu de la crise, piratage et de notre musique qui n’est pas mainstream. Aujourd’hui les chiffres sont encore plus délirants, le support disparait progressivement... au profit des gros vendeurs de digital. Cela donne des achats à la carte... On est des artisans, notre truc c’est le live et de pouvoir proposer quelque chose de frais sur la table de merchandising du groupe ! C’est toujours là qu’on peut nous trouver pour discuter, échanger avec le public d’ailleurs !
En même temps t’as Nolwen Leroy qui a déjà vendu 600 000 exemplaires de son disque en breton !!??!!
Ouais ça s’adresse pas aux mêmes personnes non plus. Les gens qui achètent Nolwenn Leroy ont un pouvoir d’achat parce qu’ils correspondent à une certaine génération, c’est très grand public, matraqué par les gros médias type TF1... Après je préfère faire la musique qui me fait kiffer que devoir chanter des trucs de vieux pour vendre des disques...
Ouais les vieux ne doivent pas trop écouter la Phaze...
Vous avez des projets de concerts en Afrique du nord ? La Tunisie, l’Egypte, peut-être la Libye voire même un jour le Maroc ou l’Algérie ? La démocratie montre le bout le son nez… Je parie qu’il doit y avoir un gros potentiel dans la jeunesse de ces pays-là, sur le plan musical…
A fond ! Nous avons du soutien en Tunisie via un animateur qui tient une super émission là-bas. Je suis certain que la jeunesse de ce pays va être très demandeuse là-bas d’ici quelques mois. C’est un phénomène que nous avons connu dans les pays de l’Est, notamment en Bosnie après la guerre. Nous sommes toujours partants pour jouer n’importe où du moment qu’il y a une envie et des idées à partager.
Vous aviez un projet de split avec Burning Heads. C’est toujours d’actualité ?
Nous sommes en plein échanges d’ébauches avec les Burning Heads, il est question de rentrer en studio à la fin du mois pour enregistrer 4 titres. Donc le projet est bien sur le feu ouais.
Pour terminer : des questions à la con.
Vas-y !
En vrai il est sympa Manu Chao ? Qu’est-ce qu’il a à mettre tout le temps des bonnets bizarres ?
Très sympa. Il doit aimer ça, il fait ce qu’il veut en même temps...
Sarko ou Beslusconi ?
Ni l’un ni l’autre, ni dieu ni maître
Les Bérus ou les Clash ?
Dur... les Clash pour chaque saison, les Bérus pour le cœur
Gogol Bordello ou Gogol Premier ?
Gogol Bordello ! C’est la famille !
3 albums électro essentiels ?
Le premier Daft punk, le premier de Ed Rush & Optical, le premier album d’Atari Teenage Riot.
3 albums punk essentiels ?
The Ruts "Grin and bear it", Social distortion "White light, white heat, white trash", The Clash "London calling".
Merci de nous avoir consacré du temps, et bonne tournée à la Phaze !
Merci à toi…
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