Contexte :
Il est des albums qui changent une vie, des albums qui ne sont pas toujours reconnus à leur juste valeur à leur sortie mais qui 20 ans plus tard sont devenus des références et influences reconnues de tous. Fugazi fait partie de ces groupes qui ont su garder leur intégrité malgré un succès grandissant dans les 90’s. Un groupe aussi complexe que l’est sa musique, qui est considérée bien souvent comme les bases de la première vague emo. fin 1989 sortait « 13 songs » compilant les EP’s Fugazi et Margin Walker parus respectivement en 1988 et 1989. Retour sur un chef-d’oeuvre de la musique moderne.
Chronique :
Si Ian Mc Kaye est surtout connu comme étant le leader de Minor Threat à la fin des 70’s et début 80’s, et pour son engagement qui donnera naissance au mouvement Straight Edge, le groupe Fugazi reste à ce jour sa plus grande réussite et ce disque en est le parfait exemple. Tout démarre par l’incomparable « Waiting Room », dont l’intro de basse et le petit silence qui suit sont restés gravés dans bien des mémoires, et dont le refrain inoubliable montre une volonté d’aller plus loin que le punk en proposant une musique inspirée tout autant du reggae enragé (la batterie en est témoin) que du plus noisy des rock n’roll, en ajoutant même une dimension presque grunge et parfois groovy grâce a cette basse ronde et très présente. Telle est la recette musicale de Fugazi.
Ian Mac Kaye décrit ce groupe comme un mix entre les Stooges et la vague reggae de la fin des 70’s (déjà souvent associée au punk). Côté voix, les chœurs rappellent régulièrement le passé hardcore du groupe même si la voix principale reste toujours tendue, prête à rompre à chaque instant. Les accalmies sont rares et bien senties comme sur la master piece « Suggestions », petit chef-d’oeuvre syncopé dirigé par la voix désabusée de Mac Kaye.
Le message de Fugazi est des plus importants dans la réussite de cet album. Beaucoup plus fin que le punk contestataire de ses débuts, Ian Mac Kaye tente de décrire ses états d’âme tout en dressant un portrait plutôt acide du monde qui l’entoure. On comprend mieux l’influence sur le mouvement emo. Plus que de véritables thèmes, les lyrics de Fugazi font souvent dans le ressenti et se mêlent parfaitement à la musique. Je recommande la lecture de toutes les paroles de cet album évidemment, bien que certaines retiennent particulièrement mon attention (« Burning » ou « Waiting Room »).
On peut clairement séparer l’album entre les titres d’inspiration proto punk tels « Bulldog Front » ou « Bad Mouth », et ceux inspirés de tempos plus déstructurés « Suggestions », « Bruning » ou « And The Same ».
Et puis il y a les ovnis, ces titres mêlant tout, qui font de cet album une alchimie parfaite. Je pense par exemple à la fausse ballade « Give Me The Cure » qui devient des plus stoogienne et noisy, ou « Glue Man » dont l’intro est totalement inédite : une voix qui se fait plus proche du Clash et un morceau toujours sous tension. Et puis il y a « Margin Walker », incroyablement noisy, rock n’ roll et avec un groove hors du commun qui en font un tube punk étrange carrément efficace.
L’instabilité des membres du groupe se ressent dans la détresse de cet album et dans le mixage rudimentaire laissant ressortir énormément basse et batterie. Ce son parfois grungesque à une époque où Dinosaur Jr créait la surprise, est définitivement ancré dans ce que les 80’s ont fourni de meilleur et n’a pas pris une seule ride.
Il serait difficile pour ma part de soulever des lacunes sur ce disque tant les deux EP’s qu’il contient sont les instigateurs d’un son et d’un art de vivre. Alors oui, son seul défaut serait peut-être d’être trop Fugazien, de ne pas détenir autant de perles inclassables que les albums suivants ou d’être trop direct et moins subtile.
C’est un monument, un chef-d’œuvre, un album que tout amateur de rock et de musiques actuelles doit avoir écouté et que tout fan de punk devrait compter dans sa collection. C’est l’un de ses très rares albums à faire l’unanimité, et plutôt qu’une chronique c’est une déclaration d’amour que j’adresse à cet album.
Note : 19,5 / 20
Année : 1989
Durée : 40 minutes
Labels : Dischord Records
Tracklist :
01. Waiting Room
02. Bulldog Front
03. Bad Mouth
04. Burning
05. Give Me The Cure
06. Suggestion
07. Glue Man
08. Margin Walker
09. And The Same
10. Burning Too
11. Provisional
12. Lockdown
13. Promises
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