CanISay ? Records

Interview >> CanISay ? Records

Rencontre avec Guillaume, chanteur de Trouble Every Day, et co-fondateur du label CanISay ? records dont l’activisme, notamment dans la scène nantaise, nous intéresse aujourd’hui.

Salut Guillaume !

Alors, pour commencer, peux tu nous faire une rapide présentation de CanISay ? Records ?

Alors CanISay ? est un label punk, hardcore qu’on a monté il y a de ça trois ans maintenant. On est deux à gérer le truc, moi depuis Nantes et Aymeric basé à Troyes. On en est à une dizaines de prods et co-prods maintenant et on fait aussi un peu d’organisation de concerts et on essaye de tenir une distro intéressante quand le budget est de la partie...

Pour ceux qui ne connaitraient/verraient pas la référence, pourquoi "CanISay" comme nom ?

Référence au premier album de Dag Nasty. Pourquoi ? Parce que cet album tue, parfaite évolution du hardcore des années 80 vers un truc plus mélodique et émotionnel. Toute cette période et cette scène de Washington symbolise le fait de vouloir amener le hardcore vers autre chose qu’une simple musique rageuse et violente, ce qui était très pertinent dans le contexte de l’époque (violence, drogues etc) et l’est toujours plus ou moins aujourd’hui. C’est vraiment ma vision du hardcore même si j’aime un panel de styles bien plus large dont des trucs bien plus ’mongoles’ dans l’attitude. Le principal reste d’aller à contre courant, surprendre, provoquer... Par contre après réflexion ça fait quand même un peu chier de rendre hommage à un groupe dont le chanteur s’est barré vers des horizons politiques bien nases, c’est d’ailleurs en partie pour ça qu’on a annulé le concert de Down By Law à Nantes, filer autant de pognon à un mec de droite c’est pas cool. Mais bon ça n’enlève rien à l’impact musical qu’a eu ce premier album de Dag Nasty sur moi.

Qu’est ce qui t’a donné envie de créer un label ?

J’ai toujours un peu baigné dans ce qu’on appelle ’la scène’ depuis mon adolescence, que ce soit en faisant des groupes ou en organisant des concerts. Et puis on était sur un projet de fanzine avec Aymeric, histoire d’élargir nos horizons. Malheureusement suite à un crash de PC et à une remise en cause de la démarche même de donner son avis sur telle ou telle production ou évènement et toute la subjectivité que ça impose, on a laissé tomber le projet. Je sais qu’ Aymeric lui a remis le couvert avec un zine plus orienté ciné, je sais pas où il en est actuellement. Bref, fortement sollicité par Crapoulet Records pour participer à la sortie du split Take It Back/Santa Cruz (dans lequel je joue aussi), j’ai de suite pensé à Aymeric pour monter un label. La passion du disque et l’envie de filer un coup de main à des groupes cool a fait le reste.

Comment choisis-tu les groupes dont tu vas sortir le skeud ?

Premièrement il faut que les mecs soient cool, je me vois pas investir du temps et/ou de l’argent pour soutenir des projets si humainement c’est bancal. Donc on privilégie surtout les groupes de gens que l’on connait dans un premier temps, même si il y a des exceptions qui confirment la règle comme Teenage Wasteland que l’on a rencontré seulement après la sortie du skeud et ce sans regret aucun, les gars sont cool et The Helltons. Musicalement on a pas de barrières même si on reste très attachés à une vision punk du hardcore, je pense pas qu’on sortira de beatdown ou de metalcore un jour, ce n’est pas notre truc, c’est une autre scène. Après des ouvertures vers le reggae, le rock ou la folk sont largement envisageables. Dernier point il faut évidement que le groupe tienne un discours que l’on cautionne. On est pas un label engagé au sens propre du terme, mais il y a un paquet de choses que l’on ne pourrait pas cautionner.

Quel est le déterminant du format de la production K7, vinyle ou cd ?

On a jamais sorti de K7, les K7 c’est ringard, c’est un truc de collectionneurs, c’est pas pratique, plus grand monde n’a de lecteur... Dans l’absolu on aimerait bien être un label 100% vinyle, mais il y a encore des groupes que ce format rebute, donc on essaye de faire plaisir à tout le monde et c’est pourquoi, à la demande des groupes, les skeuds de The Attendants, The Helltons ou les Draw Me A Butt sont en cd. Surtout que ces trois exemples sont des co-prods ou des projets menés principalement par le groupe à qui l’on est seulement venu donner un coup de main financier, donc même si on essaye de les orienter vers une sortie en vinyle ce sont eux qui ont le dernier mot.

Que penses-tu de la « crise du disque » ? Et du téléchargement ?

La crise du disque je m’en fout, on débute, on a jamais connu l’avant. Après si tu veux un point de vue, ouais effectivement les skeuds se vendent moins (on a d’ailleurs vraiment beaucoup de mal à écouler tout ce qui est en cd). Après faut aussi remettre les choses à leur place. Le budget des ados aujourd’hui n’est plus le même, tout a augmenté, quand on avait 100Fr d’argent de poche étant gamin, c’est sûr qu’on allait se payer un skeud. Aujourd’hui t’as ton forfait de portable à payer, le forfait internet pour les étudiants, les loyers sont plus les mêmes, la bouffe, les transports, le ciné coûte quasi 10€, bref rien n’est plus pareil, faut faire des choix et je pense que posséder un disque n’est plus une priorité pour pas mal de jeunes. De plus, il est devenu super facile de sortir un skeud, il y a profusion de productions, internet a beaucoup facilité les choses niveau contact, DIY etc... donc faut faire son choix, au lieu d’avoir 100 groupes qui vendent 10000 albums t’en a 1000 qui vendent 1000 albums, le butin et la gloire sont partagés donc réduits...
Pour le téléchargement je sais pas trop, j’en ai abusé, je ne le fais plus trop. Pas par souci éthique, juste parce qu’au bout d’un moment tu te gaves, tu sais plus ce que tu écoutes, tu n’as même pas de repère visuel ou physique pour identifier tel ou tel morceau, tu connais pas les paroles, qui joue quoi, qui a enregistré le bordel, qui fait les choeurs etc. Alors certes tu peux te faire une pure culture musicale en 30 secondes mais c’est avant tout de la surconsommation, et passive qui plus est. Tout ça manque de passion, d’investissement. Après si certains y trouvent leur compte tant mieux. La musique n’est pas un bien matériel et aujourd’hui on peux enregistrer un skeud pour quedal et je pars du principe qu’on fait de la musique par passion, pas pour se faire des ronds, alors si tu arrives pas à écouler les 1000ex de ton skeud, la prochaine fois fais-en 500, le problème sera réglé, l’important c’est que les gens t’écoutent non ? Pour résumer (j’espère ne pas trop m’être égaré) si vraiment tout ça se casse la gueule pour de bon ça sera pas si mal, ça fera le tri, seul les passionnés et les meilleurs resteront (rien de prétentieux là dedans, je ne parle pas de nous !).

Tu chantes dans Trouble Every Day, pourtant toutes les dernières productions du groupe sont sorties sur Opposite, la structure des Burning Heads, pourquoi ne pas les sortir sur ton propre label ?

Quand on a sorti notre premier album CanISay ? n’existait pas et c’est les Burning (Pierre avait enregistré et mixé le skeud) qui ont pris le projet en main. On était pas vraiment impliqués dans quoi que ce soit à l’époque à part quelques orga de concerts et sans ce concours de circonstances le disque ne serait probablement jamais sorti. Puis faut dire avant tout que c’est un putain d’honneur d’être soutenus par un tel groupe qui fut pour pas mal d’entre nous une porte ouverte vers le monde du punkrock et du hardcore, et qui surtout figure parmi l’un des meilleurs groupes du genre en Europe depuis un bout de temps maintenant. Et donc pour les prods les plus récentes on a continué avec eux car c’est avant tout une relation qu’on voulait prolonger d’un coté humain et que l’honneur est toujours le même. Et faut pas se voiler la face, le skeud a mille fois plus d’exposition dans le bac des Burning que dans le nôtre ou celui de CanISay ?.

Quels sont les principales difficultés rencontrées par un label indé comme Canisay ? Record ?

Déjà je pense qu’il faut être super rigoureux (et on l’est pas), s’investir à fond, pour la promo, pour tout faire en tant et en heure, pour se déplacer avec la distro pour faire de la tune pour la réinvestir dans les prods, faut de la place chez soi pour tout stocker (ce qui n’est pas mon cas, salut Olar !). Faut être prêt à perde de l’argent, à consacrer du temps à tout ça. Pour faire les choses très bien, faut limite aborder ça comme un taf à plein temps, alors avec la 30aine qui arrive, la vie de couple ou familiale, professionnelle, le fait de jouer dans des groupes à coté etc... c’est pas toujours géré comme ça devrait l’être. Après l’imperfection et l’innocence fait aussi le charme du punkrock, donc personne gère rien comme les potes, tout le monde commet des erreurs et on s’en sort toujours plus ou moins, même si j’aimerais vraiment être plus rigoureux, pas pour moi, pas pour l’argent, mais pour apporter une certaine satisfaction aux groupes que l’on soutient.

Comment tu vois l’avenir de canisay ? Quels sont les prochains projets du label, des concerts ?

Déjà il y a pas de plan de carrière, on peut très bien arrêter demain pour n’importe quelle raison. Pour le moment on continue c’est déjà pas mal. Pour les prochains projets niveau concerts on va se calmer car ça nous fait plus perdre de tune qu’autre chose, ce qui se répercute sur l’activité disque du label. Donc prochain show : The Adolescents + Burning Heads + Trouble Every Day le 20 juin à Nantes, après rien de prévu, on verra bien. De toute façon on organise pas par principe, juste pour faire jouer les potes ou des groupes qu’on kiffe et que personne d’autre ferait si on n’était pas là. Niveau disques la prochaine sortie est un 7’’ 2 titres des Burning Heads en co-prod avec Crapoulet. Puis la rentrée sera chargée avec dans le désordre le premier album de The Decline, la version vinyle du 3eme album de Justin(e), la version vinyle du premier vrai skeud de Wank For Peace, un 10’’ de Santa Cruz, un nouveau CD de Draw Me A Butt et un split 7’’ Trouble Every Day/Stick Around.

En parlant des concerts, Nantes et ses alentours bougent pas mal, il y a des lieux (le Ferailleur, la Scène Michelet, le Flamant..), des assos (Millefeuille prod, This is your scene, Alien fest, Cafardnahum, Naoned kicks..), des distros (Straight & Alert), des fanzines (Think Positively), des radios (Spirit Of Noise)...
Pas mal de groupes et ceux dans tous les dérivés du punk (du hardcore haineux au ska punk festif) et pourtant les concerts sont souvent déficitaires, et le monde est rarement au rendez-vous, tout comme l’ambiance, c’est paradoxal non ?

Je pense pas que ce soit paradoxal, au contraire. Le punk (ou hardcore, appelle ça comme tu veux) est une musique participative, chaque kid qui est séduit par le truc se sent obligé de s’investir par réelle passion, pour se sentir intégré, se faire remarquer... et du coup monte sa distro, orga des concerts, fait un groupe, un zine, prend des photos, devient le roi du pit, le mieux looké etc... Du coup tous les activistes sont aussi le public, donc le fait qu’une ville bouge à fond ne veux pas forcément dire qu’elle a un public énorme. De plus cette profusion d’événements, et là ça ne concerne pas que le punk mais toute manifestation musicale, fait que les gens doivent faire un choix, choisir leur scène, les concerts auquels ils vont aller, ceux qu’ils vont éviter etc... et du coup, comme pour la vente de skeuds finalement, le public se retrouve partagé entre 15000 petits concerts, au lieu de se retrouver à un gros show fédérateur de temps en temps. Je pense bien sûr, que le développement d’internet et la facilité que ça a apporté à organiser des concerts en est responsable. Là je vais faire mon vieux con mais il y a une quinzaines d’années, c’était la galère totale d’organiser un show, ça se faisait par téléphone, souvent par courrier etc... donc peu s’y risquaient, y’avait un concert tous les mois ou deux mois on va dire, du coup c’était l’événement et ça rassemblait pas mal de monde. Après je me plante surement aussi, j’étais jeune à l’époque et tout ça me paraissait vachement idyllique. Pour ce qui est de l’ambiance, pareil, les gens deviennent super sélectifs, je pense que ça joue pas mal. Ensuite il y a certaines salles un peu froides comme La Scène Michelet avec son parquet et ses peintures impeccables, du coup tu te demandes limite si tu vas pas amener tes chaussons pour éviter de tout salir !

C’est sur Canisay qu’est sorti la version vinyle de l’excellent deuxième album des Justin(e) « Accident N°7 », est-ce que la relative popularité du groupe t’a permis d’en écouler beaucoup et par là de pouvoir financer d’autres projets, cette sortie a-t-elle été en quelque sorte une locomotive pour le label ?

Carrément, Justin(e) ont la chance d’avoir un public nombreux, dévoué et limite fanatique et bien que le skeud était sorti en cd bien avant, le vinyle c’est bien écoulé et reste notre principale vente, en même temps on a fait en sorte de rendre l’objet intéressant avec des inédits, un skeud couleur, une belle pochette etc, du coup je pense que pas mal de mecs ont les 2 versions. Donc financièrement ça a fait grand bien et ça a permis de payer les prods suivantes. Par contre s’il y a un regret à avoir, c’est que la plupart de leur public ne fait pas l’effort de découvrir d’autres trucs et c’est très très rare de voir un mec acheter autre chose que son LP de Justin(e).

C’est clairement la prod du label la plus vendue ? .

Ouais celle ci, après je pourrais pas te donner de chiffre tant que ce sera pas sold out car on compte pas et un bout du stock est chez un mec du groupe. Le 7’’ de The Decline marche très bien aussi. Après on a quelques prods sold out mais c’était de la co-prod donc on avait pas de grandes quantités à disposition, mais par exemple le split Thrashington DC/The Patrons est aujourd’hui sold out, même si c’est loin d’être grâce à nous !

Ton label comporte également une partie distro, comment fais-tu pour récupérer tous ces disques auprès des autres labels ? Tu les contactes, c’est eux ?

Il y a une partie « wholesale » c’est à dire achats en gros auprès de certains labels qui nous bottent. Donc du coup ça permet d’avoir un prix de gros et de faire un peu de marge (jamais grand-chose, on essaye d’avoir des prix bas) pour financer la partie label et aussi les invendus. Après il y a une partie échange avec d’autres labels ou groupes intéressés par nos prods. Là on reçoie beaucoup de demandes qu’on peut pas toujours honorer, car faut être honnête, les cds de groupes inconnus de crust punk slovénien ou autres, ça se vend pas, alors certes ça fait de l’exposition pour le groupe, pour nous aussi en échange, mais ça encombre salement !

Bon ben fais-toi plaisir ici ça encombre pas : un résumé des prochaines galettes qui vont arriver ?

CIS ?12 : Burning Heads : 7’’
CIS ?13 : Draw Me A Butt : Friends are familly cd
CIS ?14 : The Decline ! : Hymns for broken hearts 12’’ + cd
CIS ?15 : Wank For Peace : 12’’
CIS ?16 : Justin(e) : 12 ’’
CIS ?17 : Trouble Every Day/Stick Around : 7’’
CIS ?18 : Santa Cruz : 10’’

Je sais pas où on va trouver l’argent pour sortir tout ça ! Si vous voulez vous tenir au courant : http://www.canisayrecords.com !

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